La Hayat était composée principalement d’un groupe restreint de membres d’Al-Qaïda en Irak, dont des dirigeants syriens, qui se sont installés en Syrie après l’éclatement de la révolution. Ensemble, ils ont fondé le Front Al-Nosra. Des milliers de volontaires syriens et issus des pays du monde arabe et islamique (notamment les pays du Moyen-Orient), des pays d’Europe occidentale (principalement le Royaume-Uni et la France), des pays islamiques d’Asie centrale (notamment la Tchétchénie) et d’autres pays du monde où existent des communautés musulmanes, ont rejoint l’organisation. Dans ce contexte, Al-Joulani a indiqué : « en un an, nous sommes passés de six personnes à 5000 au cours de la première année, et l’argent a également doublé, et nous avons pu contrôler une très vaste région en Syrie».
Les raisons et les motivations les plus importantes sont les suivantes :
Raisons idéologiques :
Plusieurs volontaires ont été incités à rejoindre les rangs du Front al-Nosra parmi les croyants au salafisme djihadiste en raison de l’activité des prédicateurs salafistes dans les pays islamiques et de leur incitation des jeunes au djihad dans les régions islamiques qui enregistraient des troubles.
Raisons religieuses :
La machine médiatique iranienne, et celle du régime Assad, ont joué un rôle important dans l’alimentation du conflit sectaire, se traduisait par le fait de filmer et la promotion des vidéos sur les réseaux sociaux. La première est apparu à Hama lorsqu’ils ont écrit sur les plateformes la phrase « Il n’y a pas d’autre dieu que Bachar al-Assad », et la seconde est la célèbre vidéo du camp de Raml où est apparue une personne en train d’être torturée et forcée de dire « Il n’y a pas d’autre dieu que Bachar al-Assad». Et la troisième est une vidéo d’un citoyen syrien enterré vivant en lui demandant de répéter les mêmes mots, ce qui signifie que le régime d’al-Assad l’a voulu sectaire en provoquant les sunnites et en les poussant vers les organisations djihadistes, en parallèle avec la sortie des djihadistes des prisons pour achever sa stratégie sectaire.
Outre la guerre menée par le « Hezbollah chiite libanais » contre les zones sunnites d’El-Qusseir et de Qalamoun occidental, ce fut un grand instigateur pour les djihadistes lorsque l’Iran a présenté la victoire du Hezbollah dans sa campagne sur la zone d’Al-Qousseir, comme étant une victoire des chiites dans leur guerre contre les sunnites.
Cela a suscité de vives réactions dans le monde musulman sunnite. Des religieux sunnites, dont le cheikh Yousuf al-Qaradawi, le cheikh Muhammad al-Arifi, Nabil al-Awadi et d’autres, ont appelé le monde musulman sunnite à se rendre en Syrie et à aider les djihadistes là-bas, mais ils ne voulaient pas dire aux volontaires de rejoindre les rangs du Front al-Nosra, mais plutôt à d’autres factions, notamment celles affiliées aux Frères musulmans, comme les «Boucliers », qui se sont ensuite devenus en « Faylaq al-Cham ».
Cependant, il est probable que de nombreux volontaires ont finalement trouvé le chemin vers le Front al-Nosra et d’autres groupes salafistes-djihadistes, en raison de leur supériorité idéologique attrayante et organisée, et al-Nosra et le Hezbollah ont essayé de présenter la guerre en Syrie comme une guerre sunnite-chiite. Par ailleurs, l’utilisation d’armes chimiques par le régime d’al-Assad contre les zones à majorité sunnite, dans lesquelles le Front al-Nosra a investi comme si les sunnites étaient victimes d’une campagne d’extermination menée par « l’armée syrienne », cela a poussé des milliers de volontaires de se rendre en Syrie.
Raisons personnelles :
Il s’agit d’images en provenance de Syrie, qui racontaient des histoires héroïques des « djihadistes » là-bas, et les « médias » du Front al-Nosra ont grandement bénéficié des médias d’Al-Jazeera, en particulier lorsqu’ils passaient en boucle les opérations suicides et tentaient de donner un rôle héroïque à ces actions. Dès lors, le sentiment d’aventure qui domine la mentalité des salafistes s’ajoute aux autres motifs pour rejoindre les rangs du Front al-Nosra.
Le Front al-Nosra est sorti avec l’expérience du changement de sa structure idéologique. Les gens, sous le poids de la violence et du « terrorisme international organisé », s’intéressent, outre les services de première nécessité, à l’idéologie du Front al-Nosra. Par conséquent, al-Joulani, en présence de dirigeants d’Al-Qaïda, a annoncé l’abolition du Front al-Nosra, et la formation d’une nouvelle entité appelée « le Front Fatah al-Cham » sans affiliation à Al-Qaïda.
L’annonce de la création du « Fatah al-Cham » n’était pas seulement formelle, mais elle était aussi problématique, selon les témoignages internes d’un certain nombre de personnes impliquées dans l’événement. Dès les premiers moments, un certain nombre des membres du Conseil de la choura de l’organisation a démissionné, dirigé par « Abu Julaybib » l’accompagnateur d’al-Joulani lors du voyage de la fondation, « Abu Khadija al-Urduni » et « Abu Hammam al-Chami », avec la suspension des fonctions « Sami al-Uraydi » par Fateh al-Cham. Le pire est la « colère » du chef d’Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, qui a envoyé deux messages séparés dans lesquels il a annoncé son refus de la sécession, expliquant qu’elle ne peut avoir lieu qu’avec l’approbation de tous les membres du Conseil de la choura d’Al-Qaïda. ou après la formation d’un « État islamique », bien que l’adjoint d’al-Zawahiri lui-même, « Abu Khayr Al-Masri » ait annoncé la veille sa bénédiction pour ce qui s’est passé, apparemment parce qu’il attendait l’approbation d’Al-Zawahiri, alors que le refus de ce dernier a été interprété comme étant influencé par le reste des membres du Conseil de la Choura d’Al-Qaïda, en particulier ceux installés en Iran, tels que « Saif Al-Adel » et « Abu Muhammad Al-Masri ».
Hayat Tahrir al-Cham « janvier 2017 »
Hayat Tahrir al-Cham » a été créée suite à la fusion de plusieurs factions opérant dans le nord de la Syrie fin janvier 2017, dirigée par le mouvement Nour al-Din al-Zenki, « le Front Fatah al-Cham », « Front Ansar al-Din, Jaish al-Muhajireen wal-Ansar, Liwa al-Haq, et un certain nombre de Cheiks appelant au djihad ont rejoint aussi la nouvelle formation, tels que Abdul Razzaq al-Mahdi, Al-Harith Al-Masri, Abu Yusuf Al-Hamawi, Abdullah Al-Muhaysini, Abu Al-Taher Al-Hamawi et Musleh Al-Alyani.
Au fil du temps, Hayat Tahrir al-Cham fait preuve d’une plus grande souplesse pour sauver son projet de l’isolement populaire ou extérieur, mais avec la capacité de renouveler aussi les affrontements violents, qui n’ont pas cessé.
Les signes d’une transformation politique
D’une manière qui combine attaque et défense, la stratégie militaire de « Tahrir al-Cham » était ainsi dans les différentes étapes de la guerre à l’intérieur du territoire syrien, mais quand la guerre approchait de sa sixième année en 2017, elle a été remarquée, surtout au cours des deux dernières années, la focalisation croissante sur le caractère politique dans la stratégie de « Tahrir al-Cham », notamment dans ses opérations militaires basées sur la lutte contre le « terrorisme » représenté par les organisations (Daesh et Al-Qaïda) dans leurs zones d’influence en Idlib et ses environs, en particulier l’organisation des Gardiens de la Religion (Hurras ad-Din), qui représentait une source de menace nécessitant sa répression pour empêcher toute défaillance de l’équilibre de la domination de « Tahrir al-Cham » dans ces domaines d’une part, et cherchant à atteindre le centres d’influence et de décision occidentaux afin d’améliorer son image d’autre part.
Le chef de l’organisation, Abu Muhammad al-Joulani, affirme que la Hayat a introduit des modifications sur son idéologie, la transformant en « une sorte de mouvement de libération nationale contre l’occupation, et non une organisation extrémiste comme c’était le cas avant ».
La guerre d’Al-Joulani contre les organisations de « Daesh » et « Al-Qaïda » en Syrie fait partie de sa nouvelle stratégie, qui connaît de temps à autre diverses transformations. La preuve n’est pas seulement sa séparation des groupes djihadistes extrémistes, mais l’entrée en conflit avec eux à Idlib, où Hayat mène une guerre contre l’État islamique depuis 2014, et depuis le cessez-le-feu de mars 2020, il a intensifié ses raids et arrestations dans le but de contrecarrer les tentatives de l’Etat islamique de construire un réseau secret de cellules à Idlib après que ce dernier a perdu son contrôle sur les territoirs de l’est de la Syrie.
Pendant le même temps, Hayat Tahrir al-Cham a hébergé des djihadistes étrangers non membres de l’Etat islamique et, depuis mars 2020, a démantelé les éléments qui s’opposaient à l’engagement de Hayat Tahrir al-Cham par la trêve turco-russe, notamment Hurras al-Din, une faction liée à Al-Qaïda dominée par des individus qui se sont retirés de Hayat Tahrir al-Cham. Après avoir d’abord suivi la politique d’absorbation envers les Hurras, Hayat Tahrir al-Cham a braqué ses armes sur l’organisation mi-2020 suite à la tentative des Hurras de consolider l’alliance avec des transfuges de Hayat Tahrir al-Cham et les autres factions extrémistes opposées au cessez-le-feu.
A suivre dans la prochaine partie…
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