Les relations algéro-marocaines se dirigent vers plus de complications après l’annonce de l’Algérie de la fermeture immédiate de son espace aérien à l’aviation marocaine, dans un pas surprenant, indiquant un nouvel épisode de tensions entre les deux pays.
Les observateurs estiment que les indicateurs actuels placent la crise diplomatique entre les deux voisins dans une direction favorisant plus de complications et d’escalade politique et éventuellement militaire, surtout après l’annonce de l’Algérie son orientation de prendre de nouvelles décisions contre le Maroc, en appelant en même temps à l’évacuation de la zone frontalière de Zelmou, où les forces militaires algériennes et une équipe du génie militaire ont commencé à préparer le terrain pour récupérer la région se situant près de la province de Figuig et de bloquer un autre chemin marocain traversant le sol algérien.
A cause de l’escalade continuant depuis environ deux mois, après que l’Algérie a rompu les relations diplomatiques avec le Maroc, les appréhensions ont dominé que les deux pays s’approchent encore plus du bord du gouffre. Une chose qu’on peut la constater dans la déclaration du responsable chargé du dossier des pays du Maghreb arabe au ministère algérien des Affaires étrangères, « Amar Blani », disant qu’« il n’est pas possible d’exclure le recours à des mesures supplémentaires, sans les définir ». Cela a poussé des observateurs à s’interroger autour des horizons des tensions entre les deux voisins et quel point pourraient-elles atteindre ? Et les deux pays pourraient-ils s’enliser dans des conflits militaires ?
La « fermeture immédiate » est une précipitation pour la guerre
Commentant la décision de fermer immédiatement l’espace aérien algérien à tous les avions civils et militaires marocains, ainsi que ceux portant un numéro d’immatriculation marocain, Othman Ben Taher, chercheur en affaires maghrébines, estime qu’il n’est pas possible d’analyser la décision algérienne sans se référant à une partie simple, mais il porte un sens très important, à savoir, l’expression « immédiatement » comme s’il s’agissait d’une précipitation pour la guerre, en indiquant que « la tension entre le Maroc et l’Algérie se dirige vers une impasse et un horizon sombre ».
Ben Taher considère que l’augmentation récente des dépenses d’armement algériennes, et le fait d’opérer des manœuvres militaires aux frontières, ainsi que le changement récent à la tête des Forces armées royales marocaines, montrent que l’élément de confiance entre les deux pays n’existe plus, et que tous les facteurs de la crise son réunis, ce qui confirme, selon le chercheur marocain, la possibilité d’un affrontement militaire à court-terme.
Il est à noter que, depuis jeudi, l’Algérie a envoyé des forces de la gendarmerie et des gardes-frontières, accompagnées d’une équipe du génie, pour achever les arrangements pour la récupération d’une zone située sur la zone frontalière algérienne appelé « Zelmou », dont l’Algérie fermait les yeux fermés sur son exploitation par les Marocains.
De plus, le Maroc avait également préparé une route reliant les régions de Bouarfa et d’Errachidia, mais elle dévie de quelques kilomètres à l’intérieur de la frontière algérienne au niveau du point Zelmo.
Les médias algériens ont indiqué que les gardes-frontières algériens avaient informé les habitants de la zone de l’obligation de l’évacuer, et les unités du génie ont fait le défrichement de quatre kilomètres de la route marocaine qui passe par le sol algérien.
Il est à noter que c’est la deuxième fois que l’Algérie récupère une zone située à l’intérieur de sa zone frontalière dans laquelle vivent des Marocains, après avoir récupéré des fermes d’oujja dans la région de Figuig en mars dernier, lorsque les gardes-frontières algériens ont informé les agriculteurs de partir dans deux jours et transférer leurs récoltes hors du sol algérien, sans que les autorités marocaines n’interviennent. Et aucun commentaire officiel n’a été émis par la partie marocaine sur ces dévolutions.
Une simple escalade politique
Le journaliste marocain, Jamal Boujedeya exclut que la tension entre les deux pays se transformerait en un affrontement militaire, estimant que la tension reste dans les limites de l’escalade politique.
Boujdeya estime qu’aller vers l’option de la guerre et de l’affrontement militaire a un coût élevé qui ramènera la région à l’âge de pierre, en indiquant que l’option de la guerre dans une région brûlante n’est pas contrôlée par la seule volonté des autorités algériennes, mais elle est régie par des lignes rouges imposées par les grandes puissances mondiales, et ces autorités ne peuvent les dépasser.
Il a souligné que ces forces ne peuvent pas permettre une tension se transformant en un affrontement militaire entre Rabat et Alger, vu ses répercussions négatives sur la situation dans la région, qui est connue pour les risques sécuritaires croissants et les menaces terroristes dans la région du Sahel et du Sahara, ainsi que sur la situation et la sécurité en Europe.
Et concernant les conséquences de la décision algérienne de fermer l’espace aérien aux avions marocains, Boujdeya indique que la décision ne nuira pas aux intérêts touristiques du Maroc ou autres, autant qu’elle pourrait nuire aux intérêts des voyageurs, notamment des côtés algérien et marocain, ayant des liens familiaux ici et là.
Il a poursuivi que les chiffres de l’aviation civile indiquent que plus de 90% du trafic des avions civils qui sillonnent l’espace aérien algérien sont des avions marocains appartenant à Royal Air Maroc ou à d’autres compagnies privées marocaines. Cela indique que le perdant économique de cette décision non calculée est l’économie algérienne, et ce si la volonté officielle de l’Algérie était d’essayer de punir le Maroc économiquement.
Les observateurs prévoient que la décision révèle l’intention de l’Algérie de continuer à « faire pression » sur le Maroc après la rupture des relations diplomatiques, puis menacer de ne pas renouveler le contrat gazier qui donne au Maroc le droit de bénéficier du passage du gazoduc algérien vers l’Espagne, tandis que d’autres parties ont considéré que la décision algérienne intervenait à des informations à caractère sécuritaire.
Le silence marocain inquiétant
Malgré la polémique médiatique provoquée par la décision algérienne à l’international, Rabat n’a pas bougé d’un iota et a gardé le silence jusqu’à présent, à l’exception d’une source de Royal Air Maroc à Reuters, qui a précisé que 15 vols par semaine seront affectés par la décision de fermeture, vers la Tunisie, la Turquie et l’Egypte, en considérant que l’impact de la fermeture n’est pas colossal et en ajoutant que les vols en question pourraient changer d’itinéraire pour passer au-dessus de la Méditerranée.
Les autorités marocaines ont gardé le silence par rapport aux décisions algériennes vers Rabat, et donc aucune réaction officielle marocaine ne sera émise concernant la décision algérienne, étant donné que le Royaume considère les pas de son voisin à son encontre faisant partie du processus d’escalade et de provocation et qu’il est inutile de répondre. Tandis qu’une source diplomatique, préférant garder l’anonymat, a affirmé que le Maroc ne répondra pas à la décision de l’Algérie concernant la fermeture de l’espace aérien, mais des analystes et des politiciens marocains ont critiqué le traitement de l’Algérie envers son voisin occidental.
Le secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité, Abdellatif Ouahbi, a déclaré que le Maroc traitera avec patience les pas de l’Algérie, en disant que le Royaume comprend les problèmes internes que connaît son voisin oriental, et que le Maroc supporte les actions de l’Algérie et supportera celles futures, en considérant que la décision algérienne est une décision souveraine et qu’il la respectera, et que le peuple algérien restera un allié, étant donné sa foi dans les liens humains qui l’unissent avec le peuple marocain.
Le politologue algérien, Khaled Wahrani, estime que le silence officiel marocain cache derrière lui de nombreuses interrogations, en affirmant qu’il ne s’agit que de gagner des positions populaires et internationales et d’absorber la colère des Algériens.
Wahrani pense qu’en plus d’un ensemble de nombreuses raisons politiques, les récentes évolutions sont survenues immédiatement après la révélation que le Maroc avait conclu des accords de coopération avec Israël dans le domaine de la coopération militaire pour la fabrication d’avions sans pilote, outre la construction d’une base militaire par le Maroc près de la frontière algérienne, que l’Algérie croit être pour l’espionnage sous la supervision d’experts sécuritaires israéliens.
Selon Wahrani, tous ces éléments sont préoccupants, surtout si on y ajoute ce qui a été annoncé par les médias marocains à propos de la réception par Rabat d’une première commande d’avions de combat sans pilote turcs Bayraktar TB2, elle qui a soumis une commande pour acquérir 13 avions de ce produit, d’une valeur de 70 millions de dollars avec la société privée turque « Baker », dirigée par l’un des gendres du président turc Recep Tayyip Erdogan.
Tensions historiques
Il est à rappeler que la tension entre Rabat et Alger ne date pas d’hier, mais plutôt un conflit qui persiste depuis leur premier affrontement militaire lors de la Guerre des Sables en 1963 à cause d’un différend frontalier autour des régions de Tindouf et de Béchar, revendiqué par le Maroc.
La situation des relations entre les deux pays s’est compliquée après l’annonce de l’Algérie sa reconnaissance et son soutien au Front « Polisario » en 1976, une position à laquelle avait répondu Rabat en rompant les relations.
Les relations entre les deux pays voisins sont également entrées dans une nouvelle phase de tensions depuis janvier 1995, après que Rabat avait accusé l’Algérie d’être impliquée dans un attentat terroriste à la bombe contre l’hôtel « Atlas Asni » à Marrakech en décembre 1994, tandis que l’Algérie a répondu à l’époque en fermant la frontière terrestre, encore fermée jusqu’à aujourd’hui.
De plus, le dossier du Sahara constitue le point litigieux le plus important entre les deux pays, puisque Rabat accuse l’Algérie d’apporter son soutien au Front Polisario, tandis que l’Algérie considère l’affaire comme une question internationale.
Au cours des derniers mois, la tension politique et médiatique entre l’Algérie et le Maroc a atteint un degré presque sans précédent, après que des déclarations politiques ont fait entrer les relations entre les deux pays dans une phase de crise, sur fond de la position de l’Algérie sur l’ouverture des consulats par des pays Africains à Laâyoune et Dakhla, les plus grandes villes du Sahara, et de la sécurisation par l’armée marocaine le passage frontalier de Guerguerat séparant le Maroc et la Mauritanie.
En outre, le signe de l’ambassadeur du Maroc auprès des Nations unies, Omar Hilale, lors de la réunion du Groupe des non-alignés, les 13 et 14 juillet, concernant « l’indépendance du peuple kabyle » en Algérie, en réponse à l’annonce du ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra de son soutien au droit à l’autodétermination des habitants du Sahara, en faisant entrer les deux pays dans une nouvelle crise après la décision de l’Algérie de rappeler son ambassadeur à Rabat.
L’appel du roi du Maroc, Mohammed VI, le 30 juillet, au président algérien, Abdelmadjid Tebboune, à « travailler ensemble, dès qu’il le jugera opportun, n’a pas porté ses fruits dans le développement des relations fraternelles », et les messages rassurants aux dirigeants algériens que « le mal et le problèmes » ne leur viendront jamais du Maroc » n’ont pas contribué à « ouvrir une nouvelle page » dans les relations entre le Maroc et l’Algérie et à fermer la page des différends, et à l’amélioration des relations entre les deux pays voisins.
La tension est revenue et a atteint son paroxysme après que l’Algérie a annoncé la rupture des relations avec le Maroc, à cause de ce qu’elle a qualifié d’ « actes hostiles » du Royaume du Maroc et de « la provocation qui a atteint son paroxysme », tandis que le Conseil national de sécurité en Algérie, dirigé par Tebboune, a accusé le Maroc de soutenir un mouvement séparatiste appelant à l’indépendance la région Kabyle. De plus, Lamamra a tenu pour responsable « les dirigeants du royaume de la succession de crises qui se sont aggravées », en jugeant que « ce comportement marocain conduit à des conflits et à des affrontements au lieu da la complémentarité dans la région du Maghreb ».
En revanche, la réponse marocaine à la décision algérienne est arrivée à travers un communiqué du ministère des Affaires étrangères, dans lequel il a déclaré que « le Royaume du Maroc a été informé de la décision unilatérale prise par les autorités algériennes de rompre les relations diplomatiques », en exprimant ses regrets pour « cette décision totalement injustifiée ». Il a par ailleurs déclaré que le Maroc « refuse catégoriquement les justifications fausses, plutôt absurdes, sur lesquelles la décision a été fondée ».