Avec l’amplification du dossier des crises financières et sociale en Turquie, le lot de problèmes et de phénomènes sociaux négatifs dans la société se multiplie. Et ceux-ci sont, selon les chercheurs, liés à ces crises. Cela coïncide avec les révélations de l’Office des statistiques de l’Union européenne concernant la hausse des taux de divorce en Turquie au cours des deux dernières années contre la baisse des taux de mariage.
Dans ces dernières statistiques, le bureau a montré qu’au cours de l’année 2019, la Turquie a enregistré un taux de divorce de 1,9 pour mille personnes mariées, tandis que les statistiques de mariage ont considérablement chuté au cours de la même période, selon la confirmation du bureau.
Il est à noter que la Turquie est classée cinquième parmi les pays du continent européen qui enregistrent plus de cas de mariage par an, ce qui fait que le mariage est considéré comme un phénomène social essentiel et répandu dans la société turque.
Pointer la pauvreté
Etant donné les coûts élevés du mariage en Turquie, la chercheuse en affaires sociales, Fatma Karaoglu, a établi un lien entre la baisse du taux de mariage et les taux de divorce élevés, et entre les crises sociales et la détérioration de la situation économique, en soulignant que «de nombreux jeunes turcs souffrent du chômage, de faibles revenus et de l’absence d’opportunités. Cette donne pousse les jeunes à rechigner de se marier ou, dans le meilleur des cas, à retarder l’âge du mariage.
Karaoglu a ajouté que la plupart des phénomènes sociaux qui émergent dans un pays peuvent être considérés comme un miroir de la situation économique dans ce pays, non seulement en ce qui concerne le mariage et le divorce, mais aussi au niveau des taux de criminalité élevés, par exemple, l’immigration ou même la violence domestique. Elle a expliqué : «La détérioration de la situation économique en Turquie ne se cache à personne, car la pauvreté est devenue un véritable phénomène dans la société qui a atteint même les plus grandes villes turques, et ne se limite plus aux zones reculées ».
La Confédération des syndicats turcs a révélé, en fin de l’année dernière, que le seuil de la pauvreté dans le pays a atteint 8198 livres turques, pour une famille composée de 4 personnes, alors que le salaire minimum était de 2324 livres turques net.
Dans le même contexte, le chercheur «Karaoglu» s’interroge : «Comment le jeune turc peut-il décider de se marier alors qu’il vit encore sous le seuil de la pauvreté? Je pense qu’une telle démarche signifierait le suicide dans ces circonstances», en notant en même temps que la mauvaise situation économique est également derrière les cas de divorce enregistrés, car elle a créé de nombreux problèmes familiaux entre le mari et son épouse en raison de l’incapacité du premier à subvenir aux besoins essentiels du foyer.
Un sondage publié par le MetropollKK Center a révélé qu’un Turc sur quatre est incapable de subvenir à ses besoins, tandis que la moitié de la population lutte toujours pour survivre.
D’autres phénomènes causés par le gouvernement
Outre la mauvaise situation économique, le chercheur en affaires turques, Sardar Omar, évoque l’existence d’autres facteurs qui ont produit des phénomènes sociaux négatifs en Turquie, le premier étant la violence à l’égard des femmes, qui a enregsitré une augmentation significative au cours des dernières années en raison de plusieurs facteurs, selon ses propos, en expliquant que ce phénomène repose sur deux piliers principaux dans la société turque.
Il est à noter que l’Organisation mondiale de la santé a affirmé que 38% des femmes en Turquie sont exposées à la violence de leurs partenaires, contre environ 25% dans le reste de l’Europe.
Omar a ajouté : «Ce fléau, avec tous ses inconvénients, se propage à travers deux facteurs. Le premier est la pauvreté, qui facilite la propagation de l’ignorance et l’augmentation du niveau de nervosité au sein du foyer entre le mari et la femme, par exemple, et le deuxième facteur est directement lié au gouvernement à travers ses mesures et décisions liées aux affaires de la femme et le fait de ne pas lui garantir une protection complète», en considérant que les décisions gouvernementales ont joué un rôle majeur, avec les crises économiques, dans la création de cet environnement social négatif en Turquie.
Il y a quelques semaines, le gouvernement turc a annoncé son retrait de la Convention sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ou ce que l’on appelle la « Convention d’Istanbul », qui a été signée par 45 pays et comprend une législation contre la violence, le viol conjugal et la circoncision des femmes.
En ce qui concerne les questions du mariage et du divorce, Omar estime qu’elles seront encore affectées de la détérioration continue des conditions économiques dans le pays, en soulignant que la majorité des jeunes turcs accorde la priorité à l’immigration vers les pays européens en particulier, ce qui empêche les projets de mariage pour eux.
Dans le même contexte, l’activiste turque, Yasmine Yilmaz, considère que la jeunesse turque traverse l’une des pires périodes de sa vie depuis un siècle, en raison du chômage, de la pauvreté et du manque d’espoir d’une amélioration immédiate, en ajoutant que le phénomène du suicide reflète également la situation tragique dans laquelle ils se trouvent actuellement.
Et l’Institut turc de la statistique a annoncé qu’«en 2019, le pourcentage des citoyens actifs exposés au risque de pauvreté a atteint environ 13,2%, après avoir enregistré 12,8% en 2017, et au cours de la même année, le nombre d’individus menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale a atteint environ 39,8% ».
La Banque mondiale, dans un récent rapport sur la performance de l’économie, avait déjà mis en garde contre la fuite des capitaux du marché turc et l’effondrement rapide des réserves de change, et le rôle de tout cela dans l’augmentation de la pression du financement extérieur sur l’économie turque, en estimant que des millions de Turcs figureront bientôt sur la liste de l’extrême pauvreté.