Les complications de la scène libyenne sont en train de s’aggraver et elles prennent, parait-il, une nouvelle tournure, parmi ses signes le rapprochement brusque entre l’Égypte et le gouvernement d’entente nationale, puis la visite du ministre des Affaires étrangères du gouvernement libyen d’entente nationale à la capitale russe, Moscou. Une donne qui a suscité des interrogations autour de l’orientation du gouvernement pour résoudre la crise libyenne.
Néanmoins, les analystes estiment que le gouvernement d’entente nationale œuvre pour une coopération «turco-russo-égyptienne» afin de mettre en place une feuille de route permettant d’éviter l’explosion de la situation dans le pays, notamment après les menaces réciproques entre la partie turque et les forces du général en retraite, «Khalifa Haftar». Certains d’autres pensent que le gouvernement soutenu par la Turquie a commencé à s’ouvrir à d’autres alternatifs à Ankara qui fait face à une confrontation américano-européenne dans le pays.
Une délégation sécuritaire égyptienne a mené des discussions dimanche dernier dans la capitale libyenne, Tripoli, et elle s’est réunie avec les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères du gouvernement d’entente nationale, pour la première fois depuis 2016.
Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement d’entente nationale, Mohamed Taha Siala, s’est rendu à Moscou à l’invitation de son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour discuter de l’évolution de la situation politique et militaire sur la scène libyenne.
Obtenir le soutien russe
La visite du ministre des Affaires étrangères du gouvernement d’entente nationale, «Mohamed Taha Siala» à Moscou, a coïncidé avec la discussion autour de la possibilité de résoudre la crise des deux citoyens russes détenus par les services de sécurité du gouvernement d’entente, libérés il y a environ 3 semaines. Dans ce contexte, le journaliste libyen Omar Anouar estime que la visite de Siala à Moscou s’inscrit dans le cadre d’une initiative du gouvernement libyen d’entente nationale pour chercher des positions de soutien de Moscou qui pourraient aider à éviter l’explosion de la situation dans le pays, et pour trouver une solution politique et organiser des élections en fin de cette année avec le soutien russe, en soulignant que le gouvernement d’entente nationale s’est rendu compte que la solution politique ne passera pas par la Turquie qui provoque intentionnellement les tensions.
Anouar a dit que cette visite est intervenue à un moment délicat, car les données sur le terrain indiquent que la crise est sur le point d’exploser avec la rupture de l’armistice et le retour de la guerre dans les environs de Syrte Al-Djoufrah, surtout avec la hausse de la tension et l’escalade des discours et militaire turcs appelant au retrait des forces armées des zones pétrolières.
En outre, «Anouar» a confirmé à l’Observatoire «MENA» que les mouvements turcs récents démontrent la réticence d’«Erdogan» à une solution politique, puisqu’il continue à intensifier la présence militaire turque en Libye. Ceci révèle la volonté d’Ankara de suivre une politique d’affrontement si les forces sous les ordres du général Haftar bougent.
Il est à noter que le ministre de la Défense «Hulusi Akar» avait conduit une délégation militaire en Libye il y a quelques jours, suite aux menaces du général en retraite «Khalifa Haftar» aux forces turques en Libye et l’appel à ses combattants à « renvoyer » les forces d’Ankara du pays.
Le parlement turc a approuvé au milieu du mois dernier une proposition de prolonger le déploiement des soldats turcs en Libye pour une période de 18 mois.
De plus, le gouvernement d’entente nationale et les forces de Haftar ont conclu un accord de cessez-le-feu en novembre pour mettre officiellement fin aux combats et préparer les élections en fin de cette année.
Cependant, «Haftar» a déclaré il y a quelques jours dans un discours à Benghazi que la confrontation avec le «colonisateur turc» et ses soldats se profile à l’horizon, et qu’il n’y aura pas de paix sous l’emprise du colonisateur et en sa présence sur les territoires libyens.
Coordination russo-égyptienne
Selon l’analyste politique Khalil Fahd, la visite de la délégation de sécurité égyptienne en Libye était programmée d’avance. Il a confirmé à l’Observatoire «MENA» que l’invitation du ministre russe des Affaires étrangères à se rendre à Moscou était connue avant même la visite de la délégation égyptienne à Tripoli.
« Fahd » a indiqué que la visite de la délégation égyptienne est intervenue à un moment où les Turcs étaient présents à Tripoli, en considérant que la visite a trois indications : La première affirme l’engagement par rapport à la ligne rouge évoquée par le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. La seconde est l’ouverture du Caire à toutes les parties en Libye. Quant à la troisième, elle signifie qu’il existe une coordination russo-égyptienne pour épargner à la région une guerre, dont les effets ne se limiteront pas aux territoires libyens.
Le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi a déjà évoqué que les interventions étrangères en Libye avaient contribué à préparer des refuges pour la violence et le terrorisme, en insistant lors de sa visite dans la région militaire ouest du gouvernorat de Marsa Matruh, dans l’ouest du pays, que toute intervention directe de l’État égyptien est devenue légitime aux yeux de la communauté internationale, tout en considérant que tout dépassement par les forces du gouvernement d’entente, ou des milices selon ses termes, des régions de Syrte et de Djoufrah constitue une ligne rouge pour l’Égypte.
La nouvelle position du Caire est basée sur le célèbre dicton: «Il n’y a pas d’amis permanents, mais des intérêts permanents». L’analyste égyptien Amjad Mustafa dit que : «le rapprochement de l’Égypte avec le gouvernement d’entente nationale ne veut pas dire que le Caire abandonnera son allié stratégique, le général Haftar, car il est actuellement la carte la plus importante entre ses mains, mais il s’ouvrira probablement à d’autres parties, que ce soit dans la région est ou à Tripoli et Misrata.
Mustafa a noté que le retrait des forces de Haftar et la visite du ministre turc de la Défense, Hulusi Akar sont considérés par certains Egyptiens comme étant un acte provocateur qui a poussé les Egyptiens à chercher d’autres partenaires, de point de vue pragmatique politique pour ne pas perdre le contrôle du jeu.