Comité de rédaction
Les conflits internes en Libye enregistrent une escalade qui persiste depuis 2011 dans un contexte de tension croissante entre les parties externes impliquées dans la crise que traverse le pays. Le président égyptien Abdel Fattah El-Sissi, partisan du commandant de l’Armée nationale libyenne Khalifa Haftar, a précédemment annoncé la possibilité d’une intervention militaire de l’Égypte en Libye au milieu du renforcement de la présence turque en faveur du gouvernement de réconciliation nationale, qui se prépare à son tour à lancer une attaque pour reprendre le contrôle de Syrte.
Pour certains analystes cette escalade représente une carte de pression pour forcer la Turquie à renoncer à la solution militaire et revenir à la table des négociations selon de nouveaux calculs internationaux.
De son côté la Russie cherche à pousser vers l’activation des résultats de la Conférence de
Berlin et à unifier les positions pour adopter l’initiative égyptienne. Dans ce contexte, le Vice-Président du Parlement libyen à Tobrouk, Ahmida Houmah, a annoncé que l’Assemblée avait reçu une invitation russe pour discuter d’un certain nombre de questions, notamment la « Déclaration du Caire » et les résultats de la Conférence de Berlin.
Plusieurs questions ont déjà été abordées, à l’instar de la discussion de la déclaration du Caire, les résultats de la conférence de Berlin et l’initiative du Président de Parlement qui vise à avancer dans la direction de cessez-le-feu et le retour au processus politique ce que signifie soutenir les efforts de la Russie dans ce sens.
Consensus entre les acteurs internationaux
Le consensus entre les acteurs internationaux reste la question décisive dans la période à venir dans le dossier libyen, selon l’estimation des analystes, car le différend tourne désormais autour de la manière de partager la richesse libyenne, en particulier le gaz et le pétrole libyens dans le bassin méditerranéen. C’est le sujet de l’ambition de la Turquie, qui a signé un accord bilatéral avec le gouvernement de Fayez al-Sarraj, qui stipule la coopération militaire et maritime et le reste des pays, que ce soit l’Europe, la Russie, les États-Unis d’Amérique, les pays du Golfe et l’Égypte.
Aujourd’hui, les acteurs internationaux se rendent compte que la présence turque en Libye est devenue une réalité en tant que présence militaire à travers laquelle elle se positionne en Libye. La réponse de l’Europe, en particulier la France, ainsi que de l’Égypte et des États du Golfe, en vient à limiter l’expansion de la présence turque en Libye. Cela vient au même moment où la Russie était prête à négocier pendant longtemps, mais la préoccupation la plus importante pour tous est l’absence d’accord sur la manière de partage le gâteau libyens.
Très probablement, la solution libyenne fait désormais l’objet d’un accord complet entre la Russie, l’Europe, les États-Unis, l’Égypte et les pays du Golfe car leur position déclarée concernant la ville de Syrte comme une ligne rouge signifie l’acceptation de la retraite militaire du maréchal Khalifa Haftar.
Les acteurs internationaux appellent à activer les accords de la conférence de Berlin et à soutenir l’initiative égyptienne. Un éloignement de la logique de la guerre et de la de division de la Libye en attendant de recalculer l’ensemble de la richesse de la Libye et de planifier une stratégie pour fermer le dossier libyen en fonction de leurs intérêts majeurs.
Quant aux pays voisins, et malgré les tentatives de l’Algérie et de la Tunisie pour jouer des rôles plus efficaces, cela reste un enjeu secondaire et leurs positions ne sont pas un centre de gravité par rapport aux acteurs internationaux qui ont un poids stratégique.
Les pays voisins ont des intérêts en Libye, principalement liés à la sécurité nationale, à la confrontation avec les terroristes et à la réactivation du côté économique.
Une guerre par procuration
Pour les observateurs la poursuite de la crise libyenne pendant des années est relation adéquate avec le grand nombre de parties étrangères en concurrence et la complexité de leurs intérêts.En effet, le clivage entre le gouvernement d’accord national libyen et l’armée nationale libyenne dirigée par le maréchal Khalifa Haftar à l’est, s’est développé d’une guerre par procuration à une confrontation directe entre les partisans des deux parties, l’Égypte et la Turquie.
Face aux menaces égyptienne d’une intervention directe afin de préserver sa sécurité nationale et arabe au cas où les lignes rouges dans les villes de Syrte et Al-Jafra seront enfoncés, et l’insistance d’Ankara, qui est le plus éminent partisan du gouvernement Al-Wefak, à se déplacer militairement vers l’est, les craintes internationales et régionales augmentent de refaire le scénario syrien en Afrique du Nord et au sud de la Méditerranée, ce qui signifie que la Libye est en train d’entrée dans la phase de non-retour avec des parties externes insistant sur leurs intérêts.
Porte de passage
La ville de Syrte, qui est l’objectif de tous les acteurs, bénéficie d’un emplacement stratégique au milieu de la côte libyenne, qui s’étend sur une distance de 1955 km. La ville est considérée comme la porte d’entrée à l’est et à l’ouest du pays, car elle sert de médiateur sur la route entre Tripoli et Benghazi, à environ 450 à 500 km des deux côtés. Elle est également situé à une distance de 1000 km de la frontière égyptienne, à moins de 200 km de Misurata, le centre de rassemblement des forces fidèles au gouvernement de El Wifak et la confortable zone de mouvement pour les Turcs.
En plus de son emplacement qui a attiré les plus grandes puissances du monde à travers l’histoire, Syrte est l’épine dorsale pour attaquer les ports pétroliers de l’ouest pour tous ceux qui veulent contrôler la plus grande partie des réserves de pétrole libyennes. La ville est adjacente au Croissant pétrolier libyen, qui comprend les plus grandes réserves de pétrole du pays, constituant environ 80% des exportations de pétrole de la Libye qui transitent par les ports de Brega, Ras Lanuf, Sidra et Zuaitina. Le contrôle de de Syrte, -la porte de la caverne d’Ali Baba- vers les trésors de la Libye, qui se situe à seulement 150 km à l’est de Syrte, permettra à Erdogan de résoudre les problèmes économiques de son pays en cas de victoire. Toutefois, la présence des réservoirs pétroliers rendra les combats plus dangereux et ses partis plus prudents.
Par ailleurs, le golfe de Syrte est également une zone très riche en ressources naturelles que les sociétés d’exploration internationales attendent avec impatience surtout après la découverte des plus grandes réserves de gaz à l’intérieur du bassin souterrain portant le nom de la ville, « Sirte Basin », qui est l’une des causes du conflit froid entre l’Italie et la France, qui se livrent à une concurrence féroce à travers leurs sociétés Total et Eni afin d’assurer leurs futurs intérêts dans les concessions d’exploration et de production.
Stratégiquement aussi, le port de Syrte avec l’aéroport international de Syrte constituent les plus importantes issues sur un golf ouvert. En plus de cela la base aérienne de Qardabiyeh située au sud de la ville, qui forme avec la base d’Al-Jafra, située à 300 km au sud, un point de départ vers Tripoli à l’ouest et Benghazi à l’est et Sabha au sud, ce qui facilite les lignes d’approvisionnement en cas de guerre.