L’unité d’étude de l’islam politique à l’Observatoire
L’expérience de l’avant-garde combattante (al-Talia al-Muqatila) naissant du sein du mouvement des Frères syrien a constitué une étape charnière et décisive de l’histoire syrienne moderne à plus d’un titre, parce qu’elle a été la première expérience de l’islam djihadiste syrien à l’ère moderne, et puisqu’elle a constitué un tournant important de plusieurs processus d’un seul coup : le processus du pouvoir et de la société, le processus du pouvoir et de l’opposition, le processus de l’opposition en elle-même, le processus de la démocratie et de la dictature, le processus de l’islam politique entre la politique et le jihad.
Si une partie de l’ambiguïté entourant le recours des Frères à la violence est due au manque de chercheurs dans ce domaine, et à la rareté des sources fiables, la plus grande partie est due à la discrétion des cadres du mouvement et à la dure réalité qu’il avait vécue après la défaite à Hama en 1982, et leurs relations perturbées avec le mouvement des Frères musulmans syriens, ayant beaucoup contribué et joué un rôle de premier plan dans l’opacité de la réalité de l’Avant-garde combattante, et par conséquent sur cette étape de l’histoire de la Syrie, à une époque où les cadres de l’Avant-garde n’ont pas pu se révéler et parler de leur expérience, étant donné la confidentialité de cette expérience et sa réalité dure.
Depuis la fin de l’Empire ottoman et la formation du premier gouvernement arabe et à caractère laïc à Damas et l’avènement du Mandat français et l’abolition du statut du califat, le courant islamique conservateur, qui constituait une large majorité dans la société syrienne à cette époque, se trouvait en position de défense contre les courants de la modernité qui commençaient à déferler à l’intérieur de la Syrie compte tenu des réformes ottomanes et des pionniers d’illumination, ayant poursuivi leurs études en Occident. Une partie d’entre eux se sont révoltés contre les Ottomans d’une part, et l’environnement des savants religieux de l’autre, avec tout ce que cela signifiait en termes du changement de la carte des intérêts économiques de l’environnement des savants, dont la source de revenus était liée aux institutions religieuses qu’ils géraient (fondations, mosquées…) directement, et avec l’autorité symbolique qu’ils avaient formant un capital qui les aidaient indirectement aussi dans l’économie, de sorte que ces groupes se retrouvaient dans une situation menacée de la part des avant-gardes portant la bannière de l’illumination, dont certaines provenaient de l’environnement des oulémas religieux eux-mêmes, et dont les associations et institutions religieuses qui commençaient à se former à cette époque exprimaient leur résistance contre ce qui se passait afin de récupérer leur positionnement.
Cet affrontement s’est exprimé dans plusieurs étapes de l’histoire syrienne moderne à travers ce qu’on appelle les batailles de la laïcité et de la Constitution syrienne. L’histoire nous informe que chaque rédaction de la Constitution ou son amendement se sont accompagnés avec une bataille qui s’est déplacée des coulisses du Parlement et des élites concernées à la rue. Ces batailles concernaient dans leur globalité un point précis, qui est la relation de l’islam avec l’État, puisque le courant islamiste a toujours insisté pour que la « religion de l’État soit l’islam ». C’est le point autour duquel beaucoup de batailles politiques ont été engagées, même dans la rue. Elles se sont achevées souvent par des accords du type « la religion du président de l’Etat est l’islam », et « la charia islamique est la source principale de la législation ».
La violence directe de l’autorité baasiste
Il ne fait aucun doute qu’on ne peut pas lire la transition vers le djihadisme sans une lecture de l’ascension de la tyrannie de l’autorité et des dirigeants du pays, une tyrannie qui a commencé à peser depuis le coup d’État de Hosni Al-Zaïm, jusqu’à l’unité syro-égyptienne et l’avènement du parti Baas, qui depuis son accès au pouvoir, est entré dans une bataille ouverte avec le courant islamiste, dont ses prémices étaient dans la bataille de la mosquée du Sultan à Hama lorsque la mosquée a été prise d’assaut et les instigateurs de la manifestation étaient arrêtés, en tête Marwan Hadid (le fondateur de l’Avant-garde combattante de Jund Allah (soldats de Dieu, comme il était son premier nom). Hadid a été condamné à mort pour revenir après sur cette décision sous la pression des cheikhs de la ville, dirigés par Cheikh Mohammad Al-Hamid, qui fut le premier à créer une association au nom des Frères musulmans en Syrie dans les années 1930, influencé par son ami Hassan Banna. Toutefois, l’affrontement entre le Baas, les Frères musulmans et le courant islamiste s’est renouvelé en 1973 avec la Constitution que Hafez al-Assad avait tenté d’imposer, car Marwan Hadid et Sa’id Hawwa qui sont de Hama (tous deux appartenant au Frères musulmans) et Hassan Habanka qui est de Damas, l’un des oulémas de Damas proche des Frères musulmans, ont joué un rôle de premier plan dans l’escalade des protestations contre la Constitution, où al-Assad a renoncé sous leur pression et a réintégré l’expression « la religion du président de la république est l’Islam », tout en refusant d’inclure la phrase disant que « la religion de l’État est l’Islam », pour provoquer une nouvelle bataille sous le titre « à quel point le président appartenant à la secte alaouite est-il musulman ? », passant ainsi d’un processus à un autre complètement différent par rapport au climat fondé par Moustapha Siba’i quand il trouvait une solution pragmatique dans la Constitution. Et après, Sa’id Hawwa a été arrêté et Marwan Hadid s’est enfui à Damas après avoir été convaincu que la confrontation n’était pas possible à l’époque. Puis, il a été arrêté et décédé deux ans plus tard en prison. Dès lors, une bataille hostile s’est engagée entre les deux courants, où la tyrannie de l’autorité a joué un rôle de premier plan dans la préparation du terrain à la violence, surtout après la tentative du régime de rendre l’État baasiste, à appliquer la sécurité et à généraliser la répression et la violence, outre la propagation de la corruption, la régression de l’économie et la baisse du niveau de vie.
Le conflit autour des Frères musulmans après la mort de Siba’i !
Depuis la mort de Moustapha Siba’i, une sorte de compétition autour du leadership a commencé à se former au sein des Frères musulmans entre les villes de Hama, d’Alep et de Damas. C’est la compétition qui s’est également renforcée par des positions sur diverses questions, dont la plus importante était plus tard la position par rapport à la violence. La première division était en 1969 entre Issam al-Attar damascène et Abd al-Fattah Abu Ghudda alépin, pour que les Frères musulmans se divisent en deux courants, tandis que la position du courant de Hama, comme l’indique Sa’id Hawwa dans ses mémoires, était la neutralité revendiquant un leadership commun.
A ce stade en particulier, un vide s’est formé au sein des Frères musulmans à travers la présence d’éléments issus des Frères musulmans, mais n’ayant aucune référence politique sur laquelle se basait. Là, Sa’id Hawwa commençait à rédiger une série de ses livres avec le titre « les Soldats de Dieu », par lesquels sera directement influencé par Marwan Hadid en les transformant en une organisation armée. En effet, nous constatons que le premier nom de l’Avant-garde combattante était « l’Avant-garde combattante de Jund Allah », comme nous constatons que le nom « Avant-garde » est dérivé du livre de Sayyid Qutb « Jalons sur la route de l’Islam » et l’expression « Jund Allah » est dérivée des livres de Sa’id Hawwa, dont nous parlerons en détail plus tard dans le paragraphe des influences intellectuelles et idéologiques de l’avant-garde combattante.
Naissance de la violence au sein des Frères musulmans en Syrie et le rôle de l’Avant-garde combattante !
Il y a deux points importants, selon notre point de vue, ayant contribué à faciliter la naissance du courant violent parmi les Frères musulmans :
Premièrement : la scène syrienne n’a jamais été exempte d’armes et de factions armées, car chaque parti politique à cette époque avait sa faction armée formée à porter les armes, ou on pourrait dire que chaque parti avait une petite milice sous son commandement, comme le bloc national qui avait les « chemises de fer » et les Frères musulmans avait « al-fetwa » et pour le Baas « la Foudre ». De plus, une partie de ces cadres avait participé à l’Armée de libération de la Palestine, fondée par Qawuqji, d’une part, et aux opérations de la résistance palestinienne et ses camps après la création de Fatah.
Deuxièmement : depuis le coup d’État de Hosni al-Zaïm, l’idéologie révolutionnaire avait progressivement commencé à remplacer l’idéologie démocratique, ce qui signifie que tous les courants politiques qui croyaient en la légitimité démocratique commençaient à reculer en faveur des partis révolutionnaires radicaux émergents, et certains d’entre eux commençaient à passer de la légitimité constitutionnelle à la légitimité révolutionnaire, en faisant foi au coup d’État militaire comme moyen d’accéder au pouvoir. Et quand on dit coup d’État, cela signifie des armes, une armée et des soldats. Cela a été confirmé par Nabil Choweiry dans son livre « La Syrie et les épaves des navires éparses », quand il dit que Michel Aflak a commencé à être convaincu de l’idée du coup d’État après avoir été contre. Cela a été transféré en pratique aux Frères musulmans, dont leur organisation militaire était révélée plus tard et qui se préparait à un coup d’État au sein de l’armée à la fin et au début des années quatre-vingt.
La culture de la vengeance et son rôle dans le recours à la violence
La réaction terne des Frères musulmans suite à la répression de l’autorité, commençant à toucher, arrêter et torturer leurs cadres, surtout après l’assassinat de Marwan Hadid. Cela a été l’un des facteurs ayant poussé ces cadres à se venger et à penser aux armes, en se rebellant contre leurs dirigeants, voire l’Avant-garde après avoir été formée est devenue un refuge pour les Frères fuyants et recherchés par le régime d’al-Assad. En outre, elle a commencé à attirer les cadres rebelles parmi les Frères musulmans. Cela a été constaté par ces derniers en essayant de l’éviter lorsqu’ils ont essayé d’absorber le groupe et de s’engager dans une action armée, pour détruire plus ce qu’ils ont construit. Cette chose mentionne clairement Ayman Sharbaji, qui était le commandant en chef de l’avant-garde de 1982 à 1988, dans son livre « Sur le sol de Damas ».
Dans notre étude des origines intellectuelles de la violence chez les Frères musulmans ; Il faut s’arrêter sur une question importante : II est connu que les deux hommes fondateurs de l’Avant-garde combattante sont Marwan Hadid et Sa’id Hawwa. On rappelle là que les deux ont poursuivi leurs études en Egypte et y ont approché les Frères musulmans, et que les deux ont été très proches de Cheikh Muhammad al-Hamid, qui était un ami de Hassan Banna, le fondateur du groupe des Frères Musulmans, et le fondateur du premier groupe qui portait le nom des Frères Musulmans en Syrie, l’un des groupes à partir desquels la confrérie a été fondée sous la direction de Siba’i, ce qui signifie pratiquement que les racines intellectuelles de l’Avant-garde combattante se tient de la pensée des Frères musulmans en général, et en particulier de la pensée de Sayyid Qutb, qui n’était le théoricien des groupes djihadistes combattants autant qu’il était une introduction ou un maillon nécessaire qui encourageait l’interprétation du sacré et son adaptation pour affronter les autorités tyranniques. Cette introduction s’est détaillée en s’articulant avec les idées de Mawdudi et son slogan connu d’Al Hakimiya, d’autant plus que le terme « avant-garde » ou « avant-gardes » a été mentionné dans le livre de Sayyid Qasab « des jalons sur la route de l’Islam ».