Quelques minutes après l’annonce des résultats officiels des élections européennes en France le 9 juin, le Président Emmanuel Macron est apparu à la télévision et a annoncé des élections législatives anticipées prévues pour le 30 juin et le 7 juillet 2024. Les résultats ont naturellement suscité le mécontentement du Président et de son parti au pouvoir, le Rassemblement National (RN) ayant remporté 31,4% des voix, gagnant 12 sièges supplémentaires au Parlement européen, tandis que son propre parti n’a obtenu que 14,6% du soutien des électeurs.
L’annonce des élections anticipées par le Président était cependant assez imprévisible, mais très probablement bien calculée. Le jeune Premier ministre français, Gabriel Attal, a avoué qu’il avait tenté de dissuader Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale et de plutôt accepter sa démission, ce que le Président a refusé de faire.
Extrême Droite contre Extrême Gauche
Selon le dernier sondage disponible, trois principales forces se partageront le parlement : le Rassemblement National avec 37% des voix, le Nouveau Front Populaire avec 30%, et la majorité présidentielle qui n’obtiendrait que 22%. Les Républicains (LR) ne pourraient espérer plus de 8% du soutien des électeurs.
Le spectre de gauche de l’échiquier politique, incluant le Parti Socialiste, La France Insoumise (LFI), les Écologistes et le Parti Communiste, s’est rapidement uni pour les élections, créant un « Nouveau Front Populaire » (NFP) en référence au Front Populaire qui existait avant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont basé leur campagne sur des promesses populistes, telles que l’augmentation du SMIC (salaire minimum), l’abrogation des lois sur l’immigration adoptées sous Macron, un accès plus facile aux permis de séjour, tandis que certains candidats ont même montré leur sympathie envers le Hamas — une organisation terroriste. Cependant, de telles mesures seraient difficiles à mettre en œuvre et l’augmentation du salaire minimum est plutôt un geste populiste visant à attirer davantage de partisans sans améliorer les standards de vie économiques des Français.
Quant au RN, leur campagne est centrée sur la lutte contre l’immigration illégale et la diminution de l’immigration légale, l’amélioration des conditions de travail et la lutte contre la fraude. En matière de politique étrangère, Jordan Bardella a travaillé à améliorer l’image du parti et à éloigner le RN de la Russie, affirmant que l’aide à l’Ukraine devrait se poursuivre mais qu’il ne devrait pas y avoir de troupes françaises envoyées en Ukraine. De plus, l’une de ses déclarations concernant l’interdiction d’accès à certains postes de haut rang pour les Français possédant une autre nationalité, notamment les ministères de la Défense ou des Affaires étrangères, a suscité de vives critiques.
Les résultats préliminaires annoncés ce soir ont confirmé la fin de la « Macronie » et sont les suivants : Rassemblement National et alliés 34%, Nouveau Front Populaire 29,1%, majorité présidentielle 21,5%, et Les Républicains 10%. Tout pointe donc vers une cohabitation, une situation où le président est d’un parti politique différent de la majorité des membres du parlement, ce qui s’est déjà produit en 1986, 1993 et 1997.
Calculs et scénarios possibles
Il y a deux principaux calculs que le Président Macron a pu faire avant d’annoncer les élections anticipées. Il a pu penser que les électeurs seraient effrayés par le fait que le Rassemblement National pourrait remporter la majorité à l’Assemblée nationale et former un gouvernement, préférant ainsi un résultat connu, sa propre force politique. Mais plus on se rapproche du deuxième tour, et surtout après l’annonce des résultats du premier tour, plus cela peut être écarté.
Un autre calcul, et le plus réaliste, est que Macron comprend que le RN gagnerait les élections, bien que probablement sans majorité absolue. Cela permettrait, d’une part, de blâmer le RN pour tout ce qui se passe dans le pays, et d’autre part, permettrait au Président Macron de travailler à empêcher Marine Le Pen (RN) de gagner les prochaines élections présidentielles en faisant tout son possible pour s’assurer que le RN ne puisse pas mettre en œuvre ses politiques.
Bien que les choses puissent évoluer en une semaine — lors du second tour des élections législatives — il semble que le RN n’ait pas réussi à obtenir une majorité absolue, ce qui rendra les choses plus difficiles pour eux, notamment à la lumière des déclarations de Jordan Bardella selon lesquelles il n’acceptera pas le poste de Premier ministre sans majorité absolue. Cependant, si Les Républicains entrent en coalition avec le RN, ils auront plus que suffisamment de votes pour créer un gouvernement.
Mais le Président Macron a également un joker dans sa main — si le pays est gouverné dans le chaos en raison d’une Assemblée nationale quasi non fonctionnelle — il peut dissoudre le parlement à nouveau dans un an. Mais aujourd’hui, une chose est claire : la France est en pleine crise politique sans issue rapide et facile.
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