Par Michael Laubsch, membre du Centre de Recherche MENA
Le gouvernement autrichien – au milieu de la crise de coronavirus et les dures attaques publiques concernant l’attentat terroriste dans le centre de Vienne en novembre 2020 – a tenté à maintes reprises de fermer des mosquées mais il a échoué. L’absence de méthodes légales n’est probablement pas la seule raison de cette contradiction politique.
Peu de temps après l’attentat terroriste de Vienne, le ministre autrichien de l’Intégration et le ministre de l’Intérieur, les deux membres du Parti du peuple conservateur, ont affirmé lors d’une conférence de presse qu’ils vont fermer deux mosquées, dans lesquelles, selon les informations des autorités de sécurité de Vienne, l’agresseur s’était radicalisé.
Ce n’est pas la première fois en Autriche qu’on annonce publiquement la fermeture des mosquées : lorsque des photos d’enfants jouant la guerre à la mosquée Atib dans un quartier de Vienne, un centre de prédication contrôlé par l’autorité religieuse turque, ont été publiées il y a trois ans, le gouvernement autrichien a annoncé un coup contre le soi-disant « islam politique » : sept mosquées, dont une liée aux loups gris d’extrême droite, devraient être fermées.
Aujourd’hui, toutes les mosquées sauf une sont à nouveau ouvertes. Dans le cas des mosquées fermées après l’attaque, l’une a rapidement été rouverte après une plainte légale réussie, l’autre est toujours en suspens. Y a-t-il toujours juste une campagne de relations publiques derrière ces grandes annonces, adressées uniquement aux Autrichiens ayant une attitude fortement négative envers la communauté musulmane en Autriche ou pour camoufler un échec politique ?
Pour les mosquées ciblées par les autorités après l’attentat terroriste, la fermeture n’a pas réussi. L’association qui était derrière la mosquée d’Ottakring, a finalement été dissoute en mars après l’examen approprié. Cependant, une plainte a été déposée contre la décision, qui a maintenant été transmise à un tribunal régional. Non seulement le terroriste, mais aussi un salafiste viennois tué en Syrie, qui se rendaient fréquemment à la mosquée. Il parait que la focalisation sur certaines mosquées données se fait d’une façon arbitraire semble, à l’instar des dossiers d’investigations, d’autres maisons de prière apparaissent souvent, sans aucune conséquence.
La deuxième mosquée, située dans le quartier Meidling de Vienne, considérée comme étant la plus haute autorité musulmane en Autriche, l’IGGÖ ainsi que l’autorité responsable des associations ont de nouveau arrêté la décision de la fermeture : Presque toutes les tentatives de dissolution visaient des erreurs formelles. C’est la raison pour laquelle la mosquée proche des Loups Gris n’a dû fermer que durant une courte période avant de rouvrir sous un nouveau nom.
Le gouvernement autrichien espère que la révision des lois en vigueur permettra un meilleur traitement. D’une part, la loi nationale sur les associations doit être révisée. Il doit y avoir une « séparation des clubs en tant qu’organisations et de la communauté religieuse», selon le ministre de l’Intérieur. Il s’agit également de surveiller l’engagement de toute association des lois du pays par les autorités concernées par les affaires religieuses dès qu’elle annonce que son activité inclut les cultes. Le barreau autrichien considère le changement envisagé comme une « invitation à une interprétation qui viole les droits fondamentaux». Le fait est qu’il ne devrait pas être possible d’interdire automatiquement la constitution d’une association dès lors qu’un but religieux est affirmé. La Cour constitutionnelle autrichienne a déjà jugé cela légal.
La modification de la loi islamique pourrait aussi être une piste : à l’avenir, l’Office de la culture devrait pouvoir fermer plus facilement les mosquées – si cela est nécessaire pour protéger la sécurité publique, par exemple. Cela devrait désormais être possible « sans délai» et sans demande préalable pour remédier à une déficience suspectée. Une nouvelle disposition vise à permettre à l’autorité d’abolir immédiatement la personnalité juridique des communautés de mosquées et donc des plus petites unités organisationnelles de l’IGGÖ, qui ne sont constituées que conformément au droit religieux interne.
Le représentant légal de l’association de parrainage de la mosquée de Meidling estime qu’il est prévu d’intervenir dans les affaires religieuses internes. Il craint que les musulmans d’Autriche soient dans une situation pire par rapport aux autres religions, ce qui viole le principe de l’égalité.
La communauté confessionnelle autrichienne islamique demande d’empêcher les dissolutions. La communauté religieuse croit que les idées problématiques relèvent souvent de la responsabilité d’individus comme l’imam. Pour eux, il serait plus sage de le remplacer que de fermer la mosquée. Dans le cas de Meidling, qui a été fermé après l’attentat de Vienne, c’est exactement ce qui a été fait après la réouverture. Cependant, ce n’est que lorsque l’imam a enseigné des sermons antisémites. Il aurait des liens avec des groupes islamistes depuis de nombreuses années, comme le rapportait déjà un magazine hebdomadaire viennois en 2014.
Ce qui est certain, c’est que la fermeture rapide des mosquées pourrait à l’avenir être moins compliquée par la loi – et que la fermeture non autorisée ne sera plus illégale en soi dans de nombreux cas. Que cela résolve vraiment le problème est une autre affaire. Parce que rapide ne veut pas dire nécessairement durable.
En revenant de nouveau à la question de la mosquée de Meidling, par exemple : le gouvernement autrichien a exhorté l’association musulmane à la fermer parce que le terroriste avait visité la mosquée. Cet argument s’est avéré insuffisamment justifié, par exemple lors de l’interrogatoire par la police.
Et au final, « l’action immédiate », doit être adéquatement justifiée par les autorités pour qu’elle soit possible. Il doit être possible, comme l’a déclaré la police de Vienne, à transférer les infractions de la loi à une association. Pour cela, il faut avant tout des preuves et pas des paroles, car les raisons de la dissolution peuvent être contestées par les personnes concernées.
Il ne serait pas sage de limiter la loi islamique amendée à la fermeture des mosquées les plus faciles. Dans le cadre de la réforme, le ministre responsable a stipulé d’autres mesures qui devraient permettre plus de contrôle – l’accent est mis ici principalement sur l’interdiction du financement étranger. Pour cette raison, les autorités devraient avoir une vision annuelle plus claire concernant la conduite des communautés religieuses et des mosquées. Si les dispositions de financement ne sont pas respectées, il y a un risque d’infliger des contraventions. Selon le projet de loi du gouvernement « jusqu’à la valeur financière des fonds qui ont été illégalement collectés à l’étranger». Si, en revanche, la facturation n’a pas eu lieu « sur demande dans un délai à fixer par le consultant fédéral», les sociétés religieuses doivent collecter jusqu’à 36.000 euros. De plus, la communauté de l’IGGÖ devra à l’avenir fournir des informations autour de toutes les institutions et les responsables (religieux) selon la demande du consultant.
Depuis des années, les autorités et les gouvernements sont au courant des menaces possibles des communautés de mosquées extrémistes et radicales, agissant en Europe. L’Autriche et ses représentants politiques ont été informés depuis longtemps des structures de financement douteuses, de l’influence de l’AKP d’Erdogan, des Loups Gris et du mouvement radical Milli Görüs dans les communautés turques en Autriche.
Bien que de nombreux experts juridiques affirment que les lois autrichiennes seraient suffisantes pour déterminer ces influences radicales et extrémistes, l’élite politique autrichienne semble avoir trois axes principaux à elle seule : la gauche en gagnant des voix et le soutien de la communauté musulmane en négligeant ou en ignorant les menaces avérées des mouvements nationalistes et islamistes au sein des communautés, et en insistant sur le «sujet identitaire » comme la seule valeur et oublier les valeurs européennes comme principe majeur d’une société multiculturelle; le gouvernement conservateur en dissimulant sa responsabilité dans l’attentat terroriste ainsi que la crise politique générale provoquée par les poursuites judiciaires contre le chancelier, les ministres et les proches alliés du «ÖVP», et enfin les électeurs gagnants, qui dans le passé soutenaient la droite populiste FPÖ. La politique doit agir sur la base du respect des valeurs et des principes et non en faveur d’une partie de la société au détriment de l’autre.