L’opposition turque se joint aux voix appelant à l’amélioration des relations entre la Turquie et l’Égypte et à résoudre les questions litigieuses après des années de relations tendues, et ce après que le Caire ayant accusé Ankara de s’immiscer dans ses affaires et d’abriter des personnalités égyptiennes figurant sur la liste des terroristes.
Unal Chevkuse, porte-parole des affaires étrangères du Parti républicain du peuple turc, CHP, a indiqué que le parti au pouvoir en Turquie mélange les politiques et les cartes, que ce serait bon pour le pays, en considérant que le gouvernement de l’AKP ne comprend pas les civilisations de la Méditerranée et de l’Afrique.
Chevkuse a révélé que le parti a discuté la question des relations avec l’Égypte lors d’une réunion, avant que le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglumade ne fasse une déclaration sur la volonté du gouvernement turc de se rapprocher de l’Égypte, en insistant que l’opposition a la même opinion par rapport à l’Égypte et qu’elle a appelé à le faire plusieurs fois au cours des dernières années.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exprimé lors d’une conférence de presse au milieu de ce mois la volonté de son gouvernement de poursuivre les réunions diplomatiques avec l’Égypte et de les développer, en indiquant que les relations bilatérales actuelles ne sont pas au haut niveau.
Motivations extérieures et pressions internes
Le directeur de la Bibliothèque d’Alexandrie, Mostafa El Feky, a dit qu’il y a deux raisons expliquant pourquoi du gouvernement de l’AKP s’est pressé pour améliorer ses relations avec l’Égypte :
Le premier est lié à la politique étrangère et les évolutions internationales, notamment avec l’arrivée de l’administration démocratique de Joe Biden à la Maison Blanche ; tandis que le second est lié à l’opposition par les pays occidentaux à la politique d’Ankara à l’est de la Méditerranée.
«A cela s’ajoute la défaite de la Turquie en Libye sur le plan politique et non au niveau de la confrontation militaire, car Erdogan n’a pas atteint les objectifs qu’il cherchait à atteindre politiquement là-bas», a-t-il ajouté.
El Feky a considéré également que la réconciliation Golfe-Egypte avec le Qatar a changé la situation des alliances au Moyen-Orient, après cette réconciliation qui a eu lieu dans la ville saoudienne d’Al-Ula, la Turquie n’est plus en mesure de construire une alliance solide avec le Qatar. Cela l’a contraint à essayer de modifier sa politique en général et à l’égard de l’Égypte en particulier.
Lors du boycott Golfe-Egypte du Qatar, la Turquie a cherché à construire une alliance forte avec Doha en envoyant des milliers de soldats turcs dans les bases militaires qataries, mais les analystes politiques ont considéré que la réconciliation qui avait eu lieu plus tôt cette année a limité la force de l’alliance Ankara-Doha.
Au niveau intérieure, El Feky estime que le gouvernement turc subit une grande pression interne de la part des partis turcs, en raison du fait que l’AKP héberge des centaines de dirigeants de membres des Frères musulmans égyptiens en fuite en Turquie, d’autant plus que cette question conduit à la perte des relations avec l’Égypte se dotant d’un pouvoir non moins que celui de la Turquie.
Il est à noter que l’accueil par la Turquie d’un grand nombre de dirigeants des Frères musulmans depuis 2013 a provoqué des critiques de la part des partis d’opposition turcs, d’autant plus que cela a affecté les relations commerciales et économiques entre les deux pays, qui étaient passées de 2,9 milliards à 5 milliards de dollars avant 2013. .
Parties endommagées et intérêts conflictuels
Sayed Abdel-Ghani, chercheur sur les affaires des mouvements islamiques, considère que les Frères musulmans seront la partie la plus affectée par tout rapprochement égypto-turc, en particulier avec les conditions égyptiennes de remise des dirigeants des Frères musulmans résidant en Turquie. Il souligne que la Turquie est convaincue que parier sur les Frères musulmans pour étendre son influence dans la région arabe était un pari perdu, surtout après la chute du pouvoir des Frères musulmans en Libye et en Egypte, et la détérioration de la situation politique en Tunisie où le parti Ennahda est au pouvoir.
«La Turquie pensait que les révolutions du printemps arabe produiraient des gouvernements appartenant aux Frères musulmans dans la région, mais cette conviction est en train de changer aujourd’hui, car nous constatons une situation de rejet dans les rues arabes en général, de la présence du mouvement au sein du système politique. Par conséquent, changer la politique étrangère est devenu une question inévitable pour le gouvernement turc, surtout sous l’ombre de l’administration Biden, qui ne montre aucune clémence envers le gouvernement AKP », a-t-il indiqué, en considérant que l’axe Golfe-Egypte a su l’emporter sur l’axe turc dans les enjeux de la région.
Des sources bien informées ont révélé que les services de renseignement turcs ont restreint les transferts financiers effectués par les dirigeants des Frères musulmans. Cette démarche est la première de son genre de la part du gouvernement AKP contre le groupe qu’il soutient.
Les sources ont également révélé la semaine dernière que les dirigeants des Frères musulmans ont tenu des réunions à Londres. Ces rencontres ont porté sur la question du rapprochement turco-égyptien et ses répercussions sur les dirigeants des Frères musulmans résidant sur le territoire turc.
Abdel-Ghani affirme que si le gouvernement turc estime que ses intérêts exigent des relations fortes avec les pays de la région, il ne va pas se tenir à son alliance avec les Frères musulmans. Ankara tentera probablement de renforcer ses relations avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dans les mois à venir si elle réussira à rétablir les relations avec l’Égypte.