Le Qatar est connu pour son rôle important de médiateur. Ce rôle s’étend non seulement au Hamas et à Israël, ou à l’Iran et aux États-Unis, mais aussi au-delà, notamment la médiation entre la Russie et l’Ukraine. Par exemple, le Qatar a négocié un accord permettant le retour des enfants ukrainiens de Russie et a également tenté d’accueillir un sommet pour négocier un accord qui mettrait fin_ à la guerre.
Le Qatar maintient que sa médiation n’implique aucun soutien à une quelconque partie. En octobre 2023, un responsable qatari a affirmé « qu’il ne fallait pas confondre dialogue et soutien » et que le Qatar s’engageait avec « différents groupes parce que nous pensons que des canaux de communication ouverts sont le seul moyen d’instaurer la confiance et de résoudre les différends ». De même, Faisal al-Mudahka, rédacteur en chef du quotidien pro-gouvernemental Gulf Times, a déclaré_ : « La clé du succès du Qatar en matière de diplomatie internationale et de médiation réside dans le fait que le pays possède — et démontre — l’objectivité et l’impartialité requises pour garantir le succès de toute médiation et de tout cadre de résolution des conflits. Il est désormais généralement admis que le Qatar ne prend pas parti mais facilite le dialogue entre les parties rivales, ce qui a permis de régler des querelles de longue date dans différentes parties du monde ».
En effet, le Qatar communique avec les deux parties. Cependant, cette position ne signifie pas la neutralité — mais plutôt l’hypocrisie. Malgré sa politique déclarée d’appel à la fin du conflit entre la Russie et l’Ukraine, le Qatar s’est impliqué avec les deux camps d’une manière qui a permis de prolonger la guerre. Récemment, il a été rapporté que le Qatar transfèrerait des armes à l’Ukraine. Le gouvernement allemand a approuvé une vente d’armes au Qatar d’un montant estimé à 100 millions d’euros, composée principalement de 12 systèmes d’artillerie automoteurs RCH 155. En échange, le Qatar a remis à l’Allemagne la moitié de ses 24 canons chenillés Panzerhaubitze 2000 (PzH 2000), qui seront envoyés à l’Ukraine dans le cadre du programme « ring exchange » après maintenance.
Le caractère problématique de son implication dans le conflit est apparu avec la nécessité pour le Qatar de nier ce transfert. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Qatar, Majid bin Mohammed al-Ansari, a répondu à ces informations en déclarant que le Qatar « « ne participe en aucune manière à la militarisation du conflit ».
Cette dénégation était également nécessaire car, en même temps, le Qatar entretenait des liens étroits avec la Russie. Des réunions fréquentes entre des responsables russes et leurs homologues qataris ont eu lieu. Celles-ci incluent l’expansion des liens économiques, comme convenu lors d’une réunion en juillet dernier entre l’émir du Qatar, Cheikh Tamim, et le président russe Vladimir Poutine.
Dans le cas des liens économiques, il y a un autre exemple impliquant l’Allemagne qui illustre comment le Qatar s’est impliqué dans le conflit. En août, il a été rapporté que le Qatar était le dernier enchérisseur restant pour les opérations allemandes saisies de la l’entreprise pétrolière russe Rosneft PJSC. De plus, cet achat était un exemple de la manière dont le Qatar utilise son apparence de neutralité pour prendre parti. Cet achat n’était pas seulement une opportunité économique, car il donne au Qatar encore plus d’influence dans le secteur énergétique européen.
Il existe une opinion selon laquelle c’était un moyen pour le Qatar de permettre à la Russie de contourner les sanctions imposées à Moscou, permettant ainsi à la Russie de reprendre le contrôle de ses actifs. Ce geste qatari en faveur de Moscou a très probablement été discuté lors de la dernière rencontre entre les dirigeants des deux États. Le 4 juillet 2024, Vladimir Poutine a rencontré l’émir du Qatar, Cheikh Tamim Bin Hamad Al Thani, en marge du sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Le fait que Poutine ait remercié l’émir qatari symbolise le statut important du Qatar dans cette relation.
La façade de neutralité était un instrument pour le Qatar afin de mettre en avant sa présence économique dans la communauté mondiale, au détriment de son statut d’« honnête médiateur ».
Ce n’est pas la première fois que le Qatar adopte une telle approche. Le Qatar a joué le rôle de médiateur dans un accord d’échange de prisonniers entre l’Iran et les États-Unis. L’accord a été négocié par plusieurs pays connus pour leur rôle de médiateur : la Suisse, Oman et le Qatar. Parmi eux, le Qatar a été décrit comme le principal négociateur, véritablement impliqué avec les deux parties et cherchant des compromis. Les profits pour l’économie de Doha étaient évidents dès le départ. Washington a approuvé la libération de six milliards de dollars de profits pétroliers iraniens et leur transfert via la Banque Centrale du Qatar (QCB). Il convient de rappeler que des hauts responsables de la famille régnante et des cercles gouvernementaux siègent au conseil d’administration de la banque qatarie et profitent de l’exécution de ces transactions. Cette affaire illustre que l’activité du Qatar dans la région n’est pas motivée uniquement par la générosité.
Le Qatar se promeut comme un médiateur honnête capable de dialoguer avec tout le monde. C’est un instrument de soft power qui offre au Qatar l’opportunité de se projeter comme un acteur de premier plan pour des initiatives économiques conjointes. Pour cela, le Qatar choisit de prendre parti des deux côtés, alors qu’en réalité, il ne sert que ses propres intérêts.
Dans le cadre de cette mascarade, le Qatar tente de se présenter comme agissant pour des objectifs humanitaires. En réalité, le Qatar ne s’occupe que de ses propres intérêts et de son auto-promotion. Son image de courtier neutre doit être considérée comme de la propagande et non comme une réalité.
Tous les droits de publication et les droits d’auteur sont réservés au MENA Research Center.