Le dernier round des négociations autour du barrage de la Renaissance, qualifié par le Caire de la dernière chance, a pris fin sans aboutir à un accord, à cause de l’intransigeance de l’Éthiopie, selon les accusations adressées par le Caire et Khartoum à Addis-Abeba, tandis que ce dernier a affirmé que les deux pays ont voulu imposer des points en dehors de l’agenda des négociations.
Les négociations, qui se sont déroulées à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, ont été prolongées d’une journée supplémentaire suite aux efforts du pays hôte, qui assume la présidence tournante de l’Union Africaine ainsi qu’il a invité les délégations pour recommencer les négociations mais sans annoncer jusque-là la date de la reprise des négociations.
L’escalade de l’Egypte
La partie égyptienne a expliqué, selon le communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères, que le round des pourparlers à Kinshasa s’est terminé sans progrès et sans aboutir à un accord sur la relance des négociations, faisant référence à l’échec de l’appel de Kinshasa, jusque-là, concernant le retour des négociations.
Selon le communiqué égyptien, la délégation du Caire «a participé avec l’intention de reprendre les négociations, mais l’Éthiopie a été intransigeante et a refusé. Cela démontre l’absence de la volonté politique en Éthiopie, et ses efforts pour tergiverser en se contentant d’un mécanisme de négociations formel et inutile, en soulignant que l’Éthiopie a rejeté toutes les propositions et alternatives avancées par l’Égypte et soutenues par le Soudan pour faire avancer les négociations, ainsi qu’elle a rejeté la proposition du Soudan soutenu par l’Egypte pour former un quadripartite d’intermédiation.
Le communiqué égyptien a été suivi aujourd’hui par une déclaration plus tendue du ministre égyptien des Affaires étrangères, «Sameh Choukri», arrivé dans la capitale soudanaise, Khartoum, accompagné de la délégation soudanaise, en affirmant que l’Egypte prendra ce qu’elle jugera nécessaire pour protéger sa part de l’eau».
Sameh Choukri avait dit dans des déclarations après les négociations que : «toutes les différentes thèses abordées autour de la crise du barrage de la Renaissance ont toujours trouvé un refus de la part de la partie éthiopienne, qui est allée même à désavouer les procédures sur lesquelles ont été engagées les négociations dès le début ».
Il a de même ajouté que : « l’Egypte prendra ce qu’elle jugera approprié prochainement pour protéger la sécurité nationale hydrique et pour éviter à toucher la part de l’Égypte de l’eau».
Le ministre Chokri a qualifié d’irresponsable le fait de parler unilatéralement d’un deuxième remplissage du barrage de la Renaissance ou l’exploitation du barrage, en insistant que : « le remplissage du barrage de la Renaissance d’une façon unilatérale signifie des évolutions dangereuses qui menacent la région, la paix et la sécurité internationale, et que l’Égypte et le Soudan ne permettront pas de subir aucun mal dans ce sens ».
Dans le même contexte, selon les médias, Choukri envisage de s’entretenir avec la partie soudanaise à Khartoum, après l’échec des négociations en raison de la position inflexible de l’Éthiopie, et son refus de plusieurs propositions présentées par les deux côtés égyptien et soudanais durant les pourparlers.
Quant au président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a indiqué lors de sa participation à une vidéoconférence organisée par la Banque africaine de développement, que la crise de pénurie d’eau devient de plus en plus grave d’une manière qui menace l’avenir des peuples, notamment avec «l’insistance de certaines parties de mettre en place des projets géants pour exploiter les fleuves internationaux de manière irréfléchie et sans prendre en considération l’importance de préserver la sécurité et la durabilité des ressources hydriques internationales ».
Il est à noter que le président égyptien avait déclaré que personne ne pouvait violer le droit de l’Égypte à l’eau du Nil, en mettant en garde que le fait de le toucher est une « ligne rouge » et aurait un impact sur la stabilité de toute la région.
Al-Sissi a ajouté dans ses déclarations en marge de sa visite au canal de Suez: « Personne ne peut prendre une goutte d’eau des eaux égyptiennes. Celui qui veut essayer, laisse-le essayer, et il y aura une situation d’instabilité dans toute la région, et personne n’est à l’abri de notre puissance ».
Un mouvement soudanais
De son côté, la ministre soudanaise des Affaires étrangères, Maryam al-Sadiq al-Mahdi, a indiqué dans des déclarations à l’issue des négociations: «Nous sommes venus à la recherche d’une nouvelle approche de négociations, et le deuxième remplissage du barrage de la Renaissance constitue une menace pour nous, en notant que la position éthiopienne d’imposer la politique du fait accompli viole la loi internationale et que l’intérêt de 250 millions de personnes vivant dans les trois pays doit être pris en considération, tandis que le chef du Conseil de la souveraineté soudanaise, Abdel Fattah al-Burhan, a appelé que son pays soit impliqué dans l’exploitation et la gestion du barrage de la Renaissance, car cela touche à la sécurité du Soudan, selon ses propos.
De son côté, le ministère soudanais de l’Irrigation a dit dans un communiqué que les pourparlers n’avaient pas enregistré aucun progrès en raison de l’intransigeance éthiopienne, en considérant que cette dernière exige de réfléchir à toutes les options possibles pour protéger les droits du Soudan selon la loi internationale, a-t-il dit.
Le ministère a également indiqué : «Au cours de la réunion, nous avons insisté sur le danger des mesures unilatérales ayant de lourds dommages au Soudan», en soulignant que l’Éthiopie a rejeté toutes les options alternatives concernant l’octroi d’un rôle de médiation par quadripartite pour faciliter les négociations, et qu’elle a insisté pour négocier avec la même approche adoptée depuis juin 2020 sans aucune utilité.
Le Soudan dans un pas considéré comme une réponse à l’intransigeance éthiopienne concernant le barrage de la Renaissance, la ministre soudanaise des Affaires étrangères a annoncé que le gouvernement de son pays avait soumis une demande aux Nations Unies pour retirer les soldats éthiopiens de la mission des Nations Unies, la « UNISFA », déployés dans la région soudanaise d’Abyei et de les remplacer par des soldats d’une autre nationalité, en ajoutant : « Ce n’est pas logique qu’il y a des forces éthiopiennes dans la profondeur stratégique du Soudan à un moment où d’autres forces éthiopiennes se rassemblent à la frontière orientale du Soudan.
Les déclarations de la ministre soudanaise sont intervenues quelques heures après l’échec des négociations de Kinshasa sur le barrage de la Renaissance éthiopien, que l’Égypte et le Soudan considèrent comme une menace pour leur sécurité hydrique.
Elle a également indiqué que l’Éthiopie a de nombreux intérêts au Soudan qu’elle doit œuvrer à les préserver, en assurant en même temps que les réfugiés éthiopiens au Soudan seront toujours en sécurité, bien accueillis et traités avec dignité.
Il est à noter que la ministre soudanaise des Affaires étrangères, «Maryam Al-Sadiq», a évoqué une catastrophe causée par le début du remplissage du grand barrage de la Renaissance sans accord, en soulignant que cette catastrophe s’est manifestée pendant une semaine de la soif et du manque d’eau pour l’irrigation et les besoins du bétail, des maisons et de l’industrie, en particulier dans la capitale, Khartoum, d’autant plus que le processus de remplissage a coïncidé avec le même moment du barrage soudanais de Roseires.
La Ministre soudanaise a poursuivi que le gouvernement éthiopien compter refaire la même chose sans parvenir à un accord avec les pays concernés, faisant référence à la fois au Soudan et à l’Égypte, soulignant que son pays avait informé la partie éthiopienne des graves dommages causés par ce pas.
Froideur internationale
Dans le même contexte, Washington est entré en jeu, le département d’État américain ayant révélé qu’une délégation américaine s’était rendue dans la région pour parler avec un certain nombre de partenaires sur des questions liées au barrage de la Renaissance, en insistant l’approche neutre de Washington par rapport au dossier.
Le département d’État américain a déclaré que Washington continue de soutenir les efforts de coopération et constructifs de l’Éthiopie, de l’Égypte et du Soudan pour parvenir à un accord sur le barrage de la Renaissance, en notant que la délégation avait écouté toutes les parties concernées, y compris la présidence congolaise de l’Union africaine, afin de trouver les meilleurs moyens à travers lesquels les États-Unis et l’Union européenne peuvent soutenir les efforts visant à faire bouger les choses dans le bon sens.
Lors d’une conférence de presse tenue par Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, il a appelé les parties à poursuivre leur coopération et à parvenir à une solution pour régler le dossier.
S’adressant aux journalistes au sujet de la position du Secrétaire général, Antonio Guterres, sur les négociations de Kinshasa, le porte-parole a poursuivi : « De notre côté, nous continuons d’inciter les parties à continuer de faire des efforts pour prendre des mesures concrètes pour parvenir à un accord ».
Dujarric a ajouté que l’initiative de Tshisekedi de tenir des négociations est la bienvenue, l’organisation internationale en réaffirmant sa disponibilité à soutenir ces efforts d’une manière à satisfaire toutes les parties.