Le paysage politique libyen se dirige vers plus de complication à cause de la relation malsaine entre le gouvernement d’union nationale d’une part, et le Parlement et le commandement de l’armée libyenne de l’autre part, particulièrement après la décision du parlement de convoquer le gouvernement d’« Abdel Hamid Dbeibah » à se présenter devant ses membres lors d’une séance d’audition le 30 août courant.
Dans ce contexte, le chercheur des affaires de l’Afrique du Nord, Yahya Salah, a indiqué : «Bien que le gouvernement d’union nationale soit venu diriger les affaires du pays pendant quelques mois, mais ses relations avec l’armée et le parlement semblent instables et laissent croire que la formation du gouvernement est faite sur un volcan et il est toujours susceptible d’exploser», en insistant que ces divergences soulignent l’importance de tenir les élections à temps, pour assurer que le pays ne revienne pas à la case des tensions militaires.
Il est à indiquer que les deux dernières semaines ont connu une escalade au niveau des déclarations entre le commandant de l’armée libyenne, « Khalifa Haftar » et le chef du gouvernement, « Dbeibah » autour de la question de la subordination de l’armée au gouvernement, parce que « Haftar » refuse d’être subordonné qu’à un gouvernement élu, tandis que « Dbeibah » estime que l’armée ne peut pas dépendre d’une seule personne.
Le Parlement est une balance qui ne favorise pas le gouvernement
« Salah » considère que les choses semblent aller dans la direction dont ne souhaite pas le chef du gouvernement, surtout à la lumière de la ressemblance des visions entre le président du Parlement, Aguila Salah, et Haftar, et leur position négative commune envers le rendement du gouvernement, en soulignant que le gouvernement n’a pas prêté attention au fait qu’il est plus proche d’un gouvernement intérimaire d’un point de vue pratique, et non d’un gouvernement élu bénéficiant de pleins pouvoirs.
Par ailleurs, « Salah » a expliqué que depuis cinq ans, la Libye est gouvernée par 4 parties, à savoir : le gouvernement, le Conseil présidentiel, le Parlement et l’armée, en précisant que : « Chaque partie ayant ses prérogatives et ses zones d’influence, et actuellement on peut dire que le Conseil présidentiel s’est affaibli suite à la décision de son président, Mohammed el-Menfi, de se dissocier de ce qui se passe, contre la montée de la puissance du président du parlement qui est proche au commandant de l’armée. Cela a fait sentir à Dbeibah qu’il demeure affaibli dans se confrontation face à ce duel.
Il est à noter que les trois parties, l’armée, le gouvernement et le parlement, ont affirmé leur soutien et leur attachement à la tenue des élections législatives à la date prévue à la fin de cette année, et elles ont rejeté tout appel à les reporter.
Salah a considéré également que le chef du gouvernement a fait une erreur dans le traitement de certains dossiers, notamment le dossier de l’unification de l’institution militaire en considérant que les milices pourraient faire partie de l’armée libyenne et de l’institution militaire, outre le fait de ne pas prendre une position claire par rapport à la présence turque et les traités signés entre le gouvernement turc et l’ancien gouvernement d’entente nationale. Il a ajouté qu’en dépit de la position de la ministre libyenne des Affaires étrangères, Najla Mangoush, aucune position claire n’est formulée par le gouvernement envers la politique turque en Libye, qui a constitué l’origine de la crise dans le pays au cours des dernières années, en expliquant que ces positions ont accru le gap entre le gouvernement, l’armée et le Parlement.
Il convient de rappeler aussi que le président du Parlement libyen, Aguila Salah, a critiqué le rendement du gouvernement d’union nationale, en indiquant qu’il n’avait pas accompli grand-chose aux profit des citoyens permettant la réconciliation nationale, en soulignant qu’il n’a pas encore été en mesure d’unifier les institutions de l’Etat et les ministères du gouvernement. Au contraire, il a centralisé davantage le travail des institutions de l’État, rendant tous les départements subordonnés à la capitale, Tripoli, au lieu de mettre en place un mécanisme qui coordonnerait davantage le travail des organes officiels, selon ses propos.
Signes négatifs pour un espoir attendu
Commentant les tensions politiques libyennes, le politologue « Mohamed Trabelsi » a dit que la crise en Libye porte des indicateurs négatifs pour la période à venir, censée porter l’espoir des Libyens de mettre un terme aux années de conflit et de tension, en considérant que ces tensions révèlent un réel rapport de force entre les parties au pouvoir.
Et « Trabelsi » a expliqué que ce conflit pour le pouvoir révèle que les politiciens libyens n’aient pas l’intention de céder le pouvoir, et donc le rêve des élections pourrait devenir un cauchemar et une introduction d’un nouveau chapitre du conflit si les résultats du dialogue politique ne sont pas totalement respectés, notamment dans le dossier de la passation du pouvoir au gouvernement élu et au président élu, en notant que le gouvernement agit comme s’il reste au pouvoir pendant des années.
Trabelsi a mis également en garde contre la possibilité que les Frères musulmans exploitent cette tension et ces conflits pour revenir au pouvoir, précisément par la porte du gouvernement, qui rechercherait plus de soutien dans ses affrontements politiques avec le Parlement.
Le retour des Turcs est un scénario probable
Le pire point dans les scénarios de l’avenir libyen au milieu des conflits est la possibilité d’un retour de l’influence turque en Libye à travers la porte du gouvernement d’union nationale. Le journaliste et écrivain, « Habib Lassoued » a dit : « Le chef du gouvernement d’union nationale libyen, Abdel Hamid Dbeibah, est bien conscient que les centres des pouvoirs à l’ouest libyen nécessitent un leader pour trouver un équilibre entre eux, ce qu’il est train de faire actuellement ».
Lassoued a aussi indiqué que Dbeibah peut travailler sous couvert turc dans ses différents aspects : militaire, sécuritaire, politique, financier, économique et même culturel. Cela veut dire que son leadership est incomplet sans le soutien direct du régime d’Erdogan, devenu la force la plus importante à Tripoli. Il a par ailleurs expliqué que les Turcs ont leurs propres conditions afin de soutenir ce leadership dont le fait de légitimer leur présence permanente et mettre en œuvre leurs objectifs de contrôle du marché commercial et des grands marchés pour la reconstruction ainsi que leur accorder les indemnités qu’ils demandent pour les contrats conclus avec l’ancien régime. Mais surtout il s’agit d’imposer leur tutelle sur les affaires économiques et culturelles, en faisant ainsi de l’ouest de la Libye (dans un premier temps) le plus important centre d’influence turque en Afrique du Nord, avec une vision liée à l’histoire de l’occupation ottomane et l’identité ethnique présumée de la moitié de la population de la région occidentale qu’Erdogan considère en tant que Turcs de point de vue héréditaire.