Le 15 octobre 2023, les élections législatives ont eu lieu en Pologne. La campagne a été marquée par différents scandales et affaires, dont la publication des plans de défense de la Pologne, pas contemporains certes, mais tout de même. Les enjeux étaient très importants : le parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), se battait pour rester au pouvoir, tandis que la Coalition civique (KO), une alliance politique d’opposition au PiS, s’efforçait de reprendre le pouvoir qu’elle avait perdu à la suite des élections législatives de 2015.
Selon la commission électorale polonaise, le parti au pouvoir, le PiS, a remporté les élections avec 35,38 % des voix, tandis que le PO est arrivé en deuxième position avec 30,7 % des voix. Même s’il semble que le PiS devrait célébrer sa victoire, en réalité, il n’a pas obtenu suffisamment de voix pour avoir la majorité et former unilatéralement le gouvernement. Différents scénarios sont donc possibles, mais il est fort probable qu’il appartiendra aux partis d’opposition de créer une coalition et de diriger le pays.
Différents cercles en Europe de l’Ouest ont approuvé les résultats et certains n’ont pas caché leur joie, d’autant plus que le PiS menait une politique plutôt indépendante et assez sceptique à l’égard de l’immigration excessive dans l’UE, allant même jusqu’à bloquer la déclaration finale lors du sommet de l’EUCO fin juin, protestant ainsi contre la relocalisation forcée des migrants.
La question de l’immigration a été présente dans différents discours au lendemain des élections. Le 5 octobre 2023, soit 10 jours avant le jour du scrutin, le président polonais, Andrzej Duda, a fait une déclaration forte sur les questions migratoires, en les rapprochant du référendum : « Aujourd’hui, les élites européennes, les groupes au pouvoir en Europe tentent d’imposer aux nations européennes leur opinion, leur position, leur approche idéologique sur cette question. Nous ne sommes pas d’accord avec cela, nous pensons que la chose la plus importante est la volonté des nations, et donc, à notre avis absolu, le référendum est un signe mesurable de la volonté des Polonais. »
Quant à Donald Tusk, chef de la Plateforme civique, il a exprimé sa position sur l’immigration fin septembre, moins d’un mois avant les élections. Et son message était plutôt clair : « Lorsque je deviendrai Premier ministre, ministre en charge de la sécurité, je ne serai pas un activiste humanitaire ou migratoire, je serai responsable de la sécurité et de l’étanchéité de la frontière et du territoire. » Il est intéressant de noter qu’en 2017, Donald Tusk, alors chef du Conseil de l’UE, avait déjà déclaré que les quotas obligatoires de migrants « n’avaient pas d’avenir ».
Mais malgré les messages politiques forts, la question de l’immigration n’était pas importante pour les électeurs dans le contexte de la campagne électorale. Par exemple, selon l’enquête menée en mars 2023 par SW Research pour l’un des principaux journaux polonais, Rzeczpospolita, l’économie et l’inflation étaient la priorité numéro un pour 47,4 % des répondants polonais. Viennent ensuite la guerre entre la Russie et l’Ukraine (13,5 %) et les relations de la Pologne avec l’UE (10,5 %). Seulement 2 % des personnes interrogées ont répondu que le sujet le plus important serait la politique étrangère.
Un autre sondage réalisé par Kantar, également en mars 2023, pour les chaînes « Facts » TVN et TVN24, n’a fait que confirmer les résultats du sondage précédent en soulignant trois questions clés qui préoccupent les électeurs : les soins de santé, l’économie et l’inflation, ainsi que les questions liées à l’éducation.
En septembre dernier, à la suite du « scandale des visas », le sondage réalisé par United Surveys pour RMF FM et Dziennik Gazeta Prawna a montré que l’opinion des Polonais sur la politique migratoire de leur pays était divisée. Ainsi, 33,6 % des personnes interrogées considèrent que la politique migratoire polonaise est bonne, tandis que 32,2 % la jugent mauvaise. Il n’est pas non plus surprenant de constater que 75 % des personnes interrogées qui soutiennent le PiS ont une bonne opinion de la politique migratoire, tandis que 57 % de celles qui soutiennent les partis d’opposition ont une opinion négative.
Mais le référendum qui s’est déroulé le même jour que les élections législatives en Pologne ne doit pas être ignoré. Parmi les quatre questions posées, deux concernaient les migrations et la protection des frontières. Par exemple, 94,04 % des électeurs ont répondu négativement à la question concernant la nécessité de démanteler la clôture à la frontière avec le Belarus, tandis que 96,79 % ont également répondu négativement à la question concernant l’admission des migrants illégaux du Moyen-Orient et d’Afrique dans le cadre du mécanisme de relocalisation forcée imposé par l’UE.
D’où la question suivante. L’immigration est-elle un sujet important pour les Polonais ? Naturellement, nous pouvons répondre par l’affirmative, mais il semble que les choses soient un peu plus nuancées. Quoi qu’il en soit, la question des migrations restera une priorité de l’agenda politique, en particulier dans les relations de la Pologne avec Bruxelles, quelle que soit la configuration du gouvernement qui n’a pas encore été formé.
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