Les spéculations s’intensifient autour du véritable rôle américain en Irak au cours de la prochaine période et la forme de la confrontation avec les milices soutenues par l’Iran, après que le président américain, Joe Biden, et le Premier ministre irakien, Moustafa Al-Kazimi, ont annoncé la fin des opérations de combat américaines en Irak d’ici fin de cette année.
Il convient de rappeler que le gouvernement irakien a anticipé la rencontre entre «Al-Kazimi» et «Biden» en affirmant que l’Irak a encore besoin de la présence des forces américaines pour le soutenir dans le domaine de la formation et de la réhabilitation pour lutter contre le terrorisme et instaurer la sécurité.
Précisions et coopération continue
Pour clarifier certains points de l’accord américano-irakien, Biden a indiqué : « Notre coopération de lutte contre le terrorisme se poursuivra même lors de cette nouvelle étape sur laquelle nous discutons», en expliquant que le rôle américain en Irak sera consultatif et pour assurer la formation. Il a ajouté que le l’activité des Etats-Unis en Irak ne sera pas uniquement militaire, mais elle s’étendra à d’autres aspects, comme l’envoi prochainement des doses de vaccins contre le Coronavirus en Irak, voulant en effet dire que Washington ne laissera pas de vide en Irak.
Il est à rappeler que les forces américaines maintiennent environ 2500 soldats déployés sur le sol irakien, qui ont subi au cours des derniers mois une série d’attaques par missiles dont les milices soutenues par l’Iran sont accusées de les mener et d’en être responsables.
Dans le même contexte, Biden a ajouté : «Notre rôle en Irak sera de continuer à assurer l’entraînement, à coopérer, à aider et à traiter avec Daech, mais nous ne serons pas, d’ici la fin de l’année, en mission de combat», sans mentionner explicitement les milices irakiennes et la forme de la formation qui sera donnée aux forces irakiennes.
Un scénario russe en Irak
Commentant l’accord en question, le politologue Salah Al-Pachachi a considéré qu’il vise à renforcer la position du Premier ministre «Al-Kazimi» avant les élections imminentes, et à retirer aux milices soutenues par l’Iran leur slogan de la résistance contre la présence américaine, en notant que ce pas réduira les attaques des milices contre les forces américaines.
Al-Pachachi a également indiqué que l’administration américaine cherche à reproduire le scénario de la présence russe en Syrie en n’engageant pas ses forces dans des affrontements terrestres et en limitant son rôle aux frappes aériennes, aux opérations d’entraînement et de formation, en poursuivant que cela se répercutera sur le déploiement de Daech en Irak et limitera ses actes terroristes sur le territoire irakien.
Al-Pachachi a ajouté : « L’inquiétude, c’est que l’Irak se transformerait en un autre Afghanistan et que le retrait américain soit une préparation pour élargir le champ d’influence des milices, comme c’était le cas avec les talibans, une chose qui est hors de question en raison des considérations géopolitiques propres au Moyen-Orient», en affirmant que l’accord représenterait un véritable coup dur pour le régime et l’influence iranienne en Irak, qui exploite deux principaux prétextes pour soutenir les milices : lutter contre la présence américaine et combattre l’Etat islamique.
Une guerre politique et un blocage
L’idée de base derrière l’accord entre «Biden» et «Al-Kazimi» peut être décrit comme une tentative de politiser la guerre contre les milices et les priver d’utiliser leurs armes contre le gouvernement irakien, selon le chercheur en affaires irakiennes «Sajjad Allawi», en soulignant que l’administration Biden essaie d’interpréter la scène d’une façon réaliste, la puissance et l’influence des milices sur les territoires irakiens et les traiter diplomatiquement, loin des affrontements militaires.
Allawi a ajouté : « Des années de frappes militaires sporadiques ont suffi de convaincre les États-Unis que la confrontation militaire avec les milices peut donner des résultats, mais elle va causer des catastrophes et entraînera de grandes pertes dans un pays déchiré qui souffre des problèmes de sécurité et de l’effondrement de l’Etat», en soulignant que ce scénario aurait profité à l’Iran, dont l’influence dépend de la déstabilisation et de la guerre par procuration, quelles que soient les pertes que ces milices subiraient.
Contrairement aux désirs iraniens, Allawi a affirmé que les États-Unis ne souhaiteraient pas faire de l’Irak un champ de bataille contre le régime iranien, en ajoutant que Biden s’appliquer afin d’empêcher l’Iran d’exploiter les opérations militaires contre les milices pour faire de l’Irak carte de pression sur la communauté internationale qui est engagé dans de longues négociations avec l’Iran sur le programme nucléaire iranien.
Autres dossiers et pressions accrues
Malgré le soutien américain au gouvernement «Al-Kazimi», le gouvernement n’a jusqu’à présent pas été en mesure de réaliser aucun progrès dans les dossiers économiques, de vie et de services à cause de la détérioration de la situation sécuritaire et de sa préoccupation des opérations militaires et des contre-opérations entre les Américains et les milices, selon «Allawi», en insistant que ces opérations, indépendamment de leur forme, affectent l’infrastructure irakienne.
Dans le même contexte, Allawi a souligné que l’incursion des milices dans les structures et les institutions du gouvernement et de la sécurité a réduit la capacité du gouvernement irakien à les affronter militairement, en ajoutant que cela a suscité des inquiétudes autour d’un éventuel effondrement de l’État irakien pour qu’il soit complètement contrôlé par ces milices, notamment après les tensions qui se sont produites entre le gouvernement et les milices suite à l’arrestation de certains miliciens accusés d’être impliqués dans l’assassinat de certains militants.
En parallèle, le chercheur économique «Ammar Al-Dulaimi» a indiqué que l’apaisement de la tension militaire en Irak grâce à l’accord conclu sera le meilleur soutien pour le gouvernement «Al-Kazemi», qui pourrait désormais fournira plus de mesures pour faire face à l’épidémie de Coronavirus, et à la crise économique, à travers les aides américaines. Cela va lui permettre aussi de faire face aux pressions croissantes des parties alliées à l’Iran et des factions armées.
Al-Dulaimi a par ailleurs souligné que l’amélioration de la situation économique et les conditions de vie impactera sur la capacité des milices à attirer et à recruter des jeunes, en estimant que de nombreux jeunes rejoignent les milices en raison de la pauvreté, de la nécessité, du chômage et de l’absence des opportunités d’emploi. Autrement dit, si l’accord est mis en œuvre comme prévu, les milices seront obligées de faire face à une réalité dans laquelle l’utilisation d’armes est inutile», a-t-il conclu.