L’impression s’amplifie de plus en plus en Allemagne que les politiciens ne peuvent pas ou ne veulent pas apporter une réponse claire et sans ambiguïté concernant les tendances islamistes dans la société. Les débats récents, soit à caractère personnel ou objectif, mettent en exergue les différentes approches de la politique d’Europe occidentale à l’égard des évolutions islamistes, qui partagent un seul point commun : le regard prudent, même s’il ne néglige réellement que l’islam légiféré ou politique a un effet destructeur sur les sociétés européennes de la même façon.
Dans le débat politique et social sur les tendances extrémistes en Allemagne, il y a trois aspects principaux déterminants : le financement par des parties étrangères, l’influence politique et son approche normative.
Le financement de l’extrémisme
Les extrémistes possédant de l’argent sont plus dangereux que ceux qui n’en ont pas. Ce n’est pas seulement le cas des djihadistes et des salafistes, mais aussi de l’islam dit politique ou légaliste. Bien que les fonds provenant de pays comme le Qatar, l’Arabie saoudite et l’Iran aient diminué au passé, les transactions financières provenant de sources douteuses en Europe et dans des parties étrangères continuent de préoccuper les appareils de sécurité, sans pouvoir y faire grand-chose.
L’un des exemples est la fondation Europe Trust, appartenant aux Frères musulmans, comme l’a mentionné le Centre de recherche MENA dans un précédent rapport. Grâce à l’investissement de cette fondation basée au Royaume-Uni, un centre de l’islam a été créé à Berlin, qui est vu avec suspicion. Plusieurs associations et groupes islamiques se sont installés sur près de 6.000 mètres carrés et elles sont surveillés par l’Office allemand de protection de la Constitution, car ils adopteraient l’idéologie de l’islam politique.
Le soutiens officiel, notamment de la Turquie, est soupçonné destiné à promouvoir une idéologie qui se nourrit de la religion, de nationalisme et du racisme et remet en cause les valeurs fondamentales de l’Europe. Non seulement à Berlin, mais aussi dans d’autres États fédéraux allemands, où les autorités de sécurité surveillent les communautés suspectes d’avoir des liens avec l’islam politique. Les récents rapports annuels des Offices de protection de la Constitution pourraient le prouver.
Cependant, la situation juridique actuelle en Allemagne permet à peine d’examiner de près un tel financement en faveur des groupes extrémistes, comme l’a montré le communiqué du chef de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution et une initiative parlementaire au Bundestag : « Les organes de sécurité en L’Allemagne ne sont pas du tout autorisées à mener des enquêtes financières contre des associations de groupes islamistes, si elles ne représentent pas une menace terroriste. Toutefois, les politiciens et les services de sécurité demandent maintenant au législateur de combler ce vide. Et cette question dépend dans une large mesure des factions gouvernementales et des ministères responsables de la Justice et de l’Intérieur.
Les tactiques politiques : ne rien voir, ne rien entendre
Le danger d’extrémisme en Allemagne a toujours suivui une seule direction depuis 1949. Bien que dans les années 1950, la peur du communisme dans un pays divisé soit le moment décisif, à la fin des années 1960 jusqu’à la réunification de l’Allemagne, la peur de l’extrémisme de gauche a fortement augmenté. La menace de l’extrémisme de droite a été ignorée d’une façon ou d’une autre. Le débat sur l’interdiction du Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD) était plus qu’une exception. Suite aux émeutes similaire à une boucherie dans un foyer pour demandeurs d’asile à Rostock en 1992 par une foule de droite et les assassinats à Solingen en 1993, au cours desquels cinq citoyens turcs ont été assassinés, il était devenu clair que l’extrémisme de droite en Allemagne gagnait en puissance, tandis que la gauche extrémiste restait officiellement le principal adversaire. En particulier, les crimes de massacre des nationalistes-socialistes souterrains (NSU) et de l’assassinat du politicien allemand, Walter Lübcke, ont conduit à comprendre que l’extrémisme de droite est devenu le principal danger pour l’Etat constitutionnel allemand.
Et quid pour le danger de l’islamisme ? Avec le 11 septembre et l’émergence des djihadistes/salafistes actifs au niveau international, l’accent a été mis sur l’extrémisme islamique, ayant mis les systèmes constitutionnels en Europe à l’épreuve par la violence et le sang. Mais le danger de l’Islam politique a continué d’être ignoré par plus ou moins tous les partis en Allemagne. Et la nouvelle coalition à Berlin semble poursuivre sur la même voie.
L’exemple le plus récent est la « loi sur le renforcement de la démocratie » planifié par le gouvernement fédéral. Même si l’information avait circulé auprès des cercles gouvernementaux que l’islam politique et son idéologie anticonstitutionnelle constituent un danger pour la société diversifiée en Allemagne, précisément ce challenge a été négligé. Le document du gouvernement fédéral pour le projet de loi prévu consiste que : « L’extrémisme de droite, le racisme et l’antisémitisme sont une attaque contre notre coexistence sociale autant que l’anti-sectarisme, l’islamophobie, l’antiféminisme, l’homophobie et d’autres idéologies d’inégalité et de discrimination ». On constate que l’intégrisme islamique n’a pas été mentionné ici.
Interrogé, un membre du gouvernement a indiqué qu’il n’était pas prévu d’évoquer explicitement toutes les formes d’extrémisme dans la loi. Ce sera plus tard « l’objet des lignes directrices du programme ». Pour cela, le pouvoir exécutif pourrait donc se concentrer unilatéralement sur l’extrémisme de droite sans y impliquer le Bundestag.
« Dans une disposition juridique, l’interdiction de l’extrémisme islamiste doit être clairement désignée comme une mission », selon un communiqué du Groupe de travail fédéral sur l’extrémisme religieux, où les organisations de la société civile ont conjugué leurs efforts pour empêcher l’islamisme d’uni leurs forces. L’ONG considère gênant d’y laisser l’islam politique.
Le gouvernement allemand n’a apparemment aucun problème à coopérer avec des associations telles que le Conseil central des musulmans d’Allemagne (ZMD), même si des membres importants de ZMD appartenaient à l’extrémisme de droite turc, aux Frères musulmans islamistes ou au régime iranien, étant donné que leurs représentants ont rendu visite au gouvernement fédéral à trois reprises seulement en mai de cette année. Le président de ZMD, Aiman Mazyek, a rencontré le commissaire du gouvernement fédéral à la liberté de la religion et de la conviction, Frank Schwabe (SPD), le 16 mai au ministère fédéral du Développement.
Onze jours plus tard, Mazyek était même invité à la Chancellerie fédérale – avec la ministre d’État à l’Intégration, Reem Alabali-Radovan (SPD). « Les échanges fertiles doivent être poursuivis, ainsi que la coopération constructive », a écrit le Conseil central – et cela s’est presque produit avec un autre ministre d’État.
Les déclarations des principaux hommes politiques montrent clairement qu’ils ne veulent pas voir les dangers de l’islam politique ou qu’ils poursuivent la tactique qui – après une légère modification – a également conduit à de dangereuses erreurs de jugement à l’égard de la Russie de Poutine : Là, « le changement à travers le commerce » devient « le changement par une faible étreinte ». Avec la bénédiction de la politique allemande, les prédicateurs de la haine, de la ségrégation, de l’exclusion, de l’intolérance et du nationalisme peuvent continuer à faire leur travail sans entraves, tandis qu’en même temps les voix musulmanes critiques sont réduites au silence précisément par ce soutien.
Une décision personnelle suspecte
Ces détracteurs, qui défendent l’État de droit, la séparation entre l’État et de la religion, qui appellent à un islam qui doit continuer à se développer, sont de nouveau négligés par une décision personnelle du gouvernement fédéral : la nomination de Ferda Ataman en tant que nouvelle commissaire de lutte contre la discrimination.
Ataman a fait beaucoup de bruits en 2020 lorsqu’elle a défendu le terme « pomme de terre» pour qualifier les Allemands sans origine migratoire. Auparavant, elle avait supposé que le ministère de l’Intérieur, alors dirigé par Horst Seehofer (CSU), était « avant tout symbolique pour les électeurs potentiels de droite ». Seehofer en a tiré les conséquences et s’est ensuite tenu à l’écart d’une réunion d’intégration avec Ataman. La suppression de plus de 10.000 entrées sur Twitter après la nomination d’Ataman a également provoqué des réactions très violentes.
Ali Ertan Toprak, président de la communauté kurde en Allemagne, a qualifié Ataman de «diviseuse» dans un communiqué. Il « est interdit de toujours et partout » être contre l’antisémitisme, le racisme et l’extrémisme de droite, par exemple B., on parle d’elle dans la communauté musulmane. « Tous les migrants qui s’écartent des idées idéologiques d’Ataman et ne veulent pas dénigrer exclusivement la société majoritaire » seraient « déclarés ennemis », a dit Toprak.
Même si la comparaison de la « pomme de terre » peut être lue comme une métaphore ironique, les positions d’Ataman montrent un positionnement risqué des évolutions sociales: les problèmes religieux internes arriérés ne sont plus suspects et les tendances de la ségrégation dans une société de plus en plus diversifiée ne sont plus remises en question, mais ceux dont « nous sommes contre eux » deviennent l’élément principal de cette nouvelle politique identitaire. Cela empêche l’émergence d’une identité inclusive bâtie sur un terrain commun.
Des associations et des représentations de l’Islam politique l’ont également reconnu. L’idéologie propagée par la « gauche identitaire » est adoptée par eux, et on se solidarise avec ces groupes. Ainsi, ils se sont trouvés un nouveau compagnon d’armes, dans des cercles en réalité incohérentes avec les objectifs de l’islam. Mais ils peuvent être utiles dans la lutte pour l’hégémonie de leurs concepts politiques et sociaux.
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