La situation dangereuse au Liban s’aggrave avec la tension croissante dans la rue, et les autorités libanaises qui menacent d’utiliser la force contre les manifestants. Par ailleurs, Amnesty International a prévenu que le pays pourra se trouver à un nouveau tournant inquiétant, en appelant les autorités libanaises à cesser immédiatement d’exploiter les accusations relatives au terrorisme pour poursuivre en justice les manifestants et les activistes.
L’organisation internationale a de même révélé que les tribunaux militaires ont rendu des décisions de convocation contre des civils participant aux manifestations qui se déroulent dans le pays, en qualifiant cela d’un moyen d’harcèlement des activistes civils.
Il est à rappeler qu’au cours des deux derniers jours, le Liban a enregistré des manifestations massives dans la plupart des villes libanaises, dans le cadre de ce que les manifestants ont appelé «jour de colère », qui a vu la fermeture des routes principales dans diverses régions du Liban, dont la plupart se trouvent à l’entrée de la capitale Beyrouth. Ces manifestations ont eu lieu pour protester contre les conditions de vie difficiles, l’amplification de la crise financière et l’effondrement économique, notamment que le dollar a atteint 11 mille livres libanaises.
Réprimer et terroriser les manifestants
En parallèle avec la hausse des tensions sécuritaires, la directrice adjointe à Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Lynn Maalouf, accuse les forces libanaises de sécurité d’avoir pris des mesures répressives visant à semer la peur dans l’esprit des manifestants et à les dissuader, notamment que les manifestations se poursuivent depuis octobre 2019.
Maalouf a également indiqué que les autorités libanaises recourent à des méthodes répressives et accusent les manifestants d’accusations liées au terrorisme pour les poursuivre en justice, et que la justice libanaise au lieu de protéger les droits des personnes qui protestent, elles sont complices dans la répression exercée sur les manifestants et des efforts visant à écraser les voix de l’opposition, selon le rapport de l’organisation des droits de l’Homme.
Le président de la République libanaise, «Michel Aoun», avait tenu au cours des deux derniers jours une réunion sécuritaire, économique et financière au palais de Baabda, suite à la hausse de la tension dans la rue.
De son côté, l’analyste politique Michel Bou Saab a considéré que le courant dominant l’Etat et les services de sécurité avait décidé de les pousser vers la confrontation avec le peuple, en ajoutant : «Après deux ans de dépendance aux milices et aux sympathisants partisans du camp au pouvoir qui a échoué à réprimer les manifestations, l’autorité cherche actuellement à soumettre les institutions de l’Etat libanais pour préserver et consolider son pouvoir, et jouer sur la corde sensible de la patrie et sa protection.
Dans le même contexte, «Bou Saab» estime que le régime au pouvoir au Liban est convaincu que les manifestations qui se poursuivent depuis 2019 sont complètement différentes de toutes les autres vagues de manifestations précédentes, et qu’il s’agit d’une véritable révolution alimentée par la situation désastreuse par laquelle traverse le pays sous le régime du «Pacte». Il a par conséquent prévenu que pousser l’armée et les forces de sécurité pour confronter le peuple signifie la reproduction du scénario syrien, surtout que l’une des parties qui monopolisent le pouvoir dans le pays était un acteur influent dans la guerre syrienne, en faisant allusion au Hezbollah.
Bou Saab a qualifié la convocation des tribunaux militaires des civils en raison de leur participation aux manifestations, des premiers pas du glissement vers le scénario syrien, en mettant en garde contre une vaste campagne d’arrestations contre les manifestants du mouvement, comme un moyen pour l’étouffer.
Une lutte pour la survie
Confirmant la différence entre le mouvement de protestation actuel et les manifestations et protestations précédentes connues par le Liban au cours des 15 dernières années, le chercheur en affaires libanaises, «Ahmed Itani», a indiqué : «La plupart des mouvements précédents étaient pour des raisons et considérations politiques dont les manifestations contre la présence syrienne ou la vague d’assassinats ou bien des manifestations organisées par des courants politiques, mais aujourd’hui, le peuple se bat pour son gagne-pain, en soulignant que le peuple libanais ressent actuellement la faim et la pauvreté dans les pires conditions de vie par lesquelles traverse le pays depuis plusieurs décennies.
Il convient de noter que l’été dernier a enregistré le suicide d’un certain nombre de Libanais en raison des conditions de vie difficiles et de l’incapacité des citoyens libanais d’assumer le coût de la vie, particulièrement avec l’augmentation du taux de chômage pour atteindre 35%, à l’époque, en parallèle avec la propagation de l’épidémie de Coronavirus et ses répercussions sur l’activité économique.
Itani a expliqué que le problème du pouvoir au Liban et des courants politiques, c’est qu’ils n’ont pas encore compris le degré de désespoir et d’épuisement que les Libanais ont atteint, en considérant que le Liban est devenu en fait un État en faillite, notamment avec l’incapacité des blocs politiques de former le nouveau gouvernement, malgré l’écoulement de plus de 7 mois après que le leader du Mouvement du Futur, Saad Hariri, ait été chargé pour former le nouveau gouvernement, suite à la démission du gouvernement Hassan Diab, en raison de la catastrophe de l’explosion du port de Beyrouth.
Dans le même contexte, Itani a affirmé que l’intransigeance des partis politiques avec leurs revendications et conditions pour accepter de former le nouveau gouvernement, reflète à quel point ils sont éloignés du peuple libanais, ses besoins et ses intérêts, en insistant sur la nécessité de former le nouveau gouvernement le plus tôt possible, si l’autorité au pouvoir cherchait vraiment à instaurer la stabilité dans le pays.
Il convient de rappeler, in fine, que les Nations Unies ont révélé à l’automne 2020, que le taux de la pauvreté au Liban a atteint 55%, en notant que plus de la moitié des pauvres dans le pays vivent dans une situation de pauvreté extrême, incapables de garantir les simples besoins élémentaires de vie.