L’Unité d’études sociales de l’Observatoire
Débattre autour de ces phénomènes et s’approfondir dans l’analyse et l’explication de leurs causes, bien qu’ils soient importants et nécessaires, et malgré ce qui a été écrit autour de ce sujet, cela reste insuffisant à lui seul afin de comprendre la nature de ce qui se passe, parce qu’il faut piocher dans les racines fondatrices de tout ce qui se passe aujourd’hui. Car à un moment de l’Histoire dont on n’a pas bien interprété, un ensemble de circonstances et de conditions se sont créées en contribuant à l’émergence du phénomène fondamentaliste djihadiste, «Trumpiste », ou « Poutiniste » ainsi que d’autres.
A titre d’exemple et pour que les choses soient claires ; Comment le « poutinisme », le « trumpisme » et l’« erdoganisme » se nourrissent-ils l’un de l’autre, d’une part ? De la religion, d’autre part ? Et comment ensemble se nourrissent-ils de la montée de la droite et des fondamentalismes sous toutes leurs formes ? Et comment chacun est-il influencé par les changements qui se déroulent actuellement dans le monde ? À commencer par la pandémie de Coronavirus et cela ne s’arrête pas avec le retour du conflit international sur les sources d’énergie, comme on le constate à l’est de la Méditerranée, pour n’en citer que cet exemple.
On parle beaucoup aujourd’hui et à l’échelle mondiale du phénomène du retour de la religion et de la ressuscitation des identités transnationales. Et c’est une chose qu’on la voit clairement dans l’éclat des phénomènes et des symboles religieux dans la politique et la vie publique. Bien qu’il soit inacceptable dans les années cinquante et soixante du siècle dernier de parler au niveau de l’État et dans la vie publique des origines religieuses et sectaires ou ayant une connotation religieuse ou sectaire par le sommet de la pyramide de la politique, nous retrouvons aujourd’hui que notre monde regorge et encore d’une façon dense d’expressions et de déclarations religieuses.
Il y a des efforts importants pour exploiter le religieux dans le politique, puisque les religieux sont accueillis au plus haut niveau des cercles politiques et ils mettent leurs fonctions et leurs connaissances religieuses au service de telle ou telle autorité, à l’instar de la question de l’Église orthodoxe avec Poutine, l’islam sunnite officiel avec Erdogan, le christianisme avec Donald Trump, l’hindouisme en Inde, et d’autres.
Quelle est la raison du retour des identités religieuses et sectaires en conflit ?
Premièrement : les pays qui étaient gouvernés par un totalitarisme politique autoritaire :
Ce qui s’est passé dans ces pays comme l’Union soviétique, la Turquie ou la Yougoslavie n’était pas l’absence de la religion ou de la petite identité nationaliste, mais plutôt une dissimulation populaire forcée de celles-ci, et de faire de leurs institutions qui étaient contre l’autorité un outil entre les mains de l’autorité. Ce qui avait aidé dans ce changement était la façon avec laquelle les choses étaient imposées, sans prendre en considération le facteur temps, les cultures et les identités des minorités. Ils voulaient imposer du jour au lendemain une nouvelle identité, un nouveau nationalisme ou une nouvelle religion, sans réaliser à quel point l’ancien était enracinée dans la conscience dominante et que cet ancien avait besoin d’un climat démocratique pour se développer, s’étendre et de passer d’un pilier à un autre plus élevé et plus raffiné. Parce que conserver la religiosité, consciemment ou inconsciemment, a pris le caractère d’une forme de résistance à l’autorité tyrannique.
Deuxièmement : Le retour à la religiosité !
On parle aussi beaucoup aujourd’hui d’un retour à la religiosité dans les esprits et dans la vie publique et politique au sein même des pays démocratiques, ce qui constitue en soi un phénomène nouveau, parce que l’explication avancée ci-dessus concernant la nature de la tyrannie et son impact sur la religion ne s’applique pas là, quelle en est donc l’explication ? Dans le monde démocratique occidental, il est partiellement correct de parler d’un retour de la religion, et on dit bien partiellement et pas totalement, car la religion n’était pas absente.
Cela a ses causes, dont la faiblesse de la modernité :
C’est ce qu’on pourrait appeler la mise à nu ou l’effondrement du voile de la modernité, ou son déclin ! C’est similaire à l’effondrement de la tyrannie qui a révélé ce qui était en dessous. Autrement dit qu’il y a de larges segments du public dans le monde démocratique qui n’ont jamais abandonné la religiosité, et la religion était présente dans leur vie quotidienne malgré la laïcité de l’Etat.
L’autorité, même pour les laïcités extrémistes, n’a pas supprimé la religion de la vie publique, et n’est pas entrée dans une guerre globale contre la religion, comme en Union soviétique et dans les pays d’Europe de l’Est par exemple, mais elle n’a fait qu’exclure la religion de la vie politique et la vie publique directe qui est liée à la vie des autres, pour que la religion devienne une affaire purement individuelle.
Le discours de la modernité a annoncé son triomphe sur la religion, et ils ont généralisé le discours de son triomphe au point de devenir une vérité incontestée ! Tandis que la réalité était une autre chose. En effet, quand la modernité s’est épuisée et est arrivé à son déclin, ou qu’on dise qu’elle a commencé à se renouveler, selon l’expression de certains qui refusent d’annoncer la fin de la modernité, l’attention s’est portée sur cet aspect, et cette voix commençait à être cernée, pour qu’elle revienne et trouve dans ce qui est sous le discours de la modernité elle-même une expression et une voix pour elle dans l’espace public.
Il y a un véritable retour à la religiosité ! Etant donné la perte de la confiance des gens dans la modernité elle-même et son processus, puisque le train de la modernité est arrivé au terminus, et ses limites et son incapacité à assurer le salut mondain promis ont été révélées. Par conséquent, les sociétés ont commencé à la fois à chercher des alternatives de l’intérieur et de l’extérieur de la modernité. Des alternatives représentées par la reconsidération du spirituel dans notre monde. L’humanité a besoin de spiritualité aujourd’hui en raison de la sécheresse du matérialisme qui domine la façon avec laquelle vivent les gens. Ce sont des alternatives que l’État moderniste lui-même a commencé à adopter aujourd’hui après qu’il est devenu clair pour lui que le besoin spirituel des êtres humains n’est pas moins important que les besoins matériels. Par exemple, les soldats allemands, juifs et chrétiens ont droit au soutien spirituel au sein de l’armée, mais les musulmans en Allemagne luttent pour accorder le même droit aux soldats musulmans aujourd’hui.
Le déclin du fondamentalisme islamiste, et la montée d’autres fondamentalismes !
Du ventre d’Al-Qaïda sont nés de nombreux courants religieux radicaux (Taliban, Boko Haram, Jabhat Al-Nosra, Daech, etc.), qui, ensemble, constituaient le phénomène fondamentaliste, auquel on peut rajouter généralement les mouvements fondamentalistes djihadistes chiites comme le Hezbollah, le Parti Dawa, Hachd al-Chaabi et les Houthis, qui sont attachés politiquement à Téhéran et religieusement à la ville de Qom.
Ce phénomène est né lors de la guerre d’Afghanistan. Et les Américains avaient joué un rôle dans son émergence, tandis que le rôle des pays du Golfe réside dans son financement et le rôle du régime arabe officiel autoritaire dans la reproduction de ce phénomène à travers la résistance face à la modernité politique et du fait d’ignorer la tendance de l’illumination religieuse. Pour qu’on se retrouver face à une intersection d’intérêts entre l’ordre mondial représenté par le Centre international américain et l’argent du pétrole arabe et la tyrannie. Il s’agit de trois facteurs dont la défaillance de l’un d’entre eux suffit pour que le phénomène régresse, et il suffit de les réunir pour se redynamiser.
Mais quand les intérêts américains, syriens et iraniens se sont affrontés après l’occupation de l’Irak, où Washington voulait empêcher Al-Qaïda tandis que les deux régimes syrien et iranien voulaient la soutenir pour assurer la défaite américaine en Irak ou empêcher sa victoire totale, et quand les parties se sont mises d’accord et Damas a cessé de les laisser passer et les a déposés dans ses prisons, le phénomène en Irak a reculé, pour revenir et renaître en Syrie après le déclenchement de la révolution, où l’argent du Golfe, le désir américain/occidental, et l’intérêt des régimes syrien et iranien ont convergé pour diaboliser la révolution syrienne en laissant l’extrémisme se nourrir. Et lis lui cédaient le passage, et chacun avait ses propres objectifs, même si leurs objectifs sont en conflit les uns contre les autres. Et quand chaque partie a obtenu ce qu’il voulait, ils travaillent aujourd’hui pour ramener le phénomène à sa taille normale pour être utilisé plus tard sur d’autres scènes, comme ce fut le cas en Afghanistan et le fait de céder le pays aux Talibans.
On peut noter cependant que si nous assistons au déclin du fondamentalisme islamiste, à la fois sunnite et chiite, nous remarquons la montée d’autres fondamentalismes dans le monde. Au Myanmar, en Chine et en Inde, les musulmans sont victimes de grandes persécutions par des fondamentalismes bouddhistes, nationalistes et hindous, ainsi que nous assistons à une ascension terrifiante du fondamentalisme juif en Palestine, à travers la loi nationale juive, outre le fondamentalisme chrétien aux Etats-Unis soutenu par les néoconservateurs, sans oublier par ailleurs la montée de la droite européenne, qui est au fond l’incarnation du fondamentalisme chrétien extrémiste, qui s’est récemment exprimé en portant les drapeaux du « Reich » allemand (le drapeau de l’Empire allemand) lors d’une manifestation contre les mesures relatives au Coronavirus que la droite allemande voulait exploiter pour tenter d’attaquer le symbole de la démocratie allemande, soit le Bundestag (Parlement) allemand.
Et si l’on sait que les nazis ont brûlé le Parlement après leur arrivée au pouvoir, on se rend compte de la signification et le symbolisme de ce pas : Assisterons-nous aujourd’hui à la montée d’autres fondamentalismes dans le monde contre le recul du fondamentalisme islamiste qui est déjà en déclin ou quoi?