Le ministre de l’Intérieur tunisien, Taoufik Charfeddine, a annoncé le lundi 16 novembre lors d’une séance d’audition organisée par la Commission de la sécurité et défense à l’ARP, la dissolution de 33 cellules terroristes et la liquidation de 9 éléments terroristes, et ce lors des 44 opérations anticipatives menées au cours des derniers mois.
Taoufik Chareddine a par ailleurs déclaré que les circonstances exceptionnelles par lesquelles traverse le pays nécessitent plus d’efforts pour éradiquer définitivement le terrorisme et dissoudre tous les groupes armés et les cellules dormantes.
Et selon toujours le ministre tunisien de l’Intérieur, les unités militaires et sécuritaires ont pu arrêter depuis le début de l’année 1020 personnes accusées d’appartenance à des groupes terroristes.
Il est à indiquer dans ce contexte que la Tunisie a enregistré au cours de l’année actuelle un nombre d’attentats terroristes à l’instar de celui qui a pris pour cible une patrouille de sécuritaire aux environs de l’Ambassade américaine au mois de mai dernier dont deux policiers ont succombé. En outre, un autre attentat a eu lieu au mois de septembre et qui a fait deux victimes parmi les agents de sécurité.
« Promotion de l’extrémisme »
Plusieurs organisations terroristes sont actives en Tunisie et font des massifs montagneux de Djebel Chambi à l’ouest du pays ses fiefs à l’instar de « Katiba « contingent » Okba Ibn Nafaa liée à Al-Qaïda et la « Katiba de Jound Al Khilafa (les soldats du califat) liée à l’organisation de l’Etat Islamique.
Des cercles politiques en Tunisie accusent en fait les organisations des Frères musulmans de répandre « la pensée takfiriste » et l’incitation des jeunes à se radicaliser à la violence et à appartenir à des groupes terroristes.
Des observateurs considèrent sur un autre plan que le résultat de la prolifération des cellules terroristes en Tunisie est inquiétant que des troubles secouent le sud tunisien et les zones frontières du côté libyen.
Plusieurs études internationales soulignent d’ailleurs que les Tunisiens sont parmi les plus présents dans les groupes terroristes et les zones de troubles internationales. Ceci pose plusieurs interrogations surtout que la Tunisie s’est imposée en tant que jeune démocratie au sein d’un contexte régional enflammé.
L’expert en affaires des groupes terroristes, Alaya Allani, affirme dans ce contexte que le fléau de terrorisme s’est amplifié en Tunisie dans la période post-révolution soit après 2011. Il l’explique par le changement politique et l’absence de la volonté politique à l’époque pour lutter contre le terrorisme, les organisations extrémistes et le flux de l’argent de l’étranger vers la Tunisie sans contrôle. À cela s’ajoutent la stagnation de l’économie tunisienne, l’amplification du taux de chômage entre les jeunes. Une donne qui a contribué à amplifier ce fléau chez les Tunisiens. L’expert Allani estime par ailleurs que ce phénomène a connu une baisse en Tunisie ces dernières années mais il persiste encore.
L’intervenant a insisté sur la nécessité de l’intervention internationale dans la lutte contre ce fléau et de ne pas le négliger en expliquant que : « la Tunisie est incapable seule d’éradiquer le terrorisme étant donné que les circonstances internationales et le manque des moyens financiers et des équipements freinent les efforts de l’Etat à imposer ses lois et de poursuite des organisations extrémistes.
Profiter des crises internes
La relation entre les partis, les courants et les mouvements politiques qui est caractérisée par des conflits permanents, est considérée comme étant l’une des principales motivations de Daesh pour récupérer son rôle puisque les attentats du l’organisation se multiplient parallèlement avec l’intensification des tensions politiques parmi la coalition gouvernementale ainsi que le différend entre les courants civils comme le Parti destourien libre et le mouvement d’Ennahdha. Cela donnera aux organisations terroristes l’opportunité pour séduire et solliciter les jeunes par l’argent et les armes afin de les recruter dans les rangs de ces organisations en exploitant les crises internes desquelles souffre la Tunisie. Sans oublier le vide que laissent l’élite politique et le gouvernement devant ces organisations pour le combler notamment dans les régions qui souffrent de la marginalisation économique et sociale.
De sérieuses menaces
Il est important de noter que la Tunisie s’est transformée en l’un des principaux pays que ses citoyens se déplacent en Syrie, au Yémen et en Libye au cours des 9 dernières années. C’est d’ailleurs l’une des questions qui font encore polémique. Les estimations de leur nombre varient entre 3500 et 6000 combattants. De plus, ce dossier est compliqué et il contient plusieurs failles juridiques bloquant le travail des juges à cause de l’absence des documents prouvant la participation des terroristes dans les zones de conflits. Au contraire, il y a des documents qui prouvent qu’ils sont partis vers la Turquie sans jamais la quitter. Cette donne leur permet de retourner dans leur pays en tant que citoyens qui bénéficient de tous leurs droits dont le déplacement en toute liberté à l’intérieur de la Tunisie ainsi que faire des attentats qui déstabilisent la sécurité et le pays.
Parmi les menaces auxquelles sont affrontés les établissements de l’Etat sécuritaires et militaires, les attentats de « loup solitaire » exécutés par quelques éléments de Daesh d’une façon décentralisée et qui prennent pour cibles les agents de sécurité et les militaires. Il a été constaté dans ce registre que les auteurs du dernier attentat à Sousse n’étaient pas fichés chez les organes de sécurité d’autant plus que d’autres auteurs d’attentats ont été arrêtés puis libérés pour être après liquidés lors d’un autre attentat.
Malgré les efforts déployés par les forces de l’ordre tunisiennes en vue de dévoiler les partisans de Daesh ou qui portent ses idées, il y a des failles juridiques dans lesquelles s’infiltrent les terroristes dont ce qu’on appelle le « Dark Web » particulièrement les réseaux sociaux connus sous le nom « angles morts » puisqu’on ne peut pas les détecter facilement. D’autant plus qu’il s’agit d’une organisation qui bénéficie d’une protection logistique de la part de ceux qui gèrent ses opérations et ses réseaux à partir de l’étranger.
L’Organisation de Daesh menace la sûreté nationale tunisienne quand elle essaie à travers ses attaques « séparées » de bloquer les efforts déployés pour consacrer la stabilité interne. Et elle va continuer encore d’exploiter les « réseaux de transfert des terroristes » soutenus par des parties internes et de chercher des zones sécurisées pour ses partisans à travers ses filiales et ses organisations notamment « Katibat Jound Al Khilafa » qui avait prêté allégeance au leader de l’organisation Ibrahim Al-Qourachi. Toutefois, le gouvernement tunisien œuvre pour renforcer ses contacts et consolider sa coopération avec les puissances régionales et internationales impliqués dans les efforts de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme dans la région.