Le MENA Research & Study Center continue de s’intéresser à l’analyse européenne de la région MENA et nous avons eu l’occasion d’en discuter avec Sara Nowacka, analyste couvrant les Etats arabes au programme Moyen-Orient et Afrique de l’Institut polonais des affaires internationales (PISM). L’entretien a été mené par Denys Kolesnyk, consultant et analyste français.
Quels sont les principaux défis géopolitiques auxquels le Moyen-Orient est confronté aujourd’hui ?
Vous savez, le fait que nous commencions par cette question n’est pas du tout surprenant, car la géopolitique est la première chose qui vient à l’esprit lorsque l’on parle du Moyen-Orient. Et pour cause, les défis sont en effet nombreux et se recoupent souvent. Le principal défi, cependant, est la multitude d’acteurs engagés, et il est extrêmement difficile de trouver ne serait-ce qu’une seule question sur laquelle ils seraient tous d’accord.
De plus, les multiples rivalités dans la région se chevauchent également. À cet égard, je distinguerais deux blocs : le « bloc de la contre-révolution », qui a émergé en 2011 à la suite du Printemps arabe et qui était dirigé par le Royaume d’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis (EAU) et peut-être à ce moment-là l’Égypte aussi. De l’autre côté, un autre bloc composé de la Turquie et du Qatar, par exemple.
Au sein de ces blocs, les États soutiennent soit d’autres acteurs étatiques, soit des acteurs non étatiques, en fonction de leur idéologie ou de l’idée qu’ils se font d’un système que, selon eux, le Moyen-Orient devrait suivre. Par exemple, l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis s’opposent généralement aux partis islamistes et aux mouvements pro-démocratiques.
La récente ascension du président Kaïs Saïed en Tunisie, qui a reçu le soutien, bien qu’officieusement, des acteurs des Émirats arabes unis et de l’Égypte en est une bonne illustration. Juste avant son arrivé au pouvoir, le parti Ennahda était au pouvoir en Tunisie. Ce parti était islamiste, même s’il n’était pas très radical, et il était soutenu par le Qatar et la Turquie.
Une autre ligne de partage est l’Iran et les acteurs opposés à ce pays. Plus précisément, l’Arabie saoudite et Israël s’opposent à l’Iran et aux acteurs non étatiques soutenus politiquement et financièrement, mais aussi par l’entraînement militaire, par Téhéran. Cette division a également des conséquences sur les conflits cinétiques au Yémen, en premier lieu.
Des tensions croissantes au Liban, foyer du Hezbollah, dont la population devient de plus en plus agressive à l’égard d’Israël s’ajoutent à cela. Et bien sûr, la même chose se produit de l’autre côté. Israël a de plus en plus de mécontentement à l’égard du Liban. Cette situation ouvre la porte à des interventions en dessous de la ligne qui rompent les accords qui ont suivi la dernière guerre entre le Hezbollah et Israël.
En outre, des acteurs mondiaux et des rivalités, tels que la Chine, la Russie, les États-Unis et l’Occident en général, sont présents dans la région. Ils soutiennent différents pays locaux dans le cadre des rivalités que nous avons évoquées précédemment et s’en servent pour faire avancer leurs propres agendas à plus grande échelle.
Par exemple, la Chine et la Russie tentent d’utiliser le front antidémocratique au Moyen-Orient parce qu’il joue en leur faveur et qu’il leur permet d’établir des relations avec les dirigeants saoudiens et égyptiens. Ces derniers tentent de diversifier leurs relations, en prenant leurs distances avec l’Occident et en essayant d’apparaître comme des acteurs plus indépendants et neutres. Cette logique les rapproche de la Russie et de la Chine.
J’aimerais souligner que la géopolitique elle-même est une menace très importante pour la stabilité du Moyen-Orient. Je veux dire par là que les acteurs régionaux étatiques et non étatiques sont plutôt intéressés par les défis géopolitiques que par les questions socio-économiques qui sont souvent négligées. Nous pouvons mentionner ici d’importants défis démographiques, un taux de chômage élevé, la corruption et la mauvaise gouvernance, qui restent largement impunies.
Parlons de la Turquie, où Erdoğan a été récemment réélu. Ce pays, ainsi que l’Iran et la Russie, étaient et restent engagé en Syrie. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur la manière dont la réélection d’Erdoğan pourrait influencer la dynamique en Syrie, compte tenu notamment des liens plus étroits entre la Russie et l’Iran à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine ?
Je pense que la dynamique la plus importante est le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe et l’idée générale d’une normalisation des relations avec Assad. Cela coïncide également avec un certain réchauffement entre Ankara et les pays arabes.
Après le Printemps arabe, il y a eu une rivalité entre la Turquie et le bloc de la contre-révolution dont j’ai parlé précédemment. Mais récemment, un certain rapprochement s’est produit entre l’Arabie saoudite, l’Égypte et la Turquie. Il est fort probable que les agendas de ces acteurs se rapprochent, et la Syrie est probablement l’une de ces questions.
A mon sens, Erdoğan a également fait quelques suggestions, évoquant l’idée d’une normalisation des relations avec Assad dans une certaine mesure. Et ce pour des raisons évidentes : Ankara veut évidemment se débarrasser des réfugiés, maintenir la zone tampon et limiter l’influence ou la propagation des acteurs kurdes en Syrie.
En outre, que nous soyons d’accord ou non, on comprend de plus en plus qu’il n’y a pas d’avenir pour la Syrie sans Assad. Il est fort probable que la plupart des acteurs du Moyen-Orient s’en rendent compte. Et ils essaient de trouver un moyen de promouvoir leurs intérêts en Syrie par le biais des relations avec Assad.
Et l’Iran devrait triompher, n’est-ce pas ?
L’Iran a été le premier pays à soutenir Assad et ils ont une relation de longue date qui remonte à l’époque avant Bachar al-Assad, par exemple des liens avec le Hezbollah et le régime syrien précédent du père de Bachar, Hafez al-Assad. Pour Téhéran, il s’agit d’une continuité de ses politiques.
L’approche précédente entreprise par les puissances régionales visant à isoler Assad ne fonctionne plus. Il est donc de plus en plus nécessaire de coopérer avec lui et d’essayer de limiter l’influence iranienne, ainsi que de se présenter comme des alternatives tangibles par le biais de cette coopération. En d’autres termes, la question est de savoir si cela va fonctionner ou non. Et, à mon avis, ce ne sera probablement pas le cas, même s’il est difficile de prédire quoi que ce soit lorsqu’il s’agit du Moyen-Orient.
Une chose est claire, cependant, c’est que la Syrie ne deviendra pas un acteur fort capable d’avoir son mot à dire dans la dynamique régionale, comme c’était le cas avant 2011. Et peu importe que l’Iran préserve sa forte influence en Syrie, ce pays restera probablement un état dévasté comme il l’est actuellement, et ce pour longtemps.
L’invasion russe de l’Ukraine a radicalement remodelé l’espace euro-atlantique et influencé, dans une certaine mesure, différents États à travers le monde. Mais a-t-elle influencé la dynamique régionale du Moyen-Orient ?
La réponse courte est oui. L’influence la plus importante sur la région a été celle que nous avons ressentie à l’échelle mondiale, à savoir l’économie. Elle a été particulièrement ressentie dans cette région étant donné que la plupart des États du Moyen-Orient ne se portent pas bien sur le plan économique, à l’exception bien sûr des États du CCG.
Mais même les riches pays du Golfe ont certaines vulnérabilités. L’une de ces vulnérabilités est l’alimentation. Or, la croissance rapide des prix des céréales a été particulièrement ressentie en Égypte, au Liban et en Jordanie, où le bien-être financier des citoyens est déjà, je dirais, désastreux.
En ce qui concerne l’impact politique, l’agression russe contre l’Ukraine a exacerbé certaines tendances dans la région. Par exemple, et nous l’avons déjà brièvement évoqué, la volonté qui existe parmi les puissances régionales de diversifier leurs relations. Et de les diversifier de manière à réduire leur dépendance vis-à-vis des États-Unis et de l’Occident en général, ainsi que pour faire avancer leurs propres intérêts, essentiellement antidémocratiques. L’invasion russe de l’Ukraine leur a donné une telle opportunité, à laquelle s’ajoute la volonté de la Chine d’établir un monde multipolaire, et certains pays de la région MENA se considèrent comme des acteurs importants d’un tel monde.
Par exemple, Mohammed ben Salmane considère l’Arabie saoudite comme un pays qui a le potentiel de devenir l’un des leaders mondiaux, principalement en raison de son rôle sur les marchés pétroliers. Et il a essayé d’utiliser cet élan donné par l’agression russe. Les Saoudiens ont senti leur importance pour le monde et pour le marché pétrolier, qui s’est encore accrue, et ont décidé de s’en tenir à cette idée et de l’utiliser à leur profit.
L’Arabie saoudite tente de se déconnecter du partenariat avec les États-Unis. Un partenariat qui a été considéré comme acquis pendant de nombreuses années. Et elle l’a fait à travers, tout d’abord, l’accord de l’OPEP et les réductions de la production de pétrole, mais aussi à travers certains gestes politiques et symboliques. Par exemple, Mohammed ben Salmane ne souhaitait pas particulièrement rencontrer le président Biden. Et lorsqu’ils se sont finalement rencontrés, la réunion a été visiblement froide, n’apportant aucun résultat positif. Les dirigeants occidentaux ont formulé certaines demandes, mais la plupart d’entre elles sont restées sans réponse.
Un autre aspect intéressant est que non seulement l’Occident tente d’influencer les événements dans les petits pays, mais nous avons également été témoins de certaines opérations informationnelles menées par les Saoudiens. Par exemple, si nous regardons le segment saoudien de Twitter, nous trouverons de nombreux comptes, la plupart d’entre eux étant manifestement des bots, qui diffusent différents récits pro-russes, et parfois pro-chinois. À mon avis, Riyad souhaite également s’imposer comme un acteur plus affirmé dans ce domaine.
Mohammed ben Salmane utilise l’espace informationnel pour renforcer son image auprès de la population arabe afin d’unir la jeunesse, déjà sceptique à l’égard de l’Occident, derrière l’Arabie saoudite en tant que futur leader de la région, qui est non seulement capable d’être indépendant, mais qui essaie même d’influencer la politique de l’Occident. L’Arabie saoudite a lancé plusieurs initiatives visant à soutenir le parti républicain aux États-Unis et, bien entendu, Trump, leur candidat le plus favorable. Et les Saoudiens ne le cachent même pas. Ce phénomène de l’Arabie saoudite qui tente d’influencer la politique intérieure des États-Unis est quelque chose de nouveau.
En outre, certains rapports laissaient entendre que l’Égypte avait l’intention de soutenir militairement la Russie. Même si cela ne s’est pas produit, Le Caire a autorisé les avions russes à survoler le territoire égyptien et à livrer des armes à l’armée russe qui se bat en Ukraine. Ce n’était pas nécessairement quelque chose de nouveau, mais je pense que les États du Moyen-Orient sont devenus plus audacieux dans leur manière d’exprimer leur scepticisme à l’égard de l’Occident, ce qui stimule le désir de diversifier leurs relations avec les États étrangers.
Et cela passe, dans ce cas, par un alignement sur la Russie dans une certaine mesure ?
Dans une certaine mesure, oui. Je ne pense pas que leur objectif soit de devenir des partenaires vraiment proches de la Russie, car ce pays n’est pas un partenaire attrayant. Il n’y a pas beaucoup d’avantages financiers à coopérer avec Moscou parce que le pays n’est pas fort économiquement. La Russie ne mène pas d’importants projets d’aide au développement et ne participe pas non plus aux mégaprojets mis en œuvre par l’Égypte, l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, tels que la ville de Neom ou le Nouveau Caire.
Mais la Russie reste un pays important pour eux d’un point de vue politique. En coopérant avec Moscou, ils peuvent choisir leurs propres partenaires et ne sont plus aussi dépendants de l’Occident. En d’autres termes, ils ne veulent plus être traités comme un objet des relations internationales, mais plutôt comme un sujet, et ils considèrent la concurrence mondiale croissante comme une opportunité pour eux aussi.
Je comprends la logique. Les puissances régionales veulent affirmer leur place sous le soleil. La réintégration de la Syrie d’Assad au sein de la Ligue arabe va-t-elle dans le même sens ? Et quelles sont les implications possibles de cette décision pour la région ?
Le premier État arabe à avoir lancé l’idée de coopérer avec Assad fut les Émirats arabes unis. Le premier pas concret dans cette direction a été la réouverture de leur ambassade dans ce pays, ouvrant la voie au processus de normalisation bilatérale avec Assad.
Cependant, le facteur décisif influençant la normalisation avec Assad était évidemment la Russie et son soutien au régime. Sans elle, Assad serait probablement tombé. La survie du régime syrien permise par l’intervention russe a changé le cours des événements, car avant l’intervention militaire russe, presque tous les pays arabes soutenaient l’opposition syrienne.
Il n’y a pas eu d’exception pour décider que la Syrie ne pouvait plus être membre de la Ligue arabe avec Assad à sa tête, car l’ampleur des crimes commis dans ce pays était trop importante, même pour des dirigeants autoritaires tels que le roi Salmane. Mais on a compris qu’il serait trop difficile de mettre fin au régime d’Assad, surtout avec le soutien de la Russie et l’absence de réactions tangibles de la part des États-Unis, même après le franchissement de la fameuse « ligne rouge » par Assad en utilisant des armes chimiques. Il est devenu trop évident que les Etats-Unis ne veulent pas s’impliquer sérieusement en Syrie.
Par conséquent, les Émirats arabes unis ont été le premier acteur à présenter l’idée qu’il est temps d’admettre qu’Assad est là pour rester. Par conséquent, pour mener à bien leur agenda et atteindre leurs propres intérêts en Syrie, il est important de coopérer avec Assad, car il ne sert à rien de poursuivre l’isolement et les sanctions, qui font plus de mal que de bien et empêchent les réfugiés de revenir. D’autres dirigeants régionaux ont suivi en adoptant cette approche.
En ce qui concerne les réfugiés, cette question est de la plus haute importance pour le Liban, qui a accueilli plus d’un million de réfugiés syriens, soit près de 20 % de la population actuelle, alors que le Liban lui-même est en proie à une grave crise. À cela s’ajoute un autre million de réfugiés syriens en Jordanie, un pays qui, une fois de plus, ne se porte pas bien sur le plan économique. De leur point de vue, il devient évident que la priorité est de stabiliser la Syrie dans une mesure qui leur permettrait de repousser les réfugiés hors de leur pays sans controverse majeure. Et, bien sûr, la Turquie n’est pas opposée à la normalisation avec Assad, parce qu’Ankara veut aussi se débarrasser des réfugiés.
Un autre moteur de cette logique de normalisation est la croissance exponentielle de la contrebande de drogue dans la région, qui a commencé à prendre de l’ampleur en 2016-2017. Le principal producteur et le principal trafiquant de ces drogues n’est personne d’autre qu’Assad lui-même et sa famille, c’est-à-dire les élites syriennes. L’afflux de drogues constitue donc un autre problème important pour les pays de la région limitrophes de la Syrie. Et comme ils sont instables politiquement et financièrement, ils n’ont pas assez d’outils pour lutter contre la contrebande et la consommation croissante de drogues.
Mais lorsque la drogue a atteint l’Arabie saoudite, pour laquelle elle est devenue un problème important, en particulier chez les jeunes, Mohammed ben Salmane l’a perçue à juste titre comme un facteur susceptible d’influencer la stabilité de son pays. Étant donné qu’il dispose d’outils et d’une influence, faisant de l’Arabie saoudite le seul acteur pouvant effectivement influer sur l’ordre général au Moyen-Orient, a produit cette décision de réintégrer la Syrie dans la Ligue arabe.
Néanmoins, je reste sceptique quant à la capacité de cette décision à apporter un réel changement à la situation syrienne, car le problème de la drogue n’est pas nouveau. Nous pouvons remonter jusqu’à la guerre civile au Liban et la famille Assad bénéficiait déjà à l’époque de la contrebande et de la production de drogue.
Un autre aspect de cette normalisation est l’espoir que cette réintégration contribuera également à limiter l’influence iranienne en Syrie. Les dirigeants arabes pourraient même chercher à obtenir l’aide de l’Occident. Toutefois, la plausibilité d’un tel scénario reste incertaine, car le soutien de Téhéran a une importance existentielle pour Assad. Les Iraniens l’ont également aidé à survivre et continuent de le faire. De nombreux acteurs paramilitaires font davantage confiance à l’Iran ou à leurs propres petits chefs qu’à Assad.
La production et la contrebande de drogue resteront une priorité pour Assad, car elles lui permettent d’exercer une certaine influence sur les États arabes et peuvent également l’aider à créer la même perspective pour de nombreux dirigeants européens. Certains pays de l’UE, comme la Hongrie et l’Italie, envisagent déjà une normalisation avec Assad, car ils sont avant tout opposés à l’accueil d’un plus grand nombre de réfugiés en Europe.
En parlant de pays européens, quelle est la place de la région MENA dans la politique étrangère polonaise et quels sont les partenaires clés de votre pays ?
Pour résumer, la région MENA n’occupe pas une place centrale dans la politique étrangère polonaise. Il est évident que les lieux les plus importants pour nous sont notre voisinage immédiat, c’est-à-dire nos partenaires d’Europe de l’Est et de l’Ouest.
Mais au cours des cinq dernières années, l’importance de la région MENA s’est accrue. D’abord et avant tout parce que le gouvernement polonais souhaite diversifier ses importations d’énergie en s’éloignant de la Russie. Les principaux acteurs potentiels dans ce domaine sont l’Arabie saoudite et le Qatar.
Selon nos statistiques de l’année dernière, la croissance du pétrole en provenance d’Arabie saoudite a été extrêmement dynamique. De plus, il y a presque deux ans, nous avons signé un accord avec Aramco portant sur l’utilisation de nos raffineries. Il ne fait aucun doute que l’Arabie saoudite sera beaucoup plus présente dans le paysage commercial polonais.
La Pologne comprend également de plus en plus qu’elle doit diversifier ses relations économiques en essayant de se tourner davantage vers l’Est et le Sud. Cela s’explique par la dynamique générale de la situation économique dans le monde. Le soi-disant Sud global et les pays arabes sont des économies émergentes et il y a de plus en plus d’opportunités pour nos entreprises dans ces pays.
Les entreprises polonaises ne sont pas les seules à s’intéresser de plus en plus à la région, nos hommes politiques comprennent également que nous ne pouvons pas ignorer ces opportunités. Plusieurs ministres polonais ont exprimé leur souhait de créer des partenariats économiques plus solides avec les pays arabes et les pays africains. Je pense que nos relations avec l’Égypte et l’Arabie saoudite sont un exemple.
L’agression russe contre l’Ukraine a également aidé les dirigeants polonais à comprendre qu’il existe un problème de perception lié à ce conflit, et que nous avions tort d’espérer que les pays du Moyen-Orient et d’Afrique se rangent plutôt du côté de l’Occident. Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé.
Cette réalité a poussé nos élites politiques à s’impliquer davantage dans ces régions, non seulement sur le plan économique ou énergétique, mais aussi sur le plan politique et diplomatique. Nous constatons un manque de confiance à l’égard de l’Occident, un scepticisme croissant, et ces pays voient malheureusement l’invasion russe de l’Ukraine à travers le prisme russe, ainsi qu’à travers les expériences que les pays de la région MENA ont vécues, par exemple, avec l’invasions américaine de l’Irak.
Les élites polonaises s’accordent à dire que cette situation doit être abordée dans le cadre des relations diplomatiques. L’intensification de ces efforts se traduit par un nombre croissant de visites et de réunions entre les hommes politiques et les diplomates polonais et leurs homologues de la région MENA.
L’un des objectifs de la politique étrangère polonaise actuelle est d’essayer de changer cette perception de l’Occident comme étant un acteur qui ne cherche qu’à affirmer son hégémonie et qui a deux poids, deux mesures. Malheureusement, lorsque nous lisons la presse du Moyen-Orient, cette perception et ce sentiment à l’égard de l’Occident sont un sujet important pour eux. Cela est devenu particulièrement visible au début de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, qui s’est traduite par de nombreux commentaires négatifs à l’égard de l’Occident.
Ces commentaires concernaient, par exemple, l’approche type « deux poids, deux mesures » des pays occidentaux à l’égard des réfugiés ukrainiens et moyen-orientaux. À cela s’ajoutent le mécontentement lié à la perception d’un faible intérêt pour les conflits dans la région MENA, alors que l’Europe fait preuve d’une grande unité politique lorsqu’il s’agit de l’Ukraine.
Je pense que nos élites politiques comprennent ce problème et qu’il existe une volonté politique d’essayer d’améliorer le bien-être des populations arabes par le biais de certaines initiatives, visant par exemple à renforcer la confiance et les liens. Il convient de noter que la Russie est très efficace dans ce domaine, en particulier lorsqu’il s’agit de se créer une image d’acteur anti-occidental et anti-impérial, et ce type de message fonctionne bien dans la région MENA, malheureusement. Même si nous savons que ce n’est pas vrai, mais là-bas, leur perspective est un peu différente hélas.
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