Le dossier de la reconstruction de Gaza fait face à d’épineuses difficultés vu que l’occupation israélienne conditionne le processus de la reconstruction à la question des prisonniers détenus par le Hamas depuis 2014, d’autant plus qu’Israël continue de fermer les points de passage commerciaux de la Bande de Gaza et d’empêcher l’entrée des matériaux de construction. Il s’agit par ailleurs de l’émergence d’un nouveau problème consistant au refus de Hamas que l’Autorité palestinienne ou toute partie étrangère supervisent la reconstruction, mais Israël s’y oppose.
Israël, rappelle-t-on, a mené une attaque sur la Bande de Gaza le 10 mai, qualifiée de la plus violente, après le bombardement de Jérusalem par les Brigades al-Qassam en réponse aux tentatives de forcer les habitants de quitter le quartier de Sheikh Jarrah. Lors de cette attaque, Israël a détruit des centaines de maisons et d’installations industrielles et commerciales, outre la destruction de l’infrastructure dans la Bande de Gaza, causant ainsi d’énormes pertes humaines et matérielles.
Israël a imposé après la guerre sur Gaza un blocus étouffant où il a maintenu les points de passage fermés en les ouvrant parfois pour laisser entrer certaines marchandises, des dons et des aides alimentaires et médicales. Néanmoins, elle interdit l’entrée de l’argent à Gaza y compris le don financier accordé à Hamas par le Qatar.
L’expert militaire israélien, Amir Bakhbut, a indiqué que les cercles politiques et militaires de Tel-Aviv insistent pour changer l’équation existante pour Hamas à Gaza d’une manière concrète. Et lors des négociations indirectes, il entend continuer à répondre à toute violation du cessez-le-feu. Quant à la question de la reconstruction de Gaza, il y a une unanimité en Israël pour empêcher tout transfert de fonds au Hamas, et de le dépasser en ce qui concerne la reconstruction de Gaza.
La question des prisonniers
L’expert militaire a encore souligné que jusqu’à ce que la question des prisonniers israéliens à Gaza soit résolue, aucune marchandise n’entrera dans la bande de Gaza, à l’exception du matériel humanitaire, et que pour toute violation du cessez-le-feu, l’armée israélienne va répliquer. Jusqu’à présent la position israélienne consiste à ne pas faire entrer des fonds pour la reconstruction de la bande de Gaza, sauf par le biais de l’Autorité palestinienne, en expliquant que les évaluations de sécurité ont révélé que le transfert de fonds du Qatar et d’autres pays directement à Gaza a gravement endommagé la réputation de l’Autorité.
Au cours des dernières semaines, l’Autorité palestinienne, avec tout son poids politique représenté par le gouvernement, l’OLP et le mouvement Fatah, a essayé de faire pression sur les parties régionales et internationales, pour qu’elle soit la seule porte d’entrée et la seule partie palestinienne qui représente l’administration et s’occupe de la supervision directe du dossier de reconstruction de Gaza, à travers le transfert des fonds des pays donateurs sur sa trésorerie.
L’Autorité palestinienne se rend compte que la « Bataille de l’épée de Jérusalem » que la résistance à Gaza a menée contre Israël, et la pression d’une façon influente du Hamas sur Israël en frappant Tel-Aviv et en bloquant le travail des aéroports israéliens, rétablit de nouvelles alliances dans la région avec le Hamas, et que ces alliances renforceront la position du Hamas sur la scène palestinienne, qui refuse que l’Autorité soit la représentante pour gérer le dossier de la reconstruction de Gaza.
Lors des réunions qui ont eu lieu il y a quelques semaines au Caire avec les services de renseignement égyptiens, l’Autorité palestinienne a présenté une proposition basée sur la formation d’un comité palestinien multipartite chargé de gérer le dossier de la reconstruction de Gaza, comprenant outre l’Autorité, des représentants du ministère de l’Économie et des Travaux dans le gouvernement du Hamas à Gaza, des représentants du secteur privé et des organisations de défense des droits de l’homme avec la supervision égyptienne directe de ce comité, mais cette proposition a été rejetée par le Hamas et l’affaire a forcé l’Egypte à annuler les pourparlers, jusqu’à ce que les deux parties, le Hamas et le Fatah, s’entendent sur des solutions pour la crise.
L’Autorité palestinienne et les pays donateurs
L’Autorité palestinienne a tenté de convaincre les pays donateurs que les fonds de développement et de reconstruction doivent passer par le trésor de l’Autorité, mais ce qui est nouveau dans cette guerre, c’est les voix à Gaza accusant l’Autorité qu’elle n’est pas ni transparente ni intègre. Ces voix ont atteint le Moyen-Orient et l’Europe qui vont réétudier leur position en ce qui concerne le transfert des fonds de reconstruction vers la trésorerie de l’Autorité. En effet, le premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh a exprimé son fort mécontentement face à la décision de certains pays qui refusent d’envoyer des fonds de reconstruction au trésor de l’Autorité Palestinienne, en adoptant le modèle qatari consistant à conclure des contrats directs avec des entrepreneurs sans revenir à l’autorité, et cette nouvelle vision de la reconstruction a été exigée par le Hamas après la fin de la guerre de Gaza.
Dans ce même contexte, l’écrivain et politologue Saïd Zaidani a indiqué que « le refus du Hamas d’impliquer l’Autorité dans le processus de reconstruction est le résultat de la crise de méfiance entre les deux parties, qui s’est reflétée dans la division palestinienne et l’escalade des tensions politiques entre elles, outre le fait que l’Autorité palestinienne continue d’établir des relations directes avec Israël, en particulier la coordination sécuritaire, ce qui fait tort au Hamas et à ses éléments en Cisjordanie.
Dans son entretien avec l’Observatoire MENA, Zaidani a déclaré : « Des États comme la Turquie et le Qatar soutiennent le Hamas et établissent des relations politiques avec lui en l’expliquant par le fait qu’il dirige et gère les affaires de Gaza aux dépens de l’Autorité. Cela a aidé le Hamas à adopter une politique forte face à l’Autorité, et d’exprimer son rejet absolu de tout rôle pour l’Autorité à Gaza ».
Il a ajouté : « Le Hamas ne veut pas reproduire le scénario de la guerre de 2014, qu’il considère comme une expérience négative, où l’Autorité a assumé la supervision de la reconstruction de Gaza avec un consensus palestinien général, mais il y a des dizaines de maisons et d’installations qui n’ont pas encore été construites, et des accusations ont été portées contre l’Autorité de détournement de fonds de reconstruction. Et donc le Hamas et le reste des factions craignent d’accorder à l’Autorité le droit de superviser la reconstruction et de reproduire la même expérience.
Il a expliqué qu’«Israël continue de consacrer les efforts du Hamas pour contrôler les fonds de reconstruction. Il y a un plan israélien basé sur la réactivation du rôle de l’Autorité et la marginalisation du Hamas, en faisant extorquer le Hamas avec les fonds provenant de la subvention qatarie. Israël veut en fait transférer les fonds via l’Autorité ou les Nations Unies, mais le Hamas rejette cette démarche». Cela menace un retour à l’escalade militaire à la lumière de l’insistance d’Israël pour que l’argent ne passe pas par le Hamas.
Washington en ligne
De son côté, le département d’Etat américain a insisté sur la nécessité d’accélérer la reconstruction de Gaza, car il considère cettte question comme une priorité. Dans le même contexte, le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, a indiqué lors de sa visite au siège du district à Ramallah fin mai dernier, que son pays œuvrerait pour que le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, ne bénéficie pas de l’aide internationale qui sera consacrée à la reconstruction de Gaza. De plus le Caire soutient que L’autorité dirigée par Mahmoud Abbas supervise le processus de reconstruction, en tant que représentant légitime du peuple palestinien et comme objectif de revenir à la centralisation de l’autorité, de faire avancer le processus de paix et de limiter les conséquences de la séparation de la Cisjordanie et de Gaza.
L’écrivain et politologue Khalil Shaheen estime que le Hamas veut préserver les avantages et les gains dont il bénéficie de sa position représentative, et ne veut impliquer personne dans le dossier de la reconstruction, afin d’imposer une nouvelle réalité régionale qui renforce sa position parmi les pays arabes.
Dans son sa déclaration à l’Observatoire MENA, Shaheen a expliqué que : « l’insistance du Hamas à obtenir les fonds d’aide et à les dépenser à travers ses canaux le met dans une confrontation avec les habitants de Gaza notamment avec la colère croissante, en raison de l’ampleur de la catastrophe et que des centaines de familles demeurent sans abri après le bombardement et la destruction totale de leurs domiciles», en poursuivant que : « le refus des Etats-Unis et d’Israël d’implication du Hamas dans le processus de reconstruction, entravera la possibilité de commencer la reconstruction de Gaza de sitôt, parce que le Hamas, avec les différentes factions de résistance à Gaza, rejettent complètement toute ingérence extérieure dans le processus de reconstruction. Et cela menace d’un retour de l’escalade avec Israël ».
L’analyste politique a prévu que « le Hamas va perdre la carte d’aide étrangère, compte tenu de son rejet de toutes les propositions présentées, et il est probable que le Croissant-Rouge, les Nations Unies et l’UNRWA prennent en charge cette tâche en coopération avec l’Autorité palestinienne, loin des canaux du mouvement.
Selon des sources palestiniennes bien informées, les autorités gouvernementales compétentes dans la Bande de Gaza ont estimé le coût de la reconstruction de ce qui a été détruit dans la bande de Gaza à 16 milliards de dollars américains. Et cette somme énorme nécessite d’être dépensée dans le dossier de la reconstruction, loin de toute tentative de détournement de fonds comme c’était le cas auparavant.