Les relations algéro-françaises sont dans un état de tension constante, car les dossiers politiques et économiques se chevauchent avec les antécédents historiques, ce qui rend difficile, voire impossible, de séparer complètement les deux pays. Alors que la France utilise la question des migrations comme moyen de pression sur l’Algérie, cette dernière dispose de puissants outils d’influence, notamment dans le domaine de l’énergie et des relations économiques, ce qui fait de la relation entre les deux pays une corde raide qui ne peut pas être coupée facilement.
La question des migrations est l’un des principaux sujets de tension entre les deux pays. La France cherche à durcir sa politique à l’égard des migrants, mais elle se heurte à des obstacles juridiques et diplomatiques dans ses relations avec l’Algérie. Selon l’expert politique Abdelkrim Obeidi, l’Algérie « insiste sur le respect des droits de ses citoyens en France, ce qui impose des restrictions aux expulsions rapides d’un point de vue administratif ».
D’autre part, l’Algérie dispose d’une liste d’individus recherchés vivant en France, mais le processus d’extradition de ces individus se heurte à des difficultés juridiques, en particulier dans le cas de ceux qui ont obtenu l’asile politique. Malgré les efforts de Paris pour imposer ses conditions, M. Abidi estime que « la France est consciente qu’il ne sera pas facile de faire pression sur l’Algérie sur cette question, d’autant plus que d’autres pays ne coopèrent pas comme il se doit dans les opérations d’expulsion, mais Paris se concentre sur l’Algérie en particulier, ce qui irrite les autorités algériennes et complique davantage les relations ».
L’accord de 1968, qui définit les conditions de séjour des Algériens en France, est l’un des points litigieux entre les deux pays. Paris cherche à l’amender ou à le supprimer pour faciliter les procédures d’expulsion, mais M. Abidi estime que « la menace d’annulation de l’accord pourrait porter un coup dur aux relations algéro-françaises, d’autant plus qu’il est directement lié aux accords d’Evian, qui ont jeté les bases juridiques de l’indépendance de l’Algérie ».
La crise entre les deux pays a repris récemment après que les autorités françaises ont ouvert une enquête sur un fonctionnaire du ministère de l’économie, accusé d’avoir espionné les services de renseignement algériens et de leur avoir fourni des informations sur des dissidents algériens vivant en France. Un employé du ministère de l’immigration a également été impliqué dans cette activité.
Selon Le Parisien, le fonctionnaire, qui possède la double nationalité franco-algérienne, travaillait au service de numérisation du ministère de l’économie et des finances, ce qui lui donnait accès à des données sensibles. Il a été arrêté le 16 décembre 2024 par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui a découvert qu’il transmettait des informations sur les opposants au président algérien Abdelmadjid Tebboune aux services de renseignement algériens.
Le 19 décembre, il a été inculpé d’espionnage et de coopération avec une puissance étrangère, ainsi que de fourniture d’un « ensemble de données portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ». Selon les enquêtes, les informations divulguées comprenaient l’identité et la localisation de dissidents algériens en France, en particulier d’influenceurs algériens de premier plan sur les médias sociaux.
La crise s’est aggravée avec l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en Algérie à la mi-novembre, dans le contexte des déclarations qu’il a faites à un média français affilié à l’extrême droite. Sansal avait adopté une position pro-marocaine, affirmant que « les terres marocaines ont été découpées au profit de l’Algérie pendant l’ère coloniale française ».
Les arrestations par les autorités françaises de personnalités algériennes accusées d’incitation à la violence et les tentatives de Paris d’expulser des Algériens que l’Algérie a refusé d’accueillir ont exacerbé les tensions entre les deux pays.
Compte tenu de la complexité de ces questions, les relations entre l’Algérie et la France restent dans un état de tiraillement, Paris ne pouvant se passer de l’Algérie en tant que partenaire économique, tandis que l’Algérie considère toujours la France comme une ancienne puissance coloniale essayant d’imposer ses conditions. Avec la persistance des contentieux, l’avenir de ces relations dépend de la capacité des deux parties à surmonter les obstacles historiques et politiques qui se dressent sur leur route.