Histoire de l’accord
L’accord a été discuté pour la première fois lors de la visite du président chinois Xi Jinping à Téhéran en 2016, quand il avait rencontré le guide suprême iranien, Ali Khamenei. Mais l’accord prévu a fait l’objet d’un examen approfondi l’été dernier, lorsqu’un brouillon supposé de l’accord a été divulgué. Les documents prétendaient que la Chine était prête à investir 400 milliards de dollars en Iran au cours des 25 ans de l’accord, contre un accès sans précédent aux ports et aux îles iraniens. Ceci a de son côté suscité des craintes de perdre la souveraineté parmi les Iraniens, puisque l’investissement chinois constitue une question sensible.
C’est la première fois que l’Iran signe un accord aussi long avec une grande puissance mondiale. Le premier accord avec l’un de ces pays remonte à 2001, lorsque l’Iran et la Russie ont signé un accord de coopération de 10 ans, particulièrement dans le domaine nucléaire, prolongé à 20 ans suite à deux prolongations de cinq ans.
En quoi consiste l’accord de coopération stratégique sino-iranien ?
Malgré le grand bruit médiatique entourant l’accord de 25 ans, puisque les principaux médias arabes et internationaux ont contribué à amplifier la transaction, mais les détails restent rares. Il n’y a pas d’explication logique à cette ambiguïté !!
Le texte de l’accord n’est pas encore divulgué et ne sera probablement pas publié, de sorte que ces analyses doivent être prises avec prudence. Cependant, le brouillon de l’accord a été divulgué l’été dernier et il est peu probable que le texte ait changé de manière significative au cours des six derniers mois. De plus, plusieurs sources ont indiqué que l’accord divulgué n’avait pas enregistré de modifications. Que peut-on dire de l’accord sur la base de ce brouillon fuité ?
Wang était également en Iran dans le cadre d’une tournée plus large dans six pays du Moyen-Orient, qui comprenait également le Royaume d’Arabie saoudite, la Turquie, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Sultanat d’Oman. En d’autres termes, la visite n’était pas spécialement pour signer cet accord stratégique global et complet dont les détails tout ce qui a été filmé et annoncé.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian a dit : « Le plan est axé sur le fait de tirer profit de l’exploitation des potentiels de la coopération économique et culturelle et de préparer un processus d’une coopération à long-terme. Il n’inclut pas de contrats et d’objectifs spécifiques et quantitatifs et ne cible aucune autre partie, et il fournira un cadre général pour la coopération entre la Chine et l’Iran à l’avenir ».
Le plus important, c’est que les 400 milliards de dollars annoncés ne figuraient pas réellement dans les annonces officielles de l’accord signé, bien que le montant apparaisse dans plusieurs rapports de médias étrangers. En fait, lorsqu’ils ont mis la pression sur Zhao concernant le montant total de l’investissement chinois, il a refusé de répondre.
L’accord, baptisé « Partenariat stratégique global », couvre une variété d’activités économiques allant du pétrole et des mines à la consolidation de l’activité industrielle en Iran, ainsi que la coopération dans le domaine des transports et de l’agriculture, selon le rapport. L’accord soutiendra également les échanges touristiques culturels. Il intervient lors du cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l’Iran.
En d’autres termes, il peut y avoir moins que ce que l’on voit dans l’accord, du moins dans sa forme actuelle. Des chercheurs, dont Bill Figueroa, le chercheur spécialisé dans les relations sino-iraniennes, ont fait valoir sur Twitter que l’accord « n’était une grande transaction ». « Il s’agit plutôt d’un « document ambitieux » ne fournit aucune méthode de mise en application, ou des objectifs mesurables ou programmes spécifiques ». Il a indiqué, du côté de la défense en particulier, que les domaines spécifiques de coopération « sont tout ce qui existe déjà », et ils relèvent du critère de la participation de la Chine avec les autres puissances régionales.
Bill Figueroa raconte une histoire similaire sur l’investissement de la Chine en Iran. Selon le China Global Investment Tracker, les investissements de la Chine en Iran de 2010 à 2020 se sont élevés à 18,2 milliards de dollars. Au cours de la même période, la Chine a investi 30,6 milliards de dollars en Arabie saoudite et 29,5 milliards de dollars aux Émirats arabes unis. Toutefois, Pékin et Téhéran voient des avantages politiques dans la promotion de leurs relations, mais les résultats concrets sont à la traîne par rapport aux relations de la Chine avec les opposants de l’Iran dans le Golfe Persique.
Figueroa a conclu: « En bref, cet accord représente une tentative de restaurer les relations sino-iraniennes pour être en phase avec le reste des pays du Moyen-Orient, au lieu de s’étendre au-delà de l’implication habituelle de la Chine dans la région ».
On disait: «Le diable réside dans les détails», mais clairement les détails ne sont pas encore disponibles, et il semble que ceux-ci devront être réglés, sous forme de contrats et de plans spécifiques de coopération. Malgré le bruit médiatique entourant l’accord, quelque chose entrave encore les relations sino-iraniennes – qu’il s’agisse de la réticence de la Chine à se lier à l’économie iranienne souffrant des sanctions, soit à cause des craintes iraniennes de perdre sa souveraineté, ou de la géopolitique complexe du Moyen-Orient ou d’une combinaison entre les trois.
Selon des rapports économiques, l’Iran et la Chine ont généré environ 20 milliards de dollars d’échanges commerciaux par an ces dernières années. C’est moins de près de 52 milliards de dollars en 2014, en raison de la baisse des prix du pétrole et des sanctions américaines imposées en 2018 après que le président américain Donald Trump a unilatéralement retiré les États-Unis de l’accord nucléaire.
Par conséquent, l’Iran a renoncé aux restrictions imposées dans le cadre de l’accord au titre de ces sanctions afin de faire pression sur les autres signataires – l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et la Chine – pour qu’ils offrent de nouvelles incitations économiques compensant les sanctions américaines.
Pas d’engagements spécifiques, pas d’investissement de 400 milliards de dollars
D’abord, il n’y a nulle part dans le texte de ce document ou dans aucun autre document officiel ou déclaration officielle aucun chiffre mentionné. Il n’y a pas non plus des dispositions concernant la vente d’îles, de bases militaires, d’occupation ou de quoi que ce soit qui pourrait étayer d’autres allégations inquiétantes. Cela a été complètement démystifié par plusieurs chercheurs, et un rapide coup d’œil sur le texte confirmera leurs allégations. Bien que le projet lui-même semble authentique, les allégations de 400 milliards de dollars d’investissements chinois et des avantages militaires énormes peuvent être attribuées à un article peu crédible sur l’économie pétrolière de 2019, qui a depuis été supprimé.
Au lendemain de l’accord stratégique global entre la Chine et l’Iran, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lejian a déclaré : « Il n’inclut aucun contrat et objectif quantitatifs et spécifiques et ne cible aucun autre partie, et il fournira un cadre général pour la coopération sino-iranienne à l’avenir »,
Le même jour, Reza Zbib, chef du département Asie de l’Est au ministère iranien des Affaires étrangères, a qualifié l’accord de « document non-engageant ». En réponse à la raison pour laquelle le texte n’a pas été publié, il a affirmé qu’«il existe une obligation légale de publier les accords; Cependant, la publication de documents non-engageants n’est pas courante.
Les deux parties ont maintenant reconnu que le plan ne contient pas de « contrats quantitatifs spécifiques », donc de notre point de vue il s’agit d’un « document non-engageant ».
Cela confirme que l’accord signé a peu changé par rapport à l’accord divulgué l’été dernier. Le meilleur qualificatif de l’accord est un « document ambitieux ». C’est un indicateur que l’Iran pourrait se rapprocher davantage de la Chine, mais ce n’est pas une garantie.
Il n’y a pas de détails, ou des contrats et des quantités spécifiques dans cet accord signé, puisqu’il n’y a pas de méthodes de mise en application, ou d’objectifs mesurables ou de programmes spécifiques. Il appelle simplement à une « coopération » énigmatique à travers le renforcement des contacts » dans plusieurs domaines. La Chine s’est également engagée à multiplier par dix les investissements en Iran en 2016, mais peu de progrès ont été réalisés après cinq ans. En fait, les investissements chinois ont considérablement diminué dès lors.
« Il convient de rappeler que les deux engagements sont intervenus dans la foulée de l’élection d’un nouveau président américain avec une nouvelle politique étrangère. Cela ne signifie pas que les relations entre la Chine et l’Iran sont guidées par la politique américaine, mais que la tendance à les afficher et à les exagérer est en partie motivée par le désir de faire preuve de force au niveau international ».
L’Accord d’avantages mutuels ? Les relations économiques, politiques et commerciales
Si l’accord sera «mutuellement avantageux» dépend de la perspective que l’on adopte. Pour l’État iranien, cela présente de nombreux avantages : un partenariat stable avec la Chine signifie un marché du pétrole stable à un moment où les sanctions américaines ont gravement touché ses revenus. Il affiche également une image de force et représente une tentative de briser l’isolement diplomatique imposé par les États-Unis.
Quant à la Chine, il offre des avantages similaires – une part dans un grand exportateur de pétrole (bien que l’Iran fournisse une petite partie des importations totales de pétrole de la Chine) et un grand marché étranger pour les produits chinois (bien que cela nécessite beaucoup d’investissements), les deux à la fois de sont des avancées réelles et symboliques vers la réalisation de l’initiative de la ceinture et de la route et l’expansion de la portée mondiale de la Chine.
Du point de vue du peuple iranien, les choses sont très différentes. En dépit des questions de «vendre l’Iran», les relations étroites avec la Chine restent impopulaires auprès de nombreux segments du peuple iranien, qui s’opposent souvent à l’afflux de produits chinois low-cost et de mauvaise qualité qui ravagent l’économie locale et engendre une «course vers le fond». « Certains ne considèrent pas la Chine comme un partenaire stable, indiquant qu’elle s’est retirée de nombreux accords avec l’Iran dans le passé. Au lieu de se demander si l’accord est mutuellement avantageux pour la Chine et l’Iran, il vaudrait mieux de penser à une version différente de cette question: « qui en profite le plus l’Iran ou la Chine? ».
Des rapports médiatiques iraniens reflètent cette opinion. L’agence de presse officielle Fars a qualifié l’accord de «mystérieux dans certains de ses côtés, et d’un autre côté, dans certains cas, l’Iran a eu des expériences amères en ce qui concerne ses relations avec d’autres pays. Elles avaient ses avantages et ses inconvénients». Le rapport, publié par l’agence de presse Fars, aborde les plans généraux de coopération entre les banques et les projets d’infrastructure liés à la « Nouvelle route de la soie » et à l’Initiative de la Ceinture et de la Route, mais il reconnaît que l’accord avec la Chine est une « feuille de route ». En discutant le transfert de la technologie, il incite «si l’Iran veut faire des progrès… il ne doit pas attendre l’autre partie» et doit développer un «plan à long-terme» avant de conclure des accords spécifiques. Alors que les investisseurs chinois sont «encouragés» à investir dans différentes zones économiques libres en Iran, telles que Mako tout au long de la frontière turque, l’île de Qeshm dans le détroit d’Ormuz et la zone franche stratégique d’Arvand près de Chatt el-Arab. Cependant, le document reconnaît que si ces zones ont été créées pour attirer les investisseurs étrangers, «l’infrastructure existante dans nos zones franches n’a malheureusement pas été en mesure d’attirer activement les investissements locaux». En d’autres termes, la partie chinoise n’a pas encore respecté les détails de l’accord de 2016 et a toujours et historiquement été hésitante à le faire.
Bien que l’accord bénéficie d’un large soutien parmi la communauté des affaires iranienne et à plusieurs niveaux du gouvernement, d’autres facteurs compliquent de faire d’autres investissements. Les entreprises chinoises ne sont pas susceptibles d’investir ouvertement de grosses sommes alors qu’elles sont exposées aux sanctions américaines. Il y a aussi d’autres obstacles : en raison de la mauvaise réputation des produits chinois, où de nombreux Iraniens sont sceptiques pour les acheter, les deux parties se plaignent de la difficulté de traiter avec la bureaucratie de l’autre partie, tandis qu’elles conviennent diplomatiquement que les affaires restent rentables, et les deux parties doivent être disposées à faire des affaires au niveau micro ainsi qu’au niveau macro.
La défense et les préoccupations stratégiques
En ce qui concerne la défense, les dispositions mentionnées dans le brouillon de l’accord – les entrainements militaires conjoints, l’échange des informations de renseignement sur le terrorisme et la coopération dans les crimes internationaux – sont toutes des choses qui existent et ne représentent donc pas un changement majeur de leur politique, même si elles deviennent plus formelles … comme ils le font dans la plupart des États voisins du Golfe. En fait, la Chine a conclu des accords de coopération stratégique similaires avec cinq autres pays du Moyen-Orient, dont l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Elle a également conclu des accords similaires avec la Russie, l’Inde, l’Égypte, le Pakistan, l’Irlande, le Qatar et d’autres. En bref, cet accord représente une tentative de rétablir les relations entre la Chine et l’Iran pour être en phase avec le reste des pays du Moyen-Orient et leurs efforts dans le processus de communication internationale, au lieu de s’étendre au-delà de l’habituel pour l’engagement de la Chine dans la région et dans le monde. Et toute intensification des relations à l’avenir sera probablement conforme et en équilibre avec les relations des autres États du Golfe.
Néanmoins, l’accord offre certains avantages stratégiques pour l’Iran. Alors que la Chine n’a pas la capacité réelle de s’opposer aux sanctions ou même à des choses comme l’assassinat américain de Qassem Soleimani, la perspective de renforcer les liens sino-iraniens donne à l’État iranien un peu de répit et d’espace pour prendre position. Cela pourrait même impacter positivement les perspectives de reprise du Plan d’action global conjoint (JCPOA), comme on l’appelle l’accord sur le nucléaire iranien avec les États-Unis. Lors d’une session de questions-réponses sur l’application de médias sociaux, Clubhouse, le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif a indiqué : «Nous avons pu démarrer l’accord stratégique avec la Chine grâce à la signature du JCPOA. Auparavant, les Chinois n’avaient pas répondu à nos initiatives». Cela est conforme aux déclarations publiées par Pékin au moment de la signature du Plan d’action global conjoint, et à l’engagement de 2016, et aujourd’hui, l’amélioration des relations entre l’Iran et les États-Unis est une condition préalable au renforcement des relations sino-américaines, car les grandes entreprises chinoises, comme mentionné ci-dessus, ne veulent plus de sanctions.
Alors que l’administration Biden a exprimé sa «préoccupation» à propos du partenariat, elle a par contre accepté d’assister au sommet de Vienne qui comprend la Chine, l’Iran, la Russie et l’Union européenne.
Conclusion
Depuis la signature officielle de l’accord, un groupe d’experts sur les relations sino-iraniennes s’est concentré sur l’importance de cet accord. Jonathan Fulton, chercheur principal au Conseil de l’Atlantique et professeur adjoint des sciences politiques à l’Université Zayed d’Abu Dhabi, l’a qualifiée d’« une liste de choses que [l’Iran et la Chine] espèrent faire, dans des conditions idéales ». Jacopo Sita, doctorant à l’Université de Durham, a décrit l’accord comme un « mirage » et un « plan sans détails » qui ne devraient pas provoquer la « panique » qu’on constate dans les commentaires occidentaux. Lucille Greer et Esfandiar Batmanglij, deux chercheurs qui ont analysé le projet largement divulgué, ont discuté dans le Washington Post que l’accord « n’est pas si inquiétant ». Fan Hongda, un universitaire chinois à l’Institut d’études du Moyen-Orient de l’Université internationale de Shanghai, a décrit l’accord comme « juste une feuille de route » basée sur « la force et la profondeur » de la future coopération sino-iranienne.
Il faut être prudent pour ne pas sous-estimer la valeur de l’accord. Ce n’est pas de « fausses nouvelles » que les relations sino-iraniennes sont susceptibles de s’améliorer. Il revêt une grande importance symbolique et donne à l’Etat iranien une marge de négociation. Cependant, les inquiétudes qui poussent à adopter une position plus agressive envers la Chine et l’Iran sur la base de cet accord exagèrent considérablement en ce concerne ses conditions.
Sont-ils en train d’œuvrer pour développer les relations sino-iraniennes? Oui, et c’est important. Cela enregistrera une augmentation des investissements et des liens entre les pays. Mais il n’y a pas de détails spécifiques, et il n’existe pas d’indicateurs que des investissements de 400 milliards de dollars seront mobilisés, et aucun indicateur aussi concernant une coopération militaire sans précédent ou des forces chinoises stationnées en Iran. En réalité, on n’a aucune raison de croire que l’accord représente un changement majeur dans la politique internationale de la Chine, et toutes les raisons de croire qu’il sera équilibré par rapport aux relations de la Chine avec les États-Unis et d’autres pays de la région, y compris le rival de l’Iran, l’Arabie saoudite.
Bien que la Chine demeure toujours le plus grand importateur de pétrole de l’Iran, d’un autre côté, l’Iran n’est pas le plus grand fournisseur de pétrole de la Chine, car l’Iran se classe neuvième selon les statistiques finales pour l’année 2019, et l’Arabie saoudite en 2020 est toujours le premier exportateur pour la Chine, tandis que les entreprises chinoises n’ont pas tenu leurs engagement en augmentant les investissements, les importations ou les exportations pour atteindre le niveau prévu en 2016, il est peu probable que cela se produira en 2021. Il est peu probable que l’accord menace fondamentalement l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient. En fait, la Chine a tendance à choisir des relations stables avec des avantages géostratégiques plutôt que des relations volatiles susceptibles de provoquer des conflits. Malgré toutes ses répercussions, la Chine, comme l’Iran, s’intéresse plus à ses objectifs géopolitiques immédiats plus que briser l’isolement du régime iranien.
Point d’interrogation:
Pourquoi les États-Unis n’ont-ils pas imposé jusqu’à présent des sanctions sur le port iranien Chabahar? Ce port est actuellement le plus important pour l’Iran dans ses opérations d’importation et d’exportation, d’autant plus que ce port en particulier n’est plus la destination chinoise la plus importante du projet « Ceinture et route » «Route de la soie», mais plutôt le principal et le seul pour achever ce projet.