La fin approche de la pieuvre de l’appareil secret du mouvement Ennahdha impliqué dans les assassinats politiques en Tunisie
Le Syndicat des fonctionnaires du département de la police judiciaire d’El Gorjani, au centre de la capitale Tunis, a publié sur sa page officielle une liste de suspects en les désignant par les initiales de leurs prénoms et noms ainsi que les sommes d’argent obtenues et utilisées pour financer des activités suspectes d’une association caritative. Le syndicat a révélé que les suspects n’avaient fourni aucune preuve de la source de leur argent et de leurs biens. Et il a indiqué que le parquet de Tunis a autorisé de sceller le dossier et de le renvoyer devant le Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, qui l’a confié à la Brigade antiterrorisme à la caserne de Bouchoucha pour poursuivre les enquêtes.
Financement étranger et blanchiment d’argent
Selon ce qui a été publié sur la page officielle du Syndicat des fonctionnaires du département de la police judiciaire, la sous-direction des enquêtes économiques et financières issue de la Direction de police judiciaire a conclu l’enquête sur l’affaire « d’obtention des fonds provenant de l’étranger dont la source est inconnue et du blanchiment d’argent » en rapport avec l’appareil secret du mouvement Ennahdha, déposée par le Comité de défense des deux martyrs, Belaïd et Brahmi.
En effet, dans le texte de la plainte il est mentionné que le nommé « N.L. » (appartenant au mouvement Ennahdha) bénéficiait de virements bancaires sur son compte ouvert dans une banque d’un pays du Golfe ayant une relation étroite avec l’organisation mondiale des Frères musulmans, effectués à partir d’un compte appartenant aux organismes de ce pays étranger. Le montant était de 20 millions euros au mois de juillet de l’année 2013. La personne en question avait retiré cet argent pour l’introduire en Tunisie et l’utiliser pour financer des activités très suspectes à travers l’association « Namaa Tounes », à laquelle il était lié.
Les enquêtes ont confirmé qu’il y a eu des transferts du compte de « N.L. » dans l’État du Golfe susmentionné vers ses comptes bancaires ouverts en Tunisie au cours des années 2013 et 2014, d’une valeur totale de près de 10 millions de dinars, dont la grande partie a été retirée en espèces et sur plusieurs étapes.
Les sommes déposées au compte de l’association « Namaa Tounes » étaient estimées à environ 500.000 dinars, soit 170.000 dollars environ.
Le compte de « M.H. » (ancien membre et directeur financier de l’association, et gendre d’un des principaux fondateurs et chef du mouvement Ennahdha pour une période donnée) a enregistré des dépôts d’environ 3,3 millions de dinars, soit un million dollars environ dont 2 millions de dinars ont été retirés.
Les comptes de « A.K.S. » (membre de l’association) a enregistré des dépôts d’environ 10 millions de dinars, dont la plupart provenaient de dépôts en espèces, soit 3 millions de dollars environ.
En outre, les comptes de (A.Kh.) (membre de l’association) ont enregistré des dépôts d’environ 350 mille dinars, dont 250 mille dinars de dépôts en espèces. De même, les comptes de « M.K. » ont reçu des dépôts de 400.000 dinars. Plusieurs biens immobiliers possédés par les personnes concernées ont été également découverts. Les suspects n’ont pas justifié la source de leur argent et de leurs biens.
En saisissant le parquet de Tunis, il a autorisé de sceller le dossier et de le renvoyer à la source. Après l’examen du dossier, il l’a renvoyé devant le Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme qui l’a confié à la Brigade antiterroriste à la caserne Bouchoucha, qui, sur la base des enquêtes menées à cet effet, a obtenu l’autorisation de placer en garde à vue certaines personnes et a lancé un avis de recherche contre certaines autres parce qu’elles se sont enfuies.
Des réseaux de financement soutiennent des sites web et des pages appartenant à Ennahdha
Ce qui a été publié par le Syndicat des fonctionnaires de la police judiciaire a remis sur surface la polémique autour de la question des fonds d’origine suspecte et du blanchiment d’argent, notamment ceux liés à ce qu’on appelle l’appareil secret du mouvement Ennahdha.
Au cours de la semaine dernière, un certain nombre de suspects ont été arrêtés pour leur participation à la diffusion de contenus médiatiques au profit de parties étrangères à travers la société de production Instalingo, accusée par le parquet public d’avoir comploté pour porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État et d’avoir reçu des fonds suspects de l’étranger.
Dans le même contexte, une ancienne officière limogée qui appartenait auparavant à l’un des services du ministère de l’Intérieur a été arrêtée. Il s’agit aussi du leader au mouvement Ennahdha, Adel Al-Dadaa, et d’autres éléments, dont Ashraf Barbouch, le conseiller à la présidence du gouvernement dans les gouvernements de Youssef Chahed et Hichem Mechichi, et le blogueur Slim Jebali.
Les investigations se focalisent dans cette affaire sur les réseaux de financement qui auraient pu soutenir des sites et des activités appartenant au mouvement Ennahdha, dont l’activité s’est accrue, notamment après le 25 juillet, en se fixant pour objectif de s’attaquer au président Kaïs Saïed.
Cette affaire est conforme dans son contenu avec ce qui a été indiqué dans le rapport de la Cour des comptes sur les financements étrangers, qui citait nommément Ennahdha. Et il évoquait les résultats du contrôle du financement des campagnes de propagande pour les précédentes élections présidentielles et législatives de 2019, et il a souligné que la Cour des comptes avait relevé qu’Ennahdha avait signé un contrat en 2014 avec la société de publicité et de lobbying, BCW, pour 4 ans, pour un montant de 285.000 dollars.
Ce contrat a été renouvelé du 16 juillet 2019 au 17 décembre de la même année, pour un montant de 187 mille dollars. Cela a été considéré par le tribunal comme une suspicion autour d’un financement étranger selon l’article 163 de la loi électorale.
Interdiction de voyager pour 34 personnes dont Ghannouchi
Il convient par ailleurs de souligner que la justice tunisienne a décidé en mai dernier d’interdire de voyager à 34 accusés ou suspects. Cette procédure a touché Rached Ghannouchi, leader du mouvement Ennahdha islamique, dans une affaire liée à l’appareil secret accusé d’être impliqué dans l’assassinat des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en 2013. La porte-parole du tribunal de première instance de l’Ariana, Fatma Boukataya a confirmé que la juge d’instruction avait émis une décision interdisant de voyager à tous les accusés concernés par l’affaire de ce qu’on appelle l’appareil secret, en ajoutant que 34 personnes sont accusées dans cette affaire, dont Rached Ghannouchi.
C’est en fait la première fois qu’une décision judiciaire touche Ghannouchi dans l’affaire de l’appareil secret d’Ennahdha, mais il avait déjà fait l’objet d’une enquête en avril dernier au siège de la Brigade centrale antiterroriste, et ce dans le cadre d’une enquête pour complot contre la sûreté de l’État après que le parlement gelé avait tenu une planétaire virtuelle malgré la suspension de ses activités par le président Saïed en vertu des mesures exceptionnelles.
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