Peu avant les dernières élections générales de l’année dernière en Allemagne, la science a ressenti le besoin de lancer une alerte : l’Allemagne a besoin de migration, des chercheurs de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale (IfW) ont écrit : « Sans immigration, la population aurait diminué depuis les années 1970 », ont-ils expliqué. L’afflux de personnes désireuses de travailler et qui paient aux systèmes de sécurité sociale est une grande opportunité. « Cependant, certains programmes électoraux sont tellement focalisés sur la prévention contre la migration à tel point que les partis ne soient même pas conscients de cette opportunité ».
Les résultats de l’IfW : pas moins de 75 % de tous les partis se sont penchés sur la question de l’asile dans les sections de leurs programmes consacrées à la migration. Toutefois, d’autres propositions considérées beaucoup plus importantes par les économistes, ont occupé peu de place – par exemple en ce qui concerne le besoin urgent pour les personnes qui veulent y travailler ou étudier.
L’accusation est justifiée et encore explicable : Est-ce que vrai que les réfugiés qui sont venus récemment sont de moins en moins importants ? Pendant l’année 2020 de Coronavirus, l’Allemagne a enregistré le plus faible taux de croissance depuis 2011. Mais il y a seulement six ans, 20.000 réfugiés étaient coincés à Munich en un seul week-end, autant que jamais depuis la période juste après-guerre, les gymnases se sont transformés dans tout le pays en abris. Les images de cette époque déterminent encore les programmes des partis. Il s’agit de savoir qui sera autorisé à venir à l’avenir et quel sera le sort des réfugiés rejetés. A partir de cela, la question qui commence à se poser : de qui avons-nous besoin ?
L’ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, n’a jamais remis en cause sa décision de 2015 autorisant les personnes bloquées en Hongrie à entrer dans le pays. Cependant, elle a reconnu que l’afflux initialement incontrôlé et non enregistré de migrants a à certains moments submergé le pays.
Le parti conservateur CDU de Merkel se bat toujours pour cela. On peut le constater dans chaque ligne du programme du parti. Il cite les fondateurs de Biontech, tous deux issus de familles d’immigrants turcs, comme un exemple montrant que l’Allemagne peut bénéficier des «esprits les plus brillants du monde entier» grâce à une immigration «ciblée». Mais il consacre beaucoup plus de lignes à la question de savoir comment freiner l’afflux de demandeurs d’asile. A l’instar du parti de droite AfD, la CDU veut définir d’autres pays d’origine dits sûrs. Ce sont des pays dont le législateur impose que personne n’y sera persécuté en raison de ses attitudes politiques, c’est par exemple le cas des États des Balkans actuellement. A l’avenir, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie pourraient également figurer sur la liste. L’asile n’est généralement pas accordé aux ressortissants de ces pays. De plus, à travers l’aide au développement, la CDU veut faire pression sur les pays d’origine pour lutter contre les causes de fuite afin d’empêcher la migration vers l’Europe.
Les autres partis veulent aussi combattre les causes de la migration, mais pas l’arrivée des réfugiés, comme l’indiquent le SPD et le Parti de gauche. Le SPD, le FDP, la Gauche et les Verts se concentrent moins sur l’isolement. « Il doit être possible d’arriver en Europe en toute sécurité », a écrit le FDP, qui veut s’assurer que les réfugiés puissent également déposer leurs demandes d’asile auprès des ambassades à l’étranger. Les quatre partis ont mené campagne pour un sauvetage en mer organisé par l’État. Ne pas rester les bras croisés pendant que des gens se noient dans la mer Méditerranée est également une préoccupation de la consœur locale bavaroise de le CDU, le CSU, et de son ministre fédéral de l’Intérieur, Horst Seehofer. Depuis 2018, l’Allemagne a volontairement pris en charge environ 1000 réfugiés venant par bateau de Malte et de l’Italie. Mais cela n’apparaît pas dans le programme CDU/CSU. Le SPD, le Parti de gauche et les Verts soutiennent également l’alliance de 200 municipalités qui, contre la volonté du ministre de l’Intérieur, veulent accueillir elles-mêmes des réfugiés supplémentaires.
Les meilleurs plans pour « organiser et contrôler » l’immigration restent sans effet si l’Allemagne ne réussit pas à coordonner avec les autres États de l’UE. La politique d’asile est souvent une politique européenne, mais injuste. Le plus gros fardeau est supporté par des pays comme la Grèce et l’Italie, où arrivent la plupart des réfugiés. L’Allemagne a été épargnée pendant longtemps. Depuis la crise des réfugiés, le gouvernement fédéral se bat pour une répartition plus équitable, mais a échoué en raison du veto d’États comme la Hongrie qui ne veut pas accepter de réfugiés. Sans solution, l’Allemagne a un problème, peut-être le plus gros problème de la politique d’asile en ce moment. Les réfugiés reconnus y reçoivent si peu de soutien de telle façon qu’ils se débrouillent tous seuls. On estime que 27.500 personnes sont déjà arrivées en Allemagne et ont de nouveau demandé l’asile. Actuellement, ils n’en ont pas encore l’autorisation. Mais les tribunaux allemands ont interdit de renvoyer les gens vers la misère grecque.
Toutefois, comment s’occuper des réfugiés vivant déjà en Allemagne, dont beaucoup venus en 2015, ont été rejetés et n’ont pourtant pas été expulsés. Environ 30.000 personnes devraient rentrer en Afghanistan.
Là aussi, le CDU fait beaucoup de bruits et il a plus d’intersections avec l’AfD qu’avec l’ancien partenaire de la coalition SPD qui est devenu le nouveau parti du chancelier. Il veut des expulsions plus rapides et permettre la détention d’expulsion dans les aéroports. Toute information erronée dans la procédure d’asile devrait être punie par la loi. L’AfD veut mettre fin à la Convention de Genève sur les réfugiés et n’accepte qu’un quota de réfugiés trié et culturellement appropriés. Il veut créer des prisons gérées par des Allemands à l’étranger pour les délinquants étrangers.
Le SPD, les Verts et le Parti de gauche, quant à eux, se concentrent sur le sort des demandeurs d’asile rejets. Beaucoup d’entre eux sont dans le pays depuis des années. Ils n’ont pas pu être expulsés pendant la pandémie de coronavirus, par exemple, mais n’ont toujours pas été autorisés à s’y installer. « Nous voulons permettre aux personnes bien intégrées et sans résidence sécurisée d’avoir un droit de séjour permanent », a écrit le SPD. Le FDP et aussi les Verts veulent reconnaître leur apport. Toute personne qui est venue en tant que demandeur d’asile et a trouvé du travail ou une formation devrait être autorisée à rester. Très différente est l’Union, qui rejette ce type de changement de voie de l’asile à la migration de travail. Elle pourrait attirer encore plus de demandeurs d’asile, craignent les conservateurs. Le SPD et les Verts demandent également que les enfants aillent à la crèche et à l’école dès le premier jour – pour le moment, les enfants réfugiés ne vont souvent pas à l’école au cours des six premiers mois.
S’isoler ou apporter une aide humanitaire, plusieurs de propositions des partis s’articulent autour de ces deux axes. Cependant, la migration peut également être contrôlée par des incitations positives. S’il y avait plus de moyens légaux pour les personnes désireuses de travailler de venir en Europe, elles se lanceraient moins dans l’évasion dangereuse et se battraient ensuite pour l’asile comme des pétitionnaires souvent sans espoir pendant des années.
Le règlement relatif aux Balkans occidentaux en est un brillant exemple. Même avant la grande vague de réfugiés, de plus en plus de personnes venaient des États des Balkans et demandaient l’asile sans aucune chance. Le gouvernement allemand a rendu cette possibilité plus difficile, mais en même temps a ouvert le pays à tous les immigrés qui peuvent présenter une offre d’emploi en Allemagne – que ce soit en tant que travailleur qualifié ou ouvrier non qualifié. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo font désormais partie des pays vers lesquels, outre l’Inde, les visas de travail ont été le plus fréquemment délivrés. Les demandeurs d’asile viennent peu.
L’économie est en quête de ces personnes. L’Allemagne a besoin de 400.000 immigrés par an. A l’avenir, la CDU souhaite également redoubler d’efforts pour attirer des travailleurs qualifiés désireux d’immigrer, « par exemple dans le secteur informatique », et utiliser à cette fin les ambassades allemandes à l’étranger. Le SPD, qui avait milité pour l’extension de la règle des Balkans occidentaux lors de la dernière législature, ne s’empare pas de la question. La gauche est explicitement contre le recrutement de travailleurs qualifiés, elle veut remédier à la pénurie par une « formation, des conditions de travail et une rémunération » décentes. Seuls le FDP et les Verts font des propositions plus globales pour l’immigration de travailleurs qualifiés, qui s’appuient tous deux sur un système à points, comme c’est également le cas au Canada. Des points sont attribués en se basant sur le niveau de formation, la langue, mais aussi sur les domaines particulièrement demandés. Les candidats peuvent facilement voir s’ils ont une chance. Et si l’Allemagne les considère comme ce qu’ils pourraient présenter pour le pays : une opportunité.
Le nouveau gouvernement allemand, une coalition du SPD, des Verts et du FDP, n’a pas encore présenté son nouveau programme, étant donné que la situation géopolitique et climatique actuelle pourrait entraîner de nouveaux mouvements de réfugiés en Europe.