Les tensions se sont accrues sur la scène irakienne, avec l’intention de ce qu’on appelle les «partis loyaux» appartenant aux milices soutenues par l’Iran de se diriger vers une escalade militaire près de la Zone verte de la capitale, Bagdad, pour protester contre les résultats des récentes élections législatives, étant donné que ces partis ont perdu une grande partie de leurs sièges, en particulier Asaïb Ahl al-Haq (AAH), dirigé par «Qais al-Khazali», au profit du courant sadriste.
Il convient de rappeler que la capitale irakienne a enregistré des événements sanglants, vendredi matin, entre les forces de l’ordre et des milices soutenues par l’Iran, suite à une tentative de ces dernières de prendre d’assaut la Zone verte de la capitale irakienne pour que les forces de sécurité ripostent en tirant à balles réelles pour disperser les manifestants et les empêcher de prendre d’assaut la zone fortement fortifiée, qui abrite plusieurs départements officiels et missions diplomatiques.
Des tensions sectaires et un affrontement chiite-chiite menacent l’Irak
Commentant les dernières évolutions en Irak, le chercheur spécialiste des affaires des milices, Kamal Al-Jidouri, a indiqué que l’escalade peut aller au-delà de la simple question de l’affrontement entre les milices et l’État de l’Irak, pour se transformer en un affrontement au sein de la rue chiite, surtout avec la possibilité que le mouvement sadriste et ses partisans s’inviteraient dans les affrontements, en soulignant que Moqtada al-Sadr et son mouvement rejetteront catégoriquement tout changement au niveau des résultats des élections étant donné qu’il est le vainqueur. Il a en effet estimé que ces mouvements des milices menacent d’une guerre chiite-chiite qui poussera l’Irak vers la bouche d’un volcan et vers des incidents sanglants.
Al-Jidouri a expliqué : « Les milices considèrent les résultats des élections décisifs pour elles, d’autant plus que ces résultats dans leur situation actuelle feront perdre à ce qu’on appelle les partis loyaux, toute existence au sein de l’État irakien, et libérer les appareils de l’Etat de toute influence des milices soutenues par l’Iran, et feront entrer le pays dans une nouvelle phase qui ne plaira pas à l’Iran. Il a souligné par ailleurs que la prochaine période sera très sensible et très dangereuse pour l’Irak et les Irakiens.
Al-Jidouri a dit également que le scénario du conflit Amal-Hezbollah au Liban, au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix du siècle dernier, sera presque reproduit mais entre les milices irakiennes, en considérant que la lutte pour le pouvoir entre ces milices et le mouvement sadriste est devenu plus intense.
Il est à rappeler que le leader du mouvement sadriste, « Moqtada al-Sadr », a arrêté sa visite dans la capitale, Bagdad, pour revenir à Najaf suite aux événements actuels, en appelant ses partisans à rester calmes par rapport à ce qui se passe.
Al-Khazali.. et le déclenchement des feux de la loyauté envers l’Iran
Un certain nombre de leaders des milices soutenues par l’Iran, en tête de liste le chef d’Asaïb Ahl al-Haq, « Qais al-Khazali » ont dirigé les événements de tensions se déroulant aux environs de la zone verte. Selon le politologue, « Abd al-Qader al-Dlimi », ces dirigeants ont des craintes que l’Iran leur retire son soutien et cherche des alternatives pour doper l’influence iranienne, en soulignant que al-Khazali est parfaitement conscient que le retrait du soutien iranien pour lui signifie sa fin sur le plan politique, milicien et éventuellement existentiel.
Al-Dlimi a affirmé également que « al-Khazali » bouge actuellement vers tous les sens pour regagner son influence en Irak, y compris la possibilité de déclencher une guerre civile dans le pays et entrer en confrontation avec le mouvement sadriste, en précisant que «al-Khazali» n’accepte pas l’idée de perdre son influence, étant donné qu’il possédait le plus grand pouvoir dans le pays, armé du soutien iranien et de la majorité parlementaire qu’il détenait au sein du Parlement, et qui lui permettait dans de nombreuses situations d’imposer sa domination sur le gouvernement irakien et sur les nominations, particulièrement les nominations sécuritaire et militaires.
Il est à noter que « al-Khazali », en partenariat avec le chef de l’Organisation Badr, Hadi al-Ameri, a dirigé l’Alliance parlementaire Fatah (de la conquête), ayant remporté 17 sièges lors des dernières élections, après qu’il avait eu 47 sièges lors des élections de 2018.
Al-Dlimi a encore indiqué que al-Khazali est parfaitement conscient qu’il y a plusieurs dirigeants politiques chiites qui souhaitent prendre sa place en tant que des dirigeants d’influence iranienne en Irak et gagner les fonds et le soutien iraniens, à commencer par le président de la coalition de l’Etat de droit et l’ancien premier ministre, Nouri al-Maliki, en ajoutant que cela pousserait al-Khazali à prendre toute mesure qui bloquerait le chemin devant Al-Maliki, même si elle était concerne une nouvelle guerre civile et des affrontements dans la rue chiite.
Dans le même contexte, l’expert des affaires du Moyen-Orient, Mohammad Eid, a dit : « al-Khazali est une personne issue d’un environnement armé et milicien et il n’a aucune expérience ni culture politique. Et cela pourrait lui pousser à prendre de faux pas étant donné qu’il traverse une période et des circonstances qui peuvent l’empêcher de faire la distinction entre les guerres politiques et les guerres armées », en soulignant que les chefs de milices sont devenus la plus grande menace pour la sécurité, la souveraineté et l’unité de l’Irak, à un degré qui dépasserait même la menace de Daech et des organisations terroristes, selon ses propos.
La théorie du complot et l’autorisation les armes prohibées
Faire la liaison principalement entre le poids de la tension en Irak et Asaïb Ahl al-Haq et son chef « al-Khazali » se justifie par plusieurs considérations, selon « Eid ». D’abord, il s’agit du premier perdant des élections. Secundo, la tentative de promouvoir la théorie du complot pour légaliser l’usage des armes et l’escalade lors des protestations contre les résultats, en rappelant que ce n’est pas la première fois que al-Khazali se dirige vers l’escalade militaire contre l’Etat irakien en déployant des armés qui lui sont fidèles dans les rues irakiennes.
Il est à noter que des groupes armés appartenant à Asaïb ont été déployés fin de l’année dernière dans plusieurs rues de la capitale, Bagdad, suite à l’arrestation par les autorités de sécurité irakiennes d’un responsable d’Asaïb, après avoir été accusé de cibler l’ambassade des États-Unis à Bagdad en décembre 2020, qui était le ciblage le plus important du genre depuis 2010.
Dans le même contexte, Eid a ajouté que : « al-Khazali se considère qu’il était trompé et victime d’un jeu politique comploté par Moqtada al-Sadr, et qu’il cherche à transformer cette conviction en un complot pour le répandre parmi les cercles irakiens afin de gagner plus de sympathie dans le rue chiite. Ce qui lui permettra d’aller plus loin dans son escalade contre l’État irakien, les résultats des élections et le mouvement sadriste », en considérant que l’État irakien est actuellement tenu de recourir à toute les moyens possibles pour empêcher le pays de glisser vers le précipice.
En outre, Eid considère qu’Asaïb Ahl al-Haq et un certain nombre de milices loyales, notamment son allié les brigades Badr dirigées par « Hadi al-Ameri » et le Hezbollah irakien, se préparent à une guerre en Irak selon le principe de «s’ils vont perdre, ils vont causeront aussi le maximum de dégâts à leurs ennemis», en expliquant que ce principe signifie brûler l’Irak et détruire ce qui en reste avant de permettre, à leurs adversaires ou aux opposants à la présence des milices, de diriger le pays.
Eid estime également que le trio susmentionné tentera d’impliquer l’ensemble de l’Autorité du Hachd al-Chaabi dans son plan d’escalade contre les résultats des élections dans une tentative d’augmenter la pression militaire et l’escalade armée, étant donné que les milices ne croient pas aux principes d’alternance politique, en indiquant que leur succès ouvrira la porte de l’enfer sur l’Irak. Une porte qui ne se fermerait peut-être pas pendant des dizaines d’années.