Selon l’AFP, une délégation d’une soixantaine de chefs religieux druzes de Syrie a franchi vendredi la ligne de cessez-le-feu sur les hauteurs du Golan pour se rendre en Israël, une première depuis près d’un demi-siècle. La délégation est montée à bord de trois bus accompagnés de véhicules militaires israéliens, se rendant au village de Majdal Shams dans le Golan occupé, avant de continuer vers le nord pour visiter le sanctuaire du prophète Shuaib près de Tibériade, où ils ont rencontré le chef spirituel de la communauté druze d’Israël, le cheikh Muwaffaq Tarif. Cette visite a suscité des réactions mitigées à l’intérieur de la Syrie, dans un climat tendu dans la région.
Ces démarches interviennent alors que l’on parle de plus en plus d’un possible accord similaire à celui que le président intérimaire de la Syrie, Ahmad al-Sharaa, a conclu avec les Forces démocratiques syriennes (FDS). Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad en décembre dernier, la communauté druze est confrontée à des questions cruciales sur son avenir politique et sécuritaire. La scène s’est encore compliquée avec les déclarations d’Israël qui entend “protéger les Druzes de Syrie » et sa présence militaire accrue dans le sud du pays, alimentant les spéculations sur l’avenir des Druzes alors que le paysage politique syrien est remodelé.
Les Druzes, ou Almohades (Banu Ma’ruf), sont une secte religieuse monothéiste qui a joué un rôle important dans l’histoire du Levant. Ils ont participé à la bataille de Hattin en 1187 aux côtés des musulmans contre les croisés, puis se sont alliés aux Ayyoubides et aux Zankis. Au XIXe siècle, ils ont soutenu l’Empire ottoman dans sa réponse à la campagne de Muhammad Ali Pacha contre le Levant. Après la chute de l’Empire ottoman, les Druzes de Syrie se sont joints à la Grande Révolte arabe, et leur chef, le sultan Pacha al-Atrash, a joué un rôle déterminant dans la résistance contre le mandat français, en particulier lors de la Grande Révolution syrienne de 1925. Aujourd’hui, on estime à 700 000 le nombre de Druzes en Syrie, concentrés dans les régions de Sweida, Salkhad et Jabal al-Druze.
Depuis le début de la crise syrienne en 2011, la communauté druze a adopté une position de relative neutralité, refusant la conscription obligatoire mais établissant des comités armés locaux pour protéger leurs régions. Bien que leur implication dans le conflit ait été limitée, leur situation est devenue plus sensible après les récentes avancées militaires de groupes d’opposition armés tels que Hayaat Tahrir al-Sham, suscitant des inquiétudes quant aux répercussions sur la présence druze en Syrie.
Quoique le gouvernement de transition dirigé par Ahmad al-Sharaa ait réaffirmé son attachement à l’accord de désengagement de 1974 avec Israël, l’inquiétude grandit parmi les Druzes de Syrie, en particulier dans le Golan occupé, où la plupart d’entre eux rejettent la citoyenneté israélienne et restent fidèles à Damas. Israël a réitéré son engagement à empêcher toute présence militaire de groupes tels que Hayaat Tahrir al-Sham ou la Nouvelle armée syrienne dans le sud du pays, soulignant la nécessité de démilitariser la région et mettant en garde contre les menaces qui pèsent sur la sécurité de la communauté druze.
Ces développements reflètent les défis complexes auxquels sont confrontés les Druzes, qui se retrouvent coincés entre leur identité historique, leurs aspirations politiques et les impératifs d’assurer leur avenir à la lumière des transformations rapides qui ont lieu en Syrie.