Le dossier chaud de l’Ukraine et ses répercussions sur les relations russo-européennes reviennent au devant de la scène, après des années de l’explosion de la crise de péninsule Crimée, avec l’intensification de l’escalade au niveau des frontières entre la Russie et l’Ukraine à cause des foules inhabituelles de l’armée russe, et les avertissements grandissants sur la possibilité que la partie russe prenne des mesures d’escalade pour changer la situation actuelle sur ces frontières.
Il est à rappeler que la crise de Crimée a éclaté en 2014 après que des hommes armés portant des uniformes militaires russes avaient occupé d’importantes installations en Crimée, y compris le parlement de Crimée et deux aéroports. Kiev a en effet accusé Moscou d’ingérence dans ses affaires intérieures, ce qui a été nié par le gouvernement russe, qui soutenait la séparation de la Crimée de l’Ukraine.
Des indicateurs et des messages dangereux ainsi que des préparations pour répliquer
Les mouvements de la Russie près des frontières nationales ukrainiennes, selon Karen Donfried, secrétaire- adjointe d’État américaine aux Affaires européennes et eurasiennes, suscitent une situation d’inquiétude internationale générale, en considérant que ces mouvements portent des signaux « dangereux » envoyés par Moscou.
En outre, Donfried a indiqué que les États-Unis d’Amérique, par l’intermédiaire de l’OTAN, étudieront toutes les options possibles concernant la manière de répondre à la mobilisation militaire de la Russie, en ajoutant que l’OTAN prendra une décision sur le prochain pas après des consultations prévues la semaine prochaine.
Il convient de souligner que l’armée russe avait commencé à déployer environ 92.000 soldats sur les frontières ukrainiennes, au milieu des estimations disant que l’armée russe commencerait une opération militaire dans la région fin janvier de l’année prochaine.
Dans le même registre, Donfried a ajouté : « Vous pouvez imaginer que toutes les options sont sur la table et il y a un arsenal qui comprend de nombreuses options », en notant que les États-Unis surveillent de près la situation et consulteront leurs partenaires sur la manière d’arrêter tout éventuel mouvement russe.
De son coté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a accusé les dirigeants russes de chercher des alibis pour justifier une intervention militaire dans son pays, en avançant que les critiques exprimées par Moscou sur le déploiement de soldats de l’OTAN en Ukraine, et les accusations du Kremlin selon lesquelles Kiev sape le processus de paix avec les séparatistes, sont parmi ces alibis.
Zelensky a affairmé par ailleurs que les forces de l’armée de son pays sont prêtes à affronter toute éventuelle menace militaire russe dans la période à venir, en ajoutant : « Aujourd’hui, il y a une exagération que la guerre va déclencher demain. Nous sommes entièrement préparés à toute escalade. Nous devons tabler sur notre armée, elle est puissante ».
Il est à rappeler que le chef des renseignements militaires ukrainiens, Kirilu Budanov, avait précédemment révélé un scénario d’une opération militaire qui pourrait avoir lieu dans la zone frontalière entre son pays et l’Ukraine, selon le journal américain «Military Times», en estimant que l’attaque pourrait inclure des frappes aériennes et des tirs d’artillerie, suivis d’attaques aériennes et maritimes, notamment sur la ville de Marioupol, ainsi qu’une incursion moins importante vers le nord à travers la Biélorussie voisine.
Paroles de crises…un scénario de nouveau traitement russe avec l’Europe
Commentant la crise ukrainienne renouvelée, le chercheur en relations internationales « Mouammar Saad Eddin » a estimé que la Russie adopte désormais une nouvelle politique de provocation de crises dans son traitement avec l’Europe et l’OTAN, en indiquant que la crise frontalière ukrainienne et les foules russes qui a coïncidé avec la crise des réfugiés sur les frontières biélorusses-polonaises n’est pas un coup de sort autant qu’une exposition russe des cartes gagnantes de Moscou.
Saad El-Din a ajouté : « Les ambitions de la Russie ne s’arrêtent plus à la limite de l’influence dans la Communauté des États indépendants, qui formait l’ex-Union soviétique. Elle cherche à consacrer une nouvelle situation mondiale qui lui redonne son ancienne influence dans plusieurs régions au monde, surtout avec l’orientation des Etats-Unis de retirer ses forces de plusieurs régions dans le monde comme ce fut le cas en Afghanistan », en considérant que les Russes estiment actuellement que l’opportunité est propice pour eux afin de faire revivre l’héritage de l’Union soviétique en Asie occidentale et centrale et dans les régions d’Europe de l’Est.
Dans le même contexte, Saad El-Din a également expliqué que la Russie cherche à exploiter les crises internes des pays de l’Union européenne et leur incapacité d’entrer dans des confrontations militaires, outre l’absence d’une volonté américaine de s’engager dans des affrontements militaires avec les Russes, en ajoutant que la Russie cherche une nouvelle place sur la carte mondiale.
Sur un autre plan, Saad El-Din a indiqué que les rapports de force dans le monde sont en train de changer avec l’émergence de la Chine en tant que grande puissance économique qui a largement profité de la crise de Coronavirus et de l’évolution des cours mondiaux du pétrole, en contrepartie de la baisse des influences américaine et européenne, en soulignant que le monde enregistrera au cours des prochaines années une confusion importante au niveau des alliances internationales et des rapports de force.
En parallèle, le politologue AChraf Abdel Hamid a dit que le président russe, après près de 21 ans au pouvoir durant lesquels il a consacré son règne comme le seul dirigeant du pays, est actuellement à la recherche de manœuvres et de batailles étrangères avec ceux qu’il considère comme la cause de l’effondrement de l’Union soviétique, en expliquant que : « Poutine qui venait avec un background de renseignement veut suivre des politiques différentes de celles suivies par ses prédécesseurs au pouvoir en Russie, en faisant pression sur les pays d’Europe avec plusieurs cartes différentes et en des temps parallèles, en forçant les dirigeants de ces pays à recourir à Moscou pour résoudre ces problèmes ».
Dans ce même registre, Abdel Hamid a rappelé l’orientation de la chancelière allemande sortante, Angela Merkel, vers le président russe pour résoudre la crise des réfugiés bloqués aux frontières polonaises, en considérant que la Russie est désormais en mesure de gérer les guerres et les crises contre l’Union européenne à travers ses alliés en Europe de l’Est, dans le but de réaliser le désir de Moscou de reprendre progressivement le contrôle sur des territoires dont il considère lui appartiennent.
Abdel Hamid a dit également que la Russie n’exploite pas seulement les circonstances en Europe de l’Est, mais également d’autres crises internationales comme le dossier nucléaire iranien et la guerre contre le terrorisme, en affirmant que toutes ces cartes peuvent augmenter la possibilité que le président russe réussisse ses efforts et atteigne son objectif.
Dans le même contexte, « Abdel Hamid » a considéré que l’entrée des pays occidentaux dans une large confrontation militaire avec la Russie peut entraîner des effets dévastateurs et une nouvelle guerre mondiale dont l’Occident ne pourra pas supporter les conséquences, en indiquant que le scénario le plus plausible est que les pays occidentaux recourent à des crises provoquées à l’intérieur de la Russie et qu’ils suivent la méthode des guerres des renseignements, car elle a des conséquences moins dévastatrices et moins graves.