Depuis un mois les débats portant sur la nouvelle législation qui vise à remédier au problème de l’immigration font rage au parlement français. Les députés semblent être partagés par le texte qui génère de vifs débats et une quantité importante d’amendements proposés.
Le texte du projet de loi, adopté en première lecture au Sénat le 14 novembre dernier, a été présenté en début d’année, le 1er février 2023 précisément, et prévoit de faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers tout en renforçant les possibilités d’expulsions. Le projet de loi devrait répondre à la demande grandissante de mieux contrôler l’immigration et améliorer l’intégration au sein de la société française.
Le projet de loi contenant vingt-sept articles qui devrait agir comme « un bâton et une carotte » ouvrant la voie aux régularisations plus faciles de sans papiers qui travaillent et ne causent pas de problèmes tout en facilitant les expulsions des étrangers délinquants. Il aborde également la question de l’accélération de l’instruction des demandes d’asile. Néanmoins, le texte n’inspire ni la gauche ni la droite française, la clause prévoyant de faciliter la régularisation des sans papiers étant le facteur d’irritation.
L’immigration inquiète
Selon le ministère de l’Intérieur, 34 000 sans-papiers ont été régularisés au cours de l’année 2022, enregistrant une hausse de 8% par rapport à 2021. Les demandes d’asile ont explosé également avec 137 000 premiers dossiers déposés en 2022, atteignant le niveau pré-Covid de 2019.
Quant aux expulsions, les choses suscitent également de l’inquiétude. En 2022, 15 396 éloignements ont été réalisés, dont 3 615 étrangers délinquants. Le taux d’exécution de l’OQTF (obligation de quitter le territoire français) s’élevait à 7% seulement, ce qui place la France parmi les pays d’Europe avec la proportion la plus faible d’OQTF appliquées.
Un sondage réalisé par l’IFOP en juin dernier démontre que l’immigration est considérée par 82% des sondés comme le sujet « dont on ne peut pas parler sereinement en France », alors que l’impossibilité d’accueillir davantage de migrants due à la « différence des valeurs » qui « pose des problèmes de cohabitation » est exprimée par 60% des sondés.
Un autre sondage mené en septembre dernier par Odoxa Backbone consulting pour Le Figaro dresse un tableau encore moins joyeux avec 74% des sondés ayant une mauvaise opinion de l’action de l’exécutif en matière d’immigration.
Il faut noter que ce projet de loi devient le 30e depuis 1980 visant à répondre aux défis migratoires auxquels la France est confrontée. D’ailleurs, il devient le 2e depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée en 2017, le dernier dispositif a été adopté en 2018, visait à « maitriser immigration » et rendre « un droit d’asile effectif et une intégration réussie ».
Un texte déclaré majoritairement insatisfaisant
Il n’est pas surprenant qu’un tel projet de loi suscite de vifs débats, surtout que le texte ne semble plaire à personne.
Marine Le Pen a déclaré le 23 novembre être « fermement opposée » aux mesures de régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, malgré le fait que ce dispositif a déjà été durci par les sénateurs des Républicains.
Le sujet est tellement électrique que Jordan Bardella a même renoncé au débat portant sur l’immigration sur France 2 en apprenant qu’il n’y aurait pas de « duel » entre lui et le représentant du gouvernement, mais un quatuor réunissant le porte-parole du gouvernement Olivier Veran, le président des Républicains Éric Ciotti, et François Ruffin des Insoumis.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a pas été satisfait d’amendements apportés par les sénateurs et a indiqué que le texte méritait « encore d’être amélioré ».
Certains députés trouvent même des arguments historiques, allant jusqu’à l’époque de l’empire romain. Notamment le député Antoine Léaument (LFI-NUPES) a parlé de l’Édit de Caracalla de 212, régularisant tous les hommes libres de l’Empire romain en leurs octroyant le droit de cité romain.
Un autre député de la NUPES, Benjamin Lucas, a exprimé son mécontentement en disant qu’il ne s’agit pas d’un compromis, mais qu’il s’agit d’ « amputer encore plus » le projet « des rares dispositions de bon sens ». Ou encore Yoann Gillet du Rassemblement national, qui a rappelé la nécessite d’interdire le mariage des personnes en situation irrégulière.
Le projet de loi doit être examiné à l’Assemblée nationale le 11 décembre, mais les maints amendements et compromis visant à apaiser la question qui divise risque de laisser la France avec une nouvelle législation inapte à apporter de vrais changements tant attendus par le peuple français.
Tous les droits de publication et les droits d’auteur sont réservés au MENA Research Center.