Avec l’annonce turque de l’entrée à la phase de normalisation avec le gouvernement égyptien, le niveau des restrictions autour des Frères musulmans en Turquie s’est intensifié.
Le porte-parole du parti au pouvoir de la Justice et du développement en Turquie, Omar Celik, a indiqué que la première étape pour normaliser les relations porte sur le retour des compagnies aériennes turques pour effecteur des vols vers le Caire. L’annonce de Celik intervient après des mois de négociations entre le gouvernement égyptien et son homologue turc. Des sources bien informées ont dit qu’elles se sont penchées principalement sur plusieurs axes dont le plus important est la question des Frères musulmans et leurs activités en Turquie, l’extradition des personnes recherchées vers l’Etat égyptien et l’arrêt de toute campagne médiatique visant l’Égypte.
Une nouvelle époque annoncée par Erdogan
Le chercheur en relations internationales, « Amr Abdel Dayem », a indiqué que la Turquie a clairement annoncé ces derniers jours, qu’elle abandonnait le soutien des Frères musulmans, en soulignant la nécessité d’être conscients que le soutien du gouvernement de la Justice et du Développement au mouvement parce que cela était en phase avec les intérêts de la Turquie à un moment donné et non en raison des mêmes croyances et orientations des deux parties.
Abdel Dayem a par ailleurs ajouté : « avant les révolutions du printemps arabe, il était clair que la Turquie avait des ambitions dans la région arabe, en tissant des relations particulières avec les régimes au pouvoir dans ces pays, dont principalement le régime syrien, le gouvernement qatari, le régime de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie, et le régime de Mouammar Kadhafi en Libye. A l’époque, la Turquie était très loin de soutenir le mouvement des Frères musulmans. Néanmoins, après les révolutions du printemps arabe, la conviction que l’avenir serait être pour les Frères musulmans dominait en Turquie. Cela l’a poussée à apporter son plein soutien aux Frères musulmans en essayant de les dominer à travers la promotion d’une conformité idéologique qui n’existait pas, du moins du côté turc ».
En outre, Abdel Dayem a souligné que le soutien des Frères musulmans aujourd’hui, à la lumière des évolutions internationales et régionales en cours, est devenu opposé aux intérêts turcs, surtout après avoir découvert qu’il est impossible qu’ils puissent régner dans le région arabe, après la chute de leur pouvoir en Égypte, puis en Libye et maintenant en Tunisie. Et l’échec des Frères musulmans à dominer la révolution syrienne, en indiquant que les intérêts pratiques et les ambitions de la Turquie dans la région arabe dépendent d’établir des relations avec les parties au pouvoir et non pas avec les Frères musulmans.
La rupture…
Quant à la nouvelle ère des relations entre la Turquie et les Frères musulmans, Abdel Dayem a considéré qu’elle a commencé réellement avec les changements clairs au niveau du comportement du président turc, Recep Tayyip Erdogan, après avoir abandonné le signe «Rabia» lors du congrès du Parti de la Justice et du Développement vendredi dernier.
Commentant les mesures turques contre les Frères musulmans, l’analyste politique «Houcine Ismail » a indiqué : «la Turquie a sacrifié les Frères musulmans contre ses intérêts au Moyen-Orient et afin d’améliorer les relations avec le système arabe, notamment l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, ayant mené le front contre l’influence turque dans les pays arabes, en particulier avec l’émergence de nouveaux leaders dans de nombreux pays arabes s’opposant au règne des Frères musulmans », en expliquant que la relation entre les deux parties était basée sur la dépendance et non pas une alliance idéologique comme cela était présenté.
Ismail a enchainé que cela n’est pas la première fois où le régime turc vend ses alliés dans la région. Au début, il a vendu le régime de Bashar al-Assad, qui était à un moment donné son très puissant allié, après qu’Ankara avait estimé que la révolution syrienne allait le renverser, et il a de même vendu le régime de Kadhafi, en soulignant que la nature du président Erdogan en particulier est basée sur l’obtention des intérêts, même s’ils se font au détriment de nouer de nouvelles alliances internationales, régionales ou même internes.
En outre, Ismail a dit que les Frères musulmans auraient dû tirer des leçons du passé récent, en se rendant compte qu’ils ne seront pas plus importants que les anciens alliés du président turc, dirigés par l’ancien président, « Abdullah Gül », l’ancien premier ministre « Ahmet Davutoglu » et l’ancien ministre de l’Économie, Ali Babacan, soulignant que le temps des Frères musulmans est révolu, du moins pour « Erdogan » , avec leurs défaites répétitives dans les pays arabes, dont le dernier est la Tunisie.
Dans un contexte similaires, des sources turques ont indiqué que le gouvernement a empêché toute rencontre entre des responsables turcs et des dirigeants des Frères musulmans résidant sur son territoire, en indiquant qu’un certain nombre de dirigeants du mouvement ont tenté de renouveler leur résidence en Turquie ou de demander la citoyenneté, par crainte qu’ils seraient remis au gouvernement égyptien ou expulsé hors de la Turquie.
L’expérience qatarie et les répercussions de la réconciliation des pays du Golfe
L’abandon du soutien aux Frères musulmans n’est pas uniquement lié aux relations avec l’Égypte, selon la vision du politologue Houssam Youssef, qui a estimé que la Turquie cherche également à améliorer ses relations avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis en réduisant le rôle des Frères musulmans.
Youssef a considéré que la Turquie traverse par une période de nouveaux calculs politiques depuis au moins un an, notamment avec le changement de l’Administration américaine cette année et l’avènement des démocrates à la tête du pouvoir à la Maison Blanche, outre la réconciliation des pays du Golfe et le retour du Qatar au courant arabe-golfe. Il a expliqué que ces évolutions ont accru la conscience turque et ont attiré son attention sur le fait que continuer à soutenir les Frères musulmans ne servira plus les intérêts du gouvernement de la Justice et du Développement, particulièrement avec les relations tendues avec l’Occident et les États-Unis ainsi que la diminution du niveau d’alliance avec la Russie.