Pendant le règne ottoman, le soufisme et les autres courants islamiques et sectes étaient les partis politiques de cette époque, car le régime de l’empire basé sur l’idée du califat tirait sa légitimité politique pratiquement de l’islam, qui représentait l’idéologie officielle de l’empire.
Et étant donné que l’Islam pour l’empire était spécifiquement l’Islam sunnite, toutes les autres sectes et les autres doctrines islamiques constituaient implicitement une menace pour l’autorité ! Pour cela, elles étaient traitées toujours avec fermeté. Cela faisait que la plupart des mouvements de rébellion pendant le règne ottoman sortaient de ces environnements non sunnites, sans signifier qu’il n’y avait pas eu de rébellion au sein du courant islamique sunnite, mais plutôt qu’il y avait toujours une tentative de se rebeller en essayant d’évincer les Ottomans du monopole de l’Islam, et qui fut aussi un processus de conflit entre eux et les Perses, parce qu’il constitue l’idéologie du pouvoir.
C’est la concurrence que l’on voit désormais revenir sous différentes formes, à commencer par la concurrence idéologique à travers l’idée d’« exporter la révolution » présentée par Velayat-e Faqih d’Iran, et le néo-ottomanisme représenté par le Parti turc de la justice et du développement. Et les deux tiennent leur pouvoir de la religion en essayant de l’adapter pour servir leurs anciens/nouveaux projets nationalistes. Peut-être que leur compétition aujourd’hui pour monopoliser la cause palestinienne ou le printemps arabe est l’une des manifestations de ce conflit.
Mais la naissance du capitalisme et la diffusion des idées bourgeoises et libérales de l’époque dans le monde, avec ce qui l’accompagnait de changement qualitatif de la nature de l’économie par le passage de l’économie agricole à l’économie industrielle, commençaient à apparaître sous l’influence de tout cela, à travers de nouvelles tendances et idées, ayant d’abord exprimé leur volonté de réformer, ce que nous pouvons le remarquer clairement dans le nombre de mouvements, d’associations et de partis qui se sont formés dans le care de cette idée. Et une grande partie de leurs idées et de leur mouvement est axée sur la réforme de l’Empire ottoman, ou de se séparer plus tard de lui, pour commencer une nouvelle phase, où les premières graines, racines ou premières idées auraient aidé dans la naissance ultérieurement des Frères musulmans.
Des voix religieuses sont apparues qui se tiennent à leur vision pour le changement et la réforme de la religion elle-même. Tout comme les nationalistes qui voulaient faire revivre et restaurer la « personnalité de la nation » à partir de l’histoire pour légiférer, enraciner et propager l’idée du nationalisme arabe dans le but de réaliser le changement souhaité en se séparant des Ottomans et en formant le seul Etat arabe, le courant islamique voulait faire de même à travers ce qu’on appelle le salafisme qui signifie le retour aux origines historiques de la religion.
Les familles religieuses et les savants de Damas ont eu un rôle dans la naissance des idées et l’incitation contre les Ottomans, ainsi que le rôle qu’ils ont joué dans le contexte de recevoir les idées modernes, où Al-Qassimi est considéré comme un modèle pour l’harmonisation entre l’Islam et l’arabisme.
Le différend sur le califat ottoman et le fait de rester au sein de l’empire ottoman ou de s’en séparer constituait un nouveau point de polarisation parmi le spectre des savants de Damas et du Levant d’une part et ses élites laïques d’autre part, car chacune d’elles avait une position qui était régie par ses idées et la classe à laquelle il appartenait. Outre les idées et la tentative du changement, il y avait d’autres facteurs ayant joué un rôle prépondérant, y compris les familles féodales, les propriétaires des terres et les familles religieuses dont les intérêts étaient liés à la survie de l’Empire ottoman.
Sous prétexte de lutter contre la colonisation française, il résidait la question de rejet de la dimension chrétienne du colonisateur français ; attisée par sa politique qui entrait clairement en conflit contre la composante sunnite à Damas en tant que porteur du projet de nationalisme arabe, et s’est rapprochée des minorités, et œuvrait explicitement à diviser la Syrie en petits états sectaires dans le but de briser la large tendance arabo-islamique en Damas et en Syrie en général. Cela a engendré un mouvement opposant ayant poussé les Musulmans à se tenir à leur islam et les Arabes à se tenir à leur arabisme.
La politique des Français était provocatrice implicitement pour la dimension religieuse chez eux, surtout qu’ils constataient qu’une des composantes de leur identité était menacée, outre le fait que les familles religieuses et féodales se sont retrouvées menacées économiquement par les politiques des Français. Cette donne a renforcé la dimension religieuse socialement et politiquement. Ceux-ci commençaient en effet à bouger pour défendre leurs intérêts, leur identité et leurs finances. Ainsi, la politique française contribuait à enraciner le début des idées confondant laïcité, minorités et colonialisme.
Ces élites de la renaissance ont joué un rôle de premier plan dans l’enracinement d’un dialogue islamo-laïc, puisqu’elles sont entrées en compétition implicite avec les courants de gauche, les libéraux et les nationalistes, pour tenter de prouver leur existence, d’autant plus que tout le monde combattait sur le front d’enracinement des idées dont il adoptait.
De ce salafisme conservateur, le fondateur du mouvement des Frères égyptiens, Hassan el-Banna, a tiré ses idées auxquelles était implicitement influencé le fondateur du mouvement des Frères syriens, Moustapha Siba’ï, le Syrien homsiote qui a fait ses études en Égypte. Mais Moustapha Siba’ï qui était imprégné de la pensée salafiste de la renaissance et de l’environnement damascène de multiples sectes, nationalités et religions, a pu construire le mouvement syrien sur le terrain du salafisme de la renaissance, ce qui lui a permis plus tard ; d’associer avec facilité entre l’Islam et le socialisme dans son livre « Le socialisme de l’islam», et être partenaire de la naissance de la Constitution de 1950 en Syrie, et c’est lui qui aavait trouvé une solution pour la question de la religion du chef de l’État dans la Constitution, lorsqu’il a proposé un compromis entre les courants extrémistes des partis islamiste et laïc.
Après que les idées de l’Université islamique avaient été transférées d’Égypte en Syrie par l’intermédiaire des étudiants ayant étudié en Égypte et dans d’autres pays, ces rapatriés et d’autres ont créé des associations, des forums et des centres de jeunesse pour leurs activités et leurs réunions, dont certains ont un caractère clairement islamique, ainsi que d’autres étaient sous le couvert d’activités des jeunes d’origine islamique, comme Dar Al-Arqam à Alep en 1935, qui était fondée par Omar Bahaa Al-Amiri et Abd Al-Kader Al-Husseini, et l’Association de la jeunesse musulmane qui était fondée à Damas par Mohammad Al-Moubarak et Bachir Al-Awf, et l’Association de la Ligue à Homs ; son secrétaire était Moustapha al-Siba’ï ainsi que l’Association des Frères musulmans à Hama en 1937, et son fondateur était Muhammad al-Hamid.
Ceux-ci et d’autres avaient un nom qui les regroupait, « Shabab Muhammad » ? (les jeunes de Mohammed). Ils avaient tenu leurs premier, deuxième, troisième et quatrième congrès sous le nom «des jeunes de Mohammed, puis la cinquième en 1945, et il a été décidé de remplacer le nom « Shabab Mohammed » par les Frères musulmans, et un comité central a été élu. Ils avaient choisi Moustapha al-Siba’ï comme secrétaire général, car il s’est présenté aux élections de 1947, et certains d’entre eux ont réussi, comme le professeur Mohammad al-Moubarak, qui s’est présenté aux élections de 1949 sous le nom de « Front socialiste islamique » et remporté dix sièges.
Si on analyse ce qui précède, on constate l’environnement duquel ont émergé les fondateurs des Frères musulmans syriens et l’environnement par lequel ils ont été influencés. Ils sont nés dans l’environnement des écoles de la Charia, des érudits religieux et des cheikhs qui étaient les plus sensibles et affectés par rapport aux autres en ce qui concerne la chute du califat, et qui avaient les plus bénéficié de leur rapprochement avec les Ottomans et de la gestion des affaires financières des institutions et départements islamiques. Ils sont nés en général dans le contexte qui régnait à l’époque avec l’effondrement de l’empire mondial et la conjoncture entre les deux guerres avec toutes les tempêtes politiques et intellectuelles et idéologiques qui avaient frappé la Syrie. Tout cela nous a poussés à considérer que : « Le mouvement des Frères musulmans en Syrie se situe entre le salafisme submergé dans son conservatisme et le salafisme de la Renaissance, reflétant ainsi la réalité du contexte damascène caractérisée par la diversité sectaire, doctrinale et ethnique.