Les milices irakiennes haussent le ton et attisent le feu des événement sur la scène irakienne, en menaçant de mener des frappes militaires contre des sites américains au cours de la prochaine période si les États-Unis ne s’engagent pas à retirer leurs forces de l’Irak d’ici la fin de cette année, et ce en parallèle avec l’escalade des milices contre le gouvernement et l’État irakiens après l’annonce des résultats des récentes élections parlementaires, selon lesquelles les partis irakiens pro-iraniens perdent leur position au sein du parlement irakien.
Il est à souligner que le secrétaire général des Brigades de Babylon, « Rayan al-Kildani », a révélé qu’une rencontre lui a réuni avec le chef des Brigades Sayyid al-Shuhada, « Abou Ala al-Walai », suite à l’ouverture de la porte au volontariat pour que les jeunes irakiens portent les armes contre les forces américaines au cas où elles ne respecteraient pas l’accord entre Bagdad et Washington consistant à se retirer de l’Irak le 31 décembre courant. II a ajouté qu’il avait demandé à al-Walai de reporter la date des opérations militaires étant donné qu’elles coïncident avec les fêtes de fin d’année et la naissance du prophète Jésus chez les chrétiens, et que ce dernier a accepté et a décédé de les reporter jusqu’à nouvel ordre.
Le Plan « C » : la fuite en avant et le retour à la case départ
Avec l’annonce des milices de reporter de la date de cibler les forces américaines jusqu’après la période de Noël, le chercheur spécialiste dans les affaires irakiennes « Khaled Hammadi » met en doute le sérieux de la tendance des milices à cibler les forces américaines en Irak, en soulignant que la question du report de ces opérations n’est rien qu’une fausse piste pour les milieux qui lui sont fidèles, pour masquer leur incapacité à faire un tel pas, surtout dans les circonstances actuelles.
Par ailleurs, « Hammadi » a considéré que l’annonce de l’ouverture de la porte au recrutement et à la guerre contre les États-Unis n’est rien d’autre qu’une tentative d’attirer la jeunesse irakienne pour les rejoindre et à élargir sa base populaire en se présentant comme étant la résistance face aux forces américaines, outre le fait de jouer sur la corde de la propagande médiatique et une démonstration de force pour éviter toute pression future pourrait être exercée sur elle. Il a expliqué que les milices n’ont pas bougé contre les forces américaines lorsque le commandant de la Force iranienne al-Qods, « Qassem Soleimani », a été assassiné sur le sol irakien en 2020, mais plutôt leurs dirigeants ont fui massivement vers le territoire iranien par crainte de trouver le même sort. Comment pourraient-elles bouger pour une chose moins grave ? Selon ses dires.
Hammadi considère également que les milices, après leur échec de changer les résultats des élections à travers l’escalade dans la rue, qui représente le plan A, puis les tentatives d’escalade militaire ultérieurement et la menace par les armes, qui représentent le plan B, il semble qu’elles décideraient de recourir au « Plan C », qui repose sur une tentative de lier les pressions auxquelles elles sont soumises à son opposition aux forces américaines pour gagner le soutien populaire et une tentative d’entraver la formation du nouveau gouvernement avec le contrôle presque complet du mouvement sadriste.
Hammadi a indiqué : «Face aux circonstances par lesquelles traversent les milices, elles n’ont d’autre choix que la fuite en avant en jouant sur le facteur temps, en plus d’essayer de gagner la rue irakienne en revenant à la case départ et en prétendant qu’elles combattent les forces américaines, en tant que moyen de propagande leur permettant d’améliorer leur image vis-à-vis la rue irakienne», en rappelant que les pratiques répressives des milices, leur loyauté absolue à l’Iran et leur implication dans une guerre sectaire commençait en 2004 et continuait pendant des années, tout cela limitera leur capacité à se reproduire, et donc essayer de parler de la résistance face aux forces américaines n’aidera pas beaucoup les milices.
Quant à leur tentative de gagner la rue irakienne, «Hammadi» l’a expliquée comme un signe de la conviction des milices qu’il est impossible de reprendre leur position au sein du parlement ou de faire pression sur le gouvernement pour changer radicalement les résultats des élections, surtout après la tentative d’assassinat du Premier ministre, Moustafa Al-Kazimi, dans une affaire où toutes les accusations sont portées contre les milices, en soulignant dans le même registre que les chefs des milices ayant des craintes d’être abandonnées par Téhéran si elles étaient directement reconnues coupables de la tentative d’assassinat.
D’une façon presque formel, al-Sadr est hors de l’escadron iranien
Ce qui complique davantage la situation pour les milices soutenues par l’Iran, ce sont les changements en cours de la position du mouvement sadriste, qui a remporté les récentes élections législatives, que le chef du mouvement, Moqtada al-Sadr, révèle à travers sa demande de dissoudre les milices incontrôlables et d’interdire les armes sauf pour l’État, en mettant en garde contre le fait de trainer l’Irak dans le danger à cause du fait que certaines parties veulent plus de sièges parlementaires.
Al-Sadr a également insisté que le gouvernement, dont il se taillera la part du lion, sera le gouvernement de la « majorité nationale » et il travaillera à lutter contre la corruption, peu importe l’auteur, et il n’exclura personne, en dénonçant l’escalade sécuritaire dans le pays, notamment l’explosion qui a secoué Bassora mardi dernier, en le considérant comme étant une « explosion politique ».
Commentant la position sadriste, ses changements et son influence sur les milices, Omar Khaoulani, chercheur dans les affaires des mouvements armés, a indiqué : « Le mouvement sadriste, après la chute du régime de Saddam Hussein, possédait l’une des plus puissantes milices soutenues par l’Iran, mais après l’assassinat de Qassem Soleimani, al-Sadr a commencé à jouer sur les cordes des équilibres internationaux et régionaux ainsi que de prendre de la distance clairement par rapport aux Iraniens jusqu’à arriver aujourd’hui à annoncer officiellement son retrait de l’escadron iranien. Il a souligné que l’appel d’al-Sadr à désarmer les milices est d’une façon directe contre les intérêts et les politiques iraniennes dans le pays.
« Khaoulani » suppose que les choses aillent évoluer vers des confrontations directes entre « Al-Sadr» et les milices soutenues par l’Iran, d’autant plus que ces milices considèrent Al-Sadr fait partie du complot qui les a expulsées de leur trône parlementaire et de leur domination de l’Etat irakien, en notant qu’un tel scénario pourrait avoir des implications désastreuses pour l’Irak.
Le journaliste écrivain « Majid al-Samarrai » a de son côté indiqué que les dirigeants des milices loyales (à l’Iran, Ndlr) et leur couverture politique ont compris que le temps de l’escalade médiatique est arrivé à sa fin et qu’ils manœuvreront dans les prochains jours avec Moqtada al-Sadr avec leur ruse et leur piété, mais il les connaît bien parce qu’il est le fils de la même maison, en ajoutant que : « celui qui suit les évolutions d’après l’annonce des résultats des élections n’a plus besoin de faire appel au langage du corps montré par les scènes de la réticence de Moqtada al-Sadr et de son refus de serrer la main des membres du soi-disant cadre de coordination, dirigé par Nouri al-Maliki. Après la réunion immédiatement, Moqtada al-Sadr, comme d’habitude, a publié ce qu’on appelle ses billets de presse via Twitter, rédigés par ses propres mains, à travers lesquels il a voulu expliquer sa position sur la réunion (ni oriental ni occidental, mais une majorité nationale) ce qui signifie simplement la popularité de sa désapprobation du projet de consensus et le fait d’opter pour la majorité.