Les désaccords lors des séances de discussion au parlement tunisien sur l’adoption d’un projet d’accord entre la Tunisie et le Fonds du Qatar pour le développement ont dépassé les limites, lorsque le député proche du mouvement Ennahdha, «Sahbi Smara», a violemment agressé la présidente du Parti destourien libre, «Abir Moussi» devant tout le monde dans l’enceinte du Parlement.
L’adoption du Parlement tunisien de la création d’un bureau pour le «Fonds du Qatar pour le développement» avec le soutien des représentants du « Mouvement Ennahdha » et de la «Coalition pour la dignité» n’a pas mis un terme à la polémique sur l’accord, parce que le «Bloc démocratique» et les députés «Destourien libre» s’y opposent fermement, tandis que les milieux politiques attendaient la position du président «Kaïs Saïed», alors que les traits de la relation avec Doha, qui a bien accueilli « Saïed » plus tôt, sont en mis en question.
«Saïed» et le dernier mot
Le parlement tunisien a adopté, mercredi dernier, le projet d’accord avec une majorité de 122 voix, tandis que 82 parlementaires ont boycotté le vote. Le différend remonte à 2016, lorsque le Qatar a accordé 250 millions de dollars à la Tunisie pour contribuer au financement des projets de développement, où un protocole d’accord a été signé à cette époque autour de la création d’un bureau pour le Fonds du Qatar pour le développement en Tunisie, mais le parlement tunisien refusait de l’adopter en 2019.
Le dernier mot revient au président de la République, chargé de signer les projets de loi et les accords pour les mettre en application, mais le président refusait antérieurement de signer des projets votés par la majorité parlementaire dirigée par le « Mouvement Ennahdha » à l’instar du remaniement introduit par le chef du gouvernement et adopté par le Parlement depuis janvier dernier, ainsi que des amendements de la loi de la Cour constitutionnelle, suspendue depuis des années.
En revanche, après l’échec du retrait du projet de l’accord au Parlement, des appels ont été lancés par les partis politiques pour que le président « Kaïs Saïed » ne le signe pas, en prévision de la décision de l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, dont un groupe de parlementaires s’apprête à y faire recours.
Le député Mabrouk Korchid a appelé le président Kaïs Saïed à ne pas signer ce qu’il a qualifié d’accord le plus dangereux de l’histoire de la Tunisie, en affirmant que «la balle est désormais dans le camp de l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi avant que le dernier mot revienne au président Saïed, qui devra assumer sa responsabilité en signant le projet d’accord ou non, et je l’appelle à ne pas le faire.
Le député tunisien a appelé aussi les juges patriotes à corriger l’erreur commise par le gouvernement en 2019 contre le système juridique tunisien, notamment la Constitution, et ce en renvoyant cet accord au Parlement pour discussion, amendement, et le rejeter si nécessaire, et en le renvoyant au gouvernement afin de le modifier conformément à la législation tunisienne. Il a Mis en garde contre les ingérences qui pourraient nuire à l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, avec ma confiance en ses juges, et nous préparons nos documents juridiques pour faire le recours».
Il est à indiquer que le Fonds du Qatar pour le Développement est en activité depuis 2002, et que l’ancien chef du gouvernement «Youssef Chahed» a signé l’accord en 2018 à l’époque du feu président « Béji Caïd Essebsi » et le ministre des domlaines de l’État «Mabrouk Korchid». La commission parlementaire a discuté l’accord à l’époque du gouvernement d’«Elyes Fakhfakh ».
Ennahdha et le projet qatari
Les partis d’opposition tunisiens accusent la coalition parlementaire de soutien au gouvernement tunisien, dirigée par le Mouvement Ennahdha, de tenter d’imposer l’accord, ce qui constitue une violation des protocoles juridiques du pays.
Le représentant du Mouvement du peuple, «Zouhair Maghzaoui», a accusé le mouvement Ennahdha de vendre la Tunisie au Qatar en insistant pour passer un accord qu’il considérait comme «suspect et affectant la souveraineté nationale», tandis que le député d’Ennahdha, Samir Dilou, considérait que la crise n’est pas en relation avec l’accord, «mais plutôt dans la haine de certaine partie de l’opposition envers l’État du Qatar.
De son côté, le député tunisien du Bloc national, Mabrouk Korchid, a révélé les raisons de sa démission du bureau de l’Assemblée des représentants du peuple, en affirmant qu’« il avait menacé il y a environ un mois et demi, de geler son adhésion ou de démissionner définitivement parce que le bureau du parlement est bloqué et qu’il ne peut mener aucun «processus de dialogue qui puisse profiter aux Tunisiens».
Il a ajouté qu’il ne peut pas être un faux témoin car ce qui s’est passé récemment est un grand péché qu’on ne peut plus tolérer, en référence à l’accord avec le «Fonds du Qatar pour le développement», en soulignant que «le vote sur un projet d’accord de siège relatif à l’ouverture un bureau pour le Fonds du Qatar pour le développement en Tunisie» était la goutte qui a fait déborder le vase et que son opposition à cet accord ne découle pas d’une position idéologique ou à cause de son implication dans la guerre des axes, mais plutôt de sa conviction que cet accord sera de mauvais augure pour la Tunisie.
Le parlementaire tunisien a expliqué que « le projet d’accord du bureau du Fonds du Qatar pour le développement en Tunisie a été présenté au Conseil des ministres en 2018 lorsqu’il était ministre des Domaines de l’État, et il a été rejeté car il ne convenait pas à la Tunisie, mais en 2019, il a été présenté de nouveau et signé, et en tant que ministre des domaines de l’Etat, je me suis opposé à l’accord avec le Fonds du Qatar pour le développement car il permet au Qatar de posséder des terres agricoles en Tunisie.
La loi et les dispositions de l’accord
La défenseuse tunisienne des droits de l’Homme, Wafa Chedli, a affirmé aux médias que «le sixième article stipule que le bureau du Fonds du Qatar pour le développement a le droit de contracter, de disposer des fonds mobiliers et immobiliers et d’en gérer, et peut également participer en tant qu’entreprises ou fonds d’investissement qui lui sont affiliés conformément à la législation tunisienne. C’est-à-dire, il aura la possibilité de posséder des propriétés agricoles sans autorisation». Il a ajouté que «l’article huit stipule que les biens et l’argent du bureau, immobiliers ou mobiliers, sont exonérés d’impôts directs et indirects, et sont exonérés des droits de douane et des paiements dus à l’importation et à l’exportation, ainsi que la réexportation des matériaux qui n’ont pas été utilisés sans payer de frais ou de charges».
Et «Chedli» a poursuivi que «le neuvième article accorde au Fonds le droit de récupérer les prêts inutilisés et les dépenses d’exploitation avec intérêts en dollars américains, et le Fonds aura la possibilité de les transférer de la République tunisienne vers tout autre pays ou toute autre devise sans restriction ou condition, en prenant en considération les dispositions bancaires en vigueur».
Par ailleurs, la militante tunisienne des droits humains a expliqué que «l’accord contredit le cinquième article de la loi tunisienne sur l’investissement de 2016, d’un point de vue juridique, qui stipule la liberté de l’investisseur de posséder des biens immobiliers non agricoles et de les exploiter pour exécuter des opérations d’investissement direct, ou de les poursuivre, en prenant en considération le Code de développement territorial», en notant que : «Le dilemme réside dans le fait que le bureau du Fonds du Qatar pour le développement a stipulé dans l’un de ses chapitres que l’État tunisien n’a aucun droit de s’opposer au recours de la partie qatarie pour tout partenaire étranger dans le processus d’investissement et de financement des projets.
Chedli a dénoncé ce qui pourrait résulter de l’accord en autorisant à tout étranger sans l’aval de l’État tunisien ou sans exprimer son avis, ce qui affecte de manière flagrante la souveraineté tunisienne, en insistant que « certaines dispositions sont préparées sans aucune consultation et que certains veulent entrer en Tunisie par ce fonds, cherchant ainsi à asséner un coup à la souveraineté nationale tunisienne», en notant que « le problème est que sa puissance et son obligation légale deviennent plus fortes que les lois fondamentales, et parmi ces lois fondamentales ce qui empêchent les étrangers de posséder des terres agricoles, ce qui est un Coup dur pour l’évacuation agricole que la Tunisie a décrétée à l’époque de Habib Bourguiba, où le colonialiste français a été expulsé et empêché de posséder des terres agricoles. Quand on dit évacuation agricole, cela a été fait par le sang des Tunisiens». Aujourd’hui, le mouvement Ennahdha et ses opposants veulent secrètement faire passer un accord colonial par excellence, et cela nous rappelle l’évacuation qui a eu lieu en Tunisie 1964 », en expliquant que «l’accord a accordé le privilège de ne pas porter le contentieux devant la justice tunisienne. Et cela constitue un coup porté à la loi tunisienne, et pose d’importantes questions : la Tunisie considère-t-elle que la justice n’est pas apte pour examiner les affaires qui résultent de l’exercice de leurs activités sur notre sol tunisien ?… « Cet accord nous le considérons comme étant un acte de trahison».
L’Union générale tunisienne du travail avait dénoncé la loi adoptée relative au soi-disant Fonds du Qatar pour le développement, en la considérant comme une « façon d’hypothéquer le pays et une violation de sa souveraineté et une opportunité d’aggraver le phénomène du blanchiment d’argent », tandis que les membres du bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail ont appelé à abandonner la loi adoptée en s’opposant à son inconstitutionnalité car elle altère les intérêts de la Tunisie, en affirmant qu’ils vont en faire face sur le terrain.
Il est à rappeler que cet accord a été signé le 12 juin 2019 entre le Qatar et la Tunisie par l’ancien ministre du Développement et de l’Investissement Zied Ladhari du côté tunisien, et le directeur général du Fonds du Qatar pour le développement, Khalifa bin Jassim Al-Kuwari du côté qatari, dans le but de financer des projets de développement dans les domaines de l’énergie, de l’éducation, de la formation, de la recherche scientifique et de la santé, des ressources naturelles, de l’agriculture, de la pêche, de l’industrie, de l’habitat, du tourisme, des technologies de l’information et de la communication et de l’autonomisation économique.