Dans les pays autocratiques, il y a eu toujours une ancienne guerre renouvelée, dont ses fronts se sont axés entre l’opinion publique assoiffée à la libre circulation de l’information, d’une part, et les gouvernements autoritaires qui refusent de se soumettre aux règles de la société ouverte du XXIe siècle, d’autre part. Et au milieu des interactions de cette véritable guerre médiatique et de ses répercussions, les sociétés cherchant à se libérer des restrictions de l’opacité médiatique ont vécu des expériences amères de censure gouvernementale pendant des décennies, sans qu’aucune partie cédait ou abandonnait au profit de l’autre.
Les dictatures sont l’ennemi de la libre circulation de l’information
Les États autocratiques tels que la Chine, la Russie et l’Iran, dont les dirigeants ont concentré tous les pouvoirs entre leurs mains, doivent la pérennisation de leur règne aux ténèbres de la censure gouvernementale, en s’appuyant sur des groupes d’individus et d’institutions placés au devant de la scène dans les divers domaines politique, culturel et économique du pays.
D’une façon générale, ces pays partagent leur hostilité envers la libre circulation de l’information, et chacun cherche, selon ses moyens, à imposer une censure stricte pour empêcher ses citoyens d’accéder librement à l’Internet. Mais le point le plus important c’est que ces dictatures essaient d’apprendre les unes des autres et de partager leurs expériences dans ce domaine. Même leurs réactions en ce qui concerne les restrictions imposées sur l’espace virtuel sont souvent similaires, bien qu’elles soient cachées derrière de belles paroles comme la loi d’Internet indépendante et nationale.
La vision iranienne de la libre circulation de l’information
La question de la censure totale des médias et des affaires culturelles en tant qu’outils importants de domination politique et de contrôle de la société a été l’une des principales préoccupations et priorités des responsables iraniens depuis la victoire de la Révolution en 1979. Pour cela, l’orientation du nouveau régime dans le domaine de domination des médias et le contrôle complet de l’espace culturel du pays vise à architecturer l’opinion publique dans le cadre du modèle des valeurs du gouvernement chiite et de l’islamisation de la société, mais tout en préservant le concept dictatorial unique de l’appropriation du pouvoir qui porte désormais un manteau et un turban religieux.
La guerre gouvernementale contre la libre circulation de l’information
Les origines de la guerre du gouvernement contre les médias, et les types de culture et d’art qui ne sont pas autorisés par le gouvernement, remontent à quarante ans, lorsque la politique de censure du gouvernement commençait aux années 80 à imposer ses règles sur les médias et les arts et la culture comme l’impression des livres et la distribution de tracts, de revues et de journaux.
Par exemple, en 1980, plusieurs personnes ont été arrêtées et exécutées pour avoir distribué de tracts de l’Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran et de son journal. En outre, l’acquisition de films et de cassettes vidéo étrangers a été considérée comme un crime majeur lors de la décennie noire des années 80, pendant la période du régime réformiste de Mohammad Khatami en particulier.
Quant aux années 1990 et pendant la première décennie du 21ème siècle, le gouvernement a mené une nouvelle guerre contre les antennes paraboliques. Les médias non étatiques agréés ont également été contraints de se soumettre à cette censure gouvernementale, car sortir du cercle étroit qu’ils imposaient signifiait perdre leur emploi.
Par la suite, l’utilisation progressive de l’Internet et l’ascension des réseaux sociaux émergents ont marqué le premier changement significatif dans l’équilibre des pouvoirs en faveur de la société civile iranienne, qui cherchait impatiemment des moyens de réduire la pression des restrictions gouvernementales.
La prolifération sans précédent des blogs en Iran et l’émergence d’un grand nombre de citoyens, chacun jouant le rôle d’un média, ont modifié l’environnement médiatique à cette période.
Et avec l’âge d’or des blogs en langue persane, le gouvernement Khatami s’est orienté vers la gestion du contenu produit, et il a planifié et a mis en œuvre le premier projet de censure et de filtrage d’Internet.
Malgré cela, selon les recherches effectuées, le nombre de sites web et de blogs persans était proche de 700.000 jusqu’en 2005, trois ans avant le Mouvement Vert en Iran, lorsque les activistes iraniens ont habilement utilisé le ciel ouvert de l’espace virtuel pour lutter contre la répression et la censure.
Et suite aux répercussions du Mouvement vert en 2009, la question de la répression d’Internet a atteint son paroxysme, lorsque l’Internet a été coupé lors du déclenchement des protestations populaires contre les élections présidentielles d’une manière générale et inédite.
De plus, le concept d’Internet national a commencé à prendre forme sous le gouvernement d’Ahmadinejad, et des idées telles que le système d’exploitation national, l’antivirus national, Google Maps islamique et d’autres ont commencé à émerger.
Mais contrairement à ce que certains croient, le gouvernement d’Ahmadinejad n’a pas été en mesure de mettre pleinement en œuvre l’idée d’Internet national, jusqu’à l’arrivée du gouvernement réformiste de Rohani pour aller de l’idée du stade de la planification et de la recherche aux stades de la mise en œuvre et de l’application.
Malgré les méthodes utilisées par le gouvernement Rohani pour changer le comportement des internautes en Iran, les circonstances émergentes, telles que la propagation des Smartphones et des réseaux d’Internet modernes parmi la classe moyenne, ont réduit le pouvoir des médias de l’État, qui n’était plus en mesure de cacher la réalité à la société et ils se sont retrouvés obligés d’interagir avec elles, en raison de la frustration populaire et de peur qu’elles se transforment en des soulèvements concrets dans la rue.
Par exemple, les incidents des années précédentes, tels que le soulèvement de l’essence en novembre 2019, l’avion ukrainien abattu et les grandes affaires de corruption du gouvernement, des paysages de la bataille médiatique en cours entre le gouvernement et la société civile, qui bénéficie désormais d’une sorte d’indépendance en ce qui concerne la circulation de l’information malgré le contrôle et les restrictions gouvernementales.
Les répercussions de la fin de l’époque du contrôle gouvernemental totalitaire
Contrairement à ce qui était la situation pendant les deux premières décennies du règne du régime iranien actuel, où le gouvernement pouvait imposer tout ce qu’il voulait aux médias, la société iranienne bénéficie aujourd’hui d’une grande marge de liberté et d’indépendance dans le domaine de la circulation de l’information. Cela a créé un nouveau type de relation indirecte entre la société et le gouvernement exprimant clairement le changement de l’équilibre des pouvoirs.
C’est-à-dire que le gouvernement a perdu l’initiative en faveur de la société civile, qui mène maintenant une guerre contre le système de propagande du gouvernement par le biais des procédures médiatiques, la diffusion de l’information d’une façon très étendue ainsi qu’à travers la critique des informations officielles.
En contrepartie, les médias de l’Etat sont complètement impuissants face à ce phénomène, car ils savent très bien que les gens sont devenus en possession d’autres sources d’information crédibles, et qu’ils doivent changer leur façon de travail pour attirer le public, et éviter de le provoquer avec de la désinformation, qui peut être facilement détectée en la comparant à l’ensemble des informations, qui se transmet facilement d’un téléphone à l’autre.
En outre, la société iranienne d’aujourd’hui a trouvé les moyens pour protester de diverses manières contre les politiques et l’incompétence du gouvernement, en créant de nouveaux espaces de dialogue, pour critiquer les responsables et exiger des réponses autour des affaires émergentes.
Pour cela, en temps de crise politique, la suprématie des médias non-gouvernementaux et leur ouverture sur l’espace public sont considérées comme un élément vital constituant une obsession effrayante aux gouvernements autocratiques, et la clé des développements futurs pourrait aussi dépendre de cette guerre médiatique, dans laquelle s’est formée une sorte d’opposition qui défie l’autorité du gouvernement dans un pays presque exempt de toute activité réelle de la société civile, des partis politiques et des ONG.
En somme, les efforts du gouvernement iranien visant à isoler le pays en lançant un réseau d’internet national peuvent contribuer à restreindre la liberté de circulation de l’information à court terme, mais cette situation sera éphémère étant donné l’évolution technique enregistrée dans le domaine des communications à l’échelle mondiale. Ce qui indique que l’internet gratuit est devenu un moyen de résistance le plus efficace pour faire face à l’empire trompeur qui essaie toujours de maintenir les réalités emprisonnées entre les murs de la propagande gouvernementale.