Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a annoncé hier, le jeudi, le retour en Libye de 126 immigrants clandestins, dont 8 femmes et 28 enfants, après avoir été sauvés de la mer. La côte de la ville de Zaouïa a par ailleurs vécu un terrible incident à savoir : le naufrage d’un bateau de migrants le soir du mercredi dernier dont les cadavres de cinq enfants égyptiens ont été retrouvés par le Croissant-Rouge libyen.
Suite à l’augmentation du nombre de migrants irréguliers en Libye qui ont vu leurs plans d’infiltration à travers les côtes libyennes échouer et qui ont été logés dans des centres d’hébergement du pays, le Comité national des droits de l’homme en Libye a exprimé son rejet de tout projet visant à implanter les migrants et les réfugiés africains en Libye ou de faire de la Libye une « patrie alternative » pour eux.
Traitement du phénomène migratoire
À l’occasion de la célébration de la Journée internationale des migrants, le Comité a demandé de l’Union européenne d’entreprendre une initiative en menant un projet dans lequel les pays d’origine, de transit et de destination coopèrent ensemble afin de lutter contre le phénomène migratoire, d’une manière qui protège les droits fondamentaux des migrants en général et des réfugiés en particulier.
Dans un communiqué publié le vendredi, le Haut-commissariat a appelé l’Union européenne et ses États membres à revoir leurs efforts visant à limiter la capacité des migrants d’atteindre les côtes de l’Europe, compte tenu des pertes humaines causées par ces politiques.
Il a en effet indiqué que les pays de l’Union européenne ne devraient pas négliger le côté humain de la crise des réfugiés et des migrants vers l’Europe fuyant leur pays privés des conditions de vie décente et caractérisés par la pauvreté, le chômage, l’instabilité et la violence. Le comité a par ailleurs exprimé sa préoccupation par rapport au sort des migrants et réfugiés africains revenant de l’Europe en Libye. Ils sont exposés aux violations, à la torture physique et psychologique, au mauvais traitement et à la violence, ainsi qu’ils sont exploités dans des activités personnelles et être objet de traite par des bandes criminelles et des réseaux de traite des êtres humains.
La Libye, le principal portail
Il convient de souligner que la Libye est considérée comme le principal portail des migrants désirant se rende à l’Europe par la voie maritime. Selon les chiffres publiés par l’Organisation internationale pour les migrations, des centaines de milliers de migrants irréguliers sont arrivés en Europe par la voie maritime depuis la révolution de février 2011, tandis que des dizaines de milliers sont décédés.
La plupart de ces migrants traversent la Méditerranée en utilisant un matériel usé et des embarcations inadaptées à de tels voyages. Les migrants s’entassent dans des bateaux et des navires en mauvais état et à usage unique dont leur tonnage dépasse sa capacité, ce qui cause leur naufrage et la noyade des personnes dessus.
Le départ commence des régions d’exportation des migrants irréguliers à la Corne de l’Afrique (Éthiopie, Érythrée, Somalie et Soudan), la région du Sahel (Niger, Mali, Burkina Faso, Nigéria et Cameroun), le Moyen-Orient (Syrie, Palestine, Égypte, Irak et Yémen) et le Maghreb arabe (Maroc, Algérie et Tunisie).
Les migrants sont regroupés dans des villes particulières. En effet, dans la région de la Corne de l’Afrique, le rassemblement se fait dans les villes de Kassala et du Sud-Kordofan au Soudan, tandis que dans la région du Sahel, les immigrants du Niger, du Mali et du Burkina Faso se rassemblent dans la ville d’Agadez au nord du Niger.
Au cours du voyage, de nombreux migrants décèdent, tandis que les survivants arrivent sur l’île de Lampedusa ou Sicile ou Sardaigne dans le sud de l’Italie dans un voyage qui dure de un à quatre jours.
Quant à la région du Moyen-Orient, les migrant arrivent souvent individuellement via les points d’entrée légitimes sauf les Syriens interdits d’entrer en Libye. Pour la région du Maghreb, les Tunisiens entrent naturellement sans avoir besoin d’obtenir une autorisation d’entrée par les postes frontaliers de Ras Jedir et Dehiba, tandis que les Algériens et les Marocains s’infiltrent à travers les routes de contrebande ouest et sud.
Le travail en Libye pour épargner les frais du voyage
La majorité des migrants irréguliers se rassemblent dans les villes du sud de la Libye à l’instar de Gatrone, Umm Al-Aranib, Sebha, Mourzouq et Ubari où ils sont obligés de travailler pendant plusieurs mois et parfois des années pour obtenir l’argent nécessaire pour continuer leur voyage vers Europe.
Les migrants irréguliers attendent avec impatience le deuxième voyage, c’est-à-dire leur transfert des villes frontalières du sud et du sud-ouest de la Libye vers les villes côtières du nord. L’opération se fait d’une façon individuelle ou collectivement. Les milices armées se chargent par ailleurs de les accompagner vers les villes côtières du nord contre une somme d’argent.
Les passeurs et les trafiquants d’êtres humains transportent les migrants par camions délabrés vers les villes côtières via pistes non pavées. Ces passeurs font partie souvent des milices armées ou sont sous la protection de certaines milices contre le paiement des redevances.
Quant à la troisième étape, les migrants se rassemblent dans des lieux de rassemblement sur les côtes libyennes dans des fermes et des maisons de repos dans les villes de Khoms, Castelverde, Tripoli, Sabratha, Zouara, Benghazi et Syrte jusqu’à ce que le nombre soit complet pour entamer le voyage des bateaux de la mort.
Quand le moment est venu, le migrant paie les frais du voyage aux passeurs et monte dans la voiture qui le conduit à la côté, généralement non loin des centres de rassemblement. Quelques minutes avant d’atteindre la plage, ils doivent descendre de la voiture et continuer le voyage à pied pour trouver des canots pneumatiques qui les attendent pour les emmener au bateau qui se chargera de les débarquer à l’autre rive de la Méditerranée.
Cette étape est effectuée par les milices armées qui en récoltent des fortunes. Ces milices font appel à des passeurs propriétaires de bateaux de la Libye, de la Tunisie, de Malte, de Sicile et d’Égypte. Puis le voyage commence et la foule se dirige vers la Méditerranée. Pendant le voyage, de nombreux migrants meurent, tandis que les survivants arrivent sur l’île de Lampedusa, en Sicile ou en Sardaigne dans le sud de l’Italie pour un voyage d’un à quatre jours, où ils sont souvent pris en charge par les garde-côtes italiens pour les mettre dans les camps de réfugiés clandestins. Ils restent dans les camps jusqu’à ce que les autorités décident de leur sort. Certains d’entre eux sont autorisés à passer et à se rendre dans le pays de leur choix, ils sont généralement peu nombreux, tandis que beaucoup d’entre eux retournent en Libye, mais la majorité fuit les centres et se dirige vers la France, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne.
Ces dernières années, en raison du blocage de toutes les voies maritimes et terrestres et l’escalade des affrontements entre les forces du gouvernement d’union nationale et le maréchal Khalifa Haftar, des milliers de migrants irréguliers africains se sont retrouvés bloqués en Libye à la merci des passeurs et des trafiquants d’êtres humains.
Les migrants et les demandeurs d’asile détenus dans les centres de détention officiels et non officiels sont soumis à des conditions de détention misérables et sont confrontés à de graves violations, dont la torture et le viol, ainsi que la surpopulation, selon plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme opérant dans ce domaine.