Les facteurs contribuant à soutenir et à l’étendue de l’éveil islamique
Il y a plusieurs facteurs ayant contribué à accorder à l’éveil et son courant la légitimité pour devenir une alternative aux autorités au pouvoir et ils se manifestent par :
La défaite de juin 1967
Tous les prêcheurs de l’islam politique et ses figures, quelle que soit leur diversité (les Frères musulmans, le salafisme, le Hizb ut-Tahrir, etc.), et dans une certaine mesure les soufis et les adeptes de l’école doctrinale traditionnelle des cheiks, ont attribué la défaite historique de la Guerre de juin 1967 aux régimes nationalistes arabes, en indiquant que leur adoption de la laïcité et de l’exclusion de la charia islamique de la réalité de la vie dans le monde ont mené à la défaite. D’autant plus que tous les groupes précédents, de différentes manières, croient que la seule solution pour la sortie de la nation de cette impasse historique est de revenir à l’adoption de l’islam en tant que discipline de vie (l’islam est la solution), et que la dernière génération de cette nation ne pourra pas sortir de cette galère qu’avec la même façon avec laquelle était sortie la première génération. Ces thèses se sont manifestées à travers les discours et les écrits des figures islamiques éminentes qui avaient réussi à attirer l’opinion publique dans les pays arabes, et avaient contribué à la formation des publics islamiques à l’ère de l’après-guerre de 67, particulièrement après la libération des islamistes au début du règne d’Anouar el-Sadate au début des années soixante-dix.
Parmi les personnalités les plus influentes figuraient cheikh Youssef al-Qaradawi, avec ses deux célèbres livres, le premier « L’échec des solutions importées et comment elles ont achevé notre nation » et le deuxième livre, « La solution islamique est une obligation et une nécessité » ; et Cheikh Mohamed Al-Ghazali, « Le combat du Coran », le livre « Les jalons de la vérité », « La raison du déclin des Arabes et des Musulmans », le livre « Le combat de la religion » et le livre « Les ténèbres de l’Occident », ainsi que Saad Jumaa, l’ancien premier ministre jordanien, à propos du revers (Naksa) et de ses livres, « Le Dieu ou la destruction », « La complot et la bataille du destin » et « La société de la haine ».
A cela s’ajoutent les écrits de Cheikh Fathi Yakan. Quant à la Syrie, les livres de Cheikh Sa’id Hawwa et son célèbre livre « Jund Allah, la culture et l’éthique », ont eu un énorme impact sur la pensée de tous les groupes politiques islamiques, y compris le salafisme djihadiste. Mais ce qui est remarquable est que les écrits radicaux les plus importants de Cheikh Sa’id Hawwa, le théoricien des Frères musulmans en Syrie, sont venus après la défaite de juin 67.
Rapprochement égypto-saoudien 1971
À l’époque du roi saoudien Fayçal ben Abdelaziz et du président égyptien Anouar el-Sadate, en 1971, « Sadate a libéré de prison les membres du mouvement des Frères musulmans qui ont rouvert leurs bureaux et ont continué à travailler, mais sans aucune couverture légale ». Cela les a poussés à migrer vers l’Arabie Saoudite pour des raisons économiques et des considérations politiques, car le boom pétrolier offrait des opportunités d’emploi très exceptionnelles, et les Frères musulmans, qui avaient déjà établi de longs réseaux, étaient bien placés pour les saisir.
La domination des Frères musulmans sur les institutions éducatives et culturelles au Royaume d’Arabie saoudite
Depuis la fondation par le prince Fayçal ben Abdelaziz de l’Université islamique de Médine en 1961 pour entrer en concurrence avec l’Université Al-Azhar en Égypte dont « Abdennasser » voulait qu’elle soit un appareil de propagande pour son régime, les dirigeants des Frères musulmans ont pu contrôler l’Université islamique, ainsi que l’Université King Abdelaziz à Djeddah et sa branche, Umm Al-Qura à la Mecque et l’Université de l’Imam Mohammad Ibn Saud à Riyad, et ils ont joué un rôle très fondamental dans les associations de prise de conscience religieuse, les pépinière de l’éveil ainsi qu’ils étaient les professeurs opérant qui se sont occupés de la mission de l’acculturation politique et l’éducation idéologique dans ces associations et ces pépinières.
De même, parmi les Egyptiens, se sont distingués Mohammad Qutb, le frère de Sayyid Qutb, al-Sayyid Sabiq avec son célèbre livre « la jurisprudence de la Sunna », Cheikh Mohamed al-Ghazali, Menna Qattan, Mohammed al-Rawi, Omar AbdEL Rahman, le mufti de l’assassinat de Sadate en 1981, et le palestinien Abdallah Azzam, le théoricien du jihad en Afghanistan. De plus, l’Arabie saoudite a également fondé la Ligue islamique mondiale en 1962 dont ses piliers étaient les Frères musulmans.
La révolution de Khomeiny en 1979
La « Révolution de Khomeiny » constituait un choc pour le Royaume d’Arabie saoudite, qui voyait que cet événement le menaçait directement, et que c’était le début d’une grave guerre idéologique au Moyen-Orient, mettant face à face deux puissances islamiques dans la région.
Depuis l’accès au pouvoir de Khomeiny en Iran, son nouveau régime s’est présenté comme le représentant des opprimés des musulmans dans le monde, et il a affirmé sa détermination à exporter sa révolution vers le reste des terres musulmanes. L’hostilité déclarée contre l’Arabie Saoudite en particulier était claire au niveau de l’idéologie de la Révolution de Khomeiny, d’autant plus que leur célèbre slogan « Les Etats-Unis sont le grand Satan ».
L’invasion soviétique de l’Afghanistan 1979
Cette invasion (1979/1989) et la résistance afghane ont alimenté les sentiments dans tout le monde islamique, donnant l’idée que les jours du jihad étaient revenus, et que l’ère des conquêtes se ressuscitait. Les histoires surnaturelles en ce qui concerne les capacités des moudjahidines en Afghanistan, racontées notamment par Abdallah Azzam (1941 – 1989) dans son livre « Les signes de la miséricorde divine dans le djihad afghan » sont entrées dans les esprits et les cœurs laissant les portes ouvertes pour les accepter.
La Guerre froide et son rôle dans le soutien de l’éveil
On ne peut pas séparer l’éveil islamique des chapitres de la Guerre froide du siècle dernier, étant donné que la religion était l’une des principales armes utilisées par le « monde libre » dans son conflit contre le camp socialiste. Et la stratégie religieuse de la guerre froide était particulièrement axée sur ce qu’on appelle « Le monde islamique ». Dans ce contexte, on fait habituellement référence au rôle des États-Unis et de la Grande-Bretagne qui sont alliés avec le Pakistan et l’Arabie saoudite pour soutenir les moudjahidines afghans. Ce soutien a atteint le point le plus élevé et le plus clair lors de la visite de la première ministre britnnique « Margaret Thatcher » aux frontières pakistanaise/afghane en 1981, et sa confirmation aux moudjahidines en présence du président pakistanais Muhammad Zia-ul-Haq que « le cœur du monde libre est avec vous ».
Selon des documents secrets publiés par les services secrets américains sur l’exploitation de l’éveil islamique par les Américains pendant la guerre froide, la planification de la pénétration de l’organisation Hassan al-Banna en Europe est due à l’administration du président américain Dwight Eisenhower, et ce à partir du moment où il rencontrait Saïd Ramadan, le mari de la plus jeune fille de Hassan al-Banna à Washington en 1953. Celui qui visite la bibliothèque du président Eisenhower au Kansas verra des documents liés à la rencontre d’Eisenhower avec Saïd Ramadan, que ces mêmes documents le qualifiaient du «ministre des Affaires étrangères des Frères musulmans».
Et la relation entre les Frères musulmans et la Central Intelligence Agency américaine a permis à Saïd Ramadan la fondation de ce qu’on appelait plus tard « l’organisation internationale » des Frères musulmans, en tant que groupe fonctionnel dont le but était d’atteindre les objectifs américains dans la région arabe et dans les pays islamiques, voire en Europe, en Russie, puis en Chine plus tard. Les documents dont une partie a été publiée dans le livre de « Robert Dreyfus » ont révélé comment les Etats-Unis ont aidé les Frères musulmans à étendre leur réseau et à gagner des membres et des financements afin de faire face à l’Union soviétique à l’époque.
La deuxième Guerre du Golfe 1991
Les «éveillistes » ont défié les autorités politiques et religieuses d’Arabie saoudite représentées par le Conseil des oulémas et ils sont entrés en conflit avec eux, après avoir adopté des positions par rapport à la politique du régime, critiquant publiquement la présence des forces étrangères en Arabie saoudite, et la coopération de leur pays avec les États-Unis d’Amérique lors de la deuxième Guerre du Golfe en 1991.
Le déclin de l’ère de l’éveil islamique : les Causes et les répercussions
Durant près de cinq décennies, l’âge de l’éveil, les pays arabes vivaient dans une situation centrés sur la religion où les rêves nationalistes des pays de l’après indépendance régressaient pour être remplacés par une « Utopie » religieuse ainsi que les slogans de développement, de la modernisation et de la démocratie ont été remplacés par ceux de retour à la religion et de l’application de la charia. Malgré tout cela, l’éveil islamique est aujourd’hui est en voie de disparition, comme s’il représentait une certaine crise, et des circonstances politiques, sociales et culturelles/religieuses – hors du cadre de l’action historique, ce qui laissait présager sa défaite définitive, et sa prochaine sortie du paysage.
Quelles sont donc les causes de la mort de l’éveil puis sa disparition ?
La loi du mouvement de l’histoire
La loi du mouvement de l’histoire a peut-être s’est appliquée sur l’ère de l’éveil, étant donné que les introductions correctes mènent à des résultats corrects, et vice versa. L’éveil islamique a épuisé ses grandes opportunités. A cause de l’étroitesse de son esprit vis-à-vis de la culture du partenariat avec l’autre et qu’il croyait posséder la vérité absolue; et qu’il est d’origine divine ; il s’est enfermé sur lui-même et n’a pas profité des circonstances environnantes.
Les raisons subjectives
Souvent, les raisons subjectives sont derrière la mort de la plupart de ces mouvements. Les mutations profondes ayant engendré son ancienne prospérité, et les facteurs ayant contribué à la montée de l’éveil, ont reculé, se sont affaiblis, ou ils sont retournés contre lui en devant des facteurs qui contribuaient à son déclin, ou qui le freinaient. Par exemple, la marge générale de l’ignorance dans laquelle a investi beaucoup l’éveil commence à disparaitre relativement, contre un état de conscience qui se demande où nous mènerait la politique de ces mouvements?
Les raisons objectives
Les raisons objectives étaient liées à son implication dans des conflits armés, dont certains au nom de régimes et de gouvernements régionaux qui le soutenaient, en abandonnant le devoir le plus important qu’il avait entrepris tout au long de son histoire. Il s’agit de suivre les évolutions et les développements à travers une production intellectuelle qui les explique, définit la position de l’Islam à leur égard, et oriente les musulmans en général vers ce qu’ils doivent faire à leur égard.
Pour l’observateur et ceux qui s’intéressent à la question de l’éveil, la fascination du public par certains leaders religieux a fortement diminué. Cependant, l’effondrement total du projet de cet éveil reste conditionné par le déclin de l’expérience turque et de l’expérience iranienne, étant donné que ces deux expériences sont présentes dans la conscience des débris de l’éveil, et une comparaison est toujours faite par rapport à elles ! On ne peut pas non plus parler aussi de l’effondrement du mouvement de « l’éveil » après sa défaite, malgré les indices de son déclin, tant que les raisons de son émergence existent toujours, comme l’un des moteurs du conflit dans la région, représentés par l’escalade des conflits sectaires. Probablement, cette société pousserait vers l’émergence de nouveau d’un courant politique islamique, en comparaison duquel l’«éveil » effondré sera plus clément et moins extrémiste. Cela ce qui s’est passé avec la naissance de Daech.