Première partie
Ahmed Al-Romoh
Hayat Tahrir al-Cham (Organisation de libération du Levant) anciennement appelée Jabhat (Front) al-Nosra est une organisation djihadiste salafiste affiliée à Al-Qaïda cherchant à renverser le régime d’al-Assad et à établir un « régime islamique » au «pays du Levant». Cette étude se penche sur l’organisation, étant donné qu’elle est la plus importante parmi les organisations djihadistes présentes en Syrie.
Le début de la militarisation de la révolution syrienne a été un tournant pour Al-Qaïda, parce qu’elle s’est immiscée dans la situation syrienne à travers son bras militaire, le Front Al-Nosra, qui s’est isolé du reste des factions d’opposition armée en adoptant son propre agenda et ses propres stratégies de travail ainsi que ses instruments. En effet, son projet a commencé à prendre forme autour des récits de la mise en forme de la carte syrienne. Elle a cherché à définir son rôle dans la révolution syrienne.
À l’automne 2015, l’année de l’intervention militaire russe, Al-Nosra se trouvait face à des défis internes et externes, représentés par le dialogue interne mené par le chef général d’Al-Qaïda, le docteur Ayman Al-Zawahiri, dans le but de changer sa forme structurelle, et le dialogue s’est achevé par la décision du désengagement d’Al-Nosra de l’organisation mère. Bien que l’aile conservatrice d’Al-Nosra ait réussi à s’emparer du bureau de la Choura, al-Joulani est resté le commandant général de « Fatah al-Sham », anciennement le Front Al-Nosra.
L’organisation Fatah al-Cham était une entité créée par le cercle conservateur dominant à Al-Qaïda après aux restrictions internationales, plutôt qu’à la suite de pressions populaires qui considéraient Al-Nosra comme un prétexte d’attaque, ce qui a conduit à un déséquilibre interne de la structure de l’organisation, lorsque Al-Joulani a appelé à s’allier aux autres factions d’opposition armée et de construire une grande alliance armée, qui sera baptisée « Hayat Tahrir al-Cham », la majorité de ses affiliés sont des Syriens, mais il n’a pas réussi à la présenter comme une organisation révolutionnaire populaire adoptant une approche globale envers la société. Ainsi, Hayat Tahrir al-Cham est restée un modèle classique inspiré d’Al-Qaïda.
Cependant, les raisons de l’échec de Hayat Tahrir al-Cham, anciennement appelée al-Nosra sont dues aux défaillances de sa formation structurelle, en se présentant comme étant une organisation de base djihadiste, puis son implication dans le travail politique pour affronter les autres acteurs locaux dans la sphère d’influence géographique de l’opposition syrienne, ainsi que sa transformation d’une organisation djihadiste cherchant à changer le système laïc en un groupe voulant accéder au pouvoir à travers un réseau d’alliances régionales et internationales.
Les circonstances de la création
Durant des années de sa création, Jabhat al-Nosra a pu atteindre les objectifs de son fondateur, « Al-Joulani », en se débarrassant de « Al-Baghdadi » qui possédait le commandement des djihadistes en Irak et du Levant, ainsi que son désengagement de l’organisation mère « Al-Qaïda ». En fait, les événements de la révolution syrienne en 2011 représentaient une opportunité précieuse, pour Al-Joulani pour annoncer sa révolution contre tout le monde, djihadistes et révolutionnaires par étapes, en réalisant que des circonstances vont lui permettre de s’accaparer le pouvoir tout seul, ou ce qu’on appelle « la place du Levant ». Ensuite, lors de cette étape il a essayé de se montrer souple envers les factions armées afin de réaliser ses objectifs organisationnels, et ce en élargissant le cercle d’inclusion des jeunes dans les zones libérées à majorité sunnite.
Al-Nosra a connu des évolutions contrastées expliquant les circonstances de sa création, on peut les résumer en deux aspects :
L’aspect social frustrant marqué par la corruption, le chômage et de la baisse du niveau d’éducation, de santé et de la justice à ses plus bas niveaux.
Politiquement : Il y a un régime minoritaire qui, outre l’autoritarisme, a hérité toutes les formes de tyrannie, avec un registre historique de plus d’un demi-siècle de destruction, de meurtre, de détention, d’exil et de bizutage des Syriens.
La référence idéologique de Hayat Tahrir al-Cham
Hayat Tahrir al-Cham repose sur les règles de la pensée djihadiste mondiale avec ses origines et ses branches, qui comprennent «d’appliquer les règles islamiques» selon la charia de Dieu, qui ne peut être atteint que par le djihad. Et à partir de cette origine péremptoire, tous les concepts, les détails et les procédures établis par le mouvement salafiste au Levant sont nés.
On peut dire que les circonstances de la guerre en Irak en 2003 ont fait de la Syrie un passage sécurisé pour les djihadistes en Irak. De nombreux indices indiquent que le régime d’al-Assad considérait l’afflux de djihadistes comme étant un réel intérêt permettant de combattre les forces américaines ainsi que les djihadistes et Al-Qaïda en Irak. En outre, les États-Unis, souhaitant à l’époque parvenir à une stabilité sécuritaire en Irak, ont été contraints d’ouvrir des canaux de communication et de coopération avec le régime d’al-Assad.
Par conséquent, al-Joulani, au niveau de la « référence théorique», s’appuyait sur les thèses d’« Abou Moussab al-Souri » fondées sur la « décentralisation » et les « guerres des vulnérables » et la création des cellules reliées par l’idéologie et la croyance sans une organisation structurelle cohérente, adoptée par ce dernier et soulignée dans son célèbre livre « Appel à la résistance islamique mondiale».
Les fondateurs de Jabhat al-Nosra sont considérés comme faisant partie de l’organisation « Al-Qaïda en Mésopotamie » dirigée par Abou Moussab al-Zarqaoui, dont un groupe d’entre eux s’est déplacé sous le commandement d’un jeune inconnu, le plus jeune parmi eux, nommé « Aws al-Maoussili», qui est le nom sous lequel « Al-Joulani » a été connu dans la prison de Bucca. On ne savait rien de lui à l’époque, sauf qu’il était un ancien combattant en Irak, contrairement à ses camarades qui sont poursuivis par les services de renseignement arabes, comme les Jordaniens « Abou Julaybib » et « Abou Anas al-Sahaba », beau-frère et compagnon de « Abou Moussab al-Zarqaoui », le célèbre dirigeant de l’organisation « Al-Qaïda », et l’irakien « Abou Maria al-Qahtani ». Et c’est l’organisation qui les a envoyés pour construire une branche d’Al-Qaïda en Syrie, puis certains d’entre eux sont devenus membres de l’organisation de l’« État islamique d’Irak », sous le commandement d’Abou Omar al-Baghdadi.
Le 24 janvier 2012, Abou Mohammad al-Joulani a émis un communiqué annonçant la création d’un « Front pour le soutien du peuple du Levant des Moudjahidine du Levant ». Le communiqué précisait l’objectif d’établir le front en disant qu’il s’agissait d’un effort de ses fondateurs pour « restaurer l’autorité de Dieu sur sa terre, venger l’honneur violé et le sang qui saigne, et redonner le sourire aux nourrissons et aux femmes veuves».
Sur la même scène dramatique et violente, Jabhat al-Nosra émergeait et s’est développée en Syrie. Là où il a pu imposer sa volonté et son contrôle sur de vastes régions du nord de la Syrie et est devenu une force militaire à ne pas négliger. Et il a forcé la plupart des factions armées d’opposition à adopter une position de neutralité, tandis qu’il continuait à élargir son influence chaque jour, à travers des conflits sanglants contre les « factions de l’Armée libre » en 2014. Plus tard, contre les factions islamiques, comme le « Mouvement Ahrar al-Cham ». Néanmoins, toutes les parties en conflit ont subi de lourdes pertes humaines et matérielles, de sorte qu’al-Nosra soit partagé entre deux époques ; Une époque où il était une faction affiliée à Al-Qaïda et confronté au pouvoir des factions, et une autre époque où il devenait celui qui contrôlait la quasi-totalité des zones libérées.