Malgré la dissemblance des points de vue entre les États-Unis et la Turquie par rapport à de nombreuses questions, l’affaire des missiles russes S-400, que la Turquie ayant achetés de la Russie, demeure le point le plus important dans le dossier pour rétablir les relations d’alliance entre Ankara et Washington, deux membres de l’OTAN. C’est ce que David Satterfield, l’ambassadeur américain à Ankara, a indiqué en exprimant son espoir que ce problème soit rapidement résolu.
Il est à rappeler que l’ancien président, Donald Trump, a imposé une série de sanctions à la Turquie, puisque cette dernière était déterminée à conclure l’affaire de l’acquisition du système de défense aérienne russe, considérée par les États-Unis comme une menace pour les forces de l’OTAN dans la région.
Dans le même contexte, l’ambassadeur américain a laissé entendre que l’administration de Biden s’oriente vers la formulation de nouvelles approches politiques en ce qui concerne certaines questions liées à la Turquie, tout en insistant que son pays adopte encore la même position appelant la Turquie à abandonner les missiles russes S-400, comme c’était le cas avec l’administration de l’ancien président.
Satterfield a ajouté que son pays a imposé les sanctions d’une manière très sensible et pointue, dans le but de ne pas affecter la totalité des industries de défense turques, en soulignant que la Loi d’autorisation de la défense nationale stipule que la Turquie ne doit pas obtenir le système S-400 afin de ne pas être soumise aux sanctions JASTA.
Rien n’a changé et la Turquie a raté des occasions :
De son coté, le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a déclaré que rien n’a changé dans la vision des États-Unis en ce qui concerne cette affaire avec le changement du président et de l’administration, en notant que la Turquie constitue un ancien allié considérable dans l’OTAN.
Kirby a poursuivi : «La décision d’Ankara d’acheter des missiles S-400 ne correspond pas à ses obligations en tant qu’allié des États-Unis et membre de l’OTAN», tout en niant en même temps les justifications d’Ankara en relation avec l’achat de ce système qui, selon lesquelles, était venu après l’échec d’obtenir le système américain de missile Patriot.
Kirby a expliqué qu’au cours de la dernière décennie, Ankara a eu plusieurs opportunités pour achever l’achat du système de défense Patriot des États-Unis, mais elle a préféré acheter le système S-400 qui donne à la Russie outre l’argent, l’accès et l’influence, selon ses déclarations.
Le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a indiqué, rappelle-t-on, lors d’un entretien téléphonique avec le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, qu’il y a une volonté d’établir des relations fortes, durables et constructives entre les deux pays.
Lignes rouges :
Commentant la possibilité de restaurer les relations entre la Turquie et les États-Unis, le chercheur en relations internationales Jalal Abd al-Ati a dit que la Turquie souffre actuellement d’une crise des relations, ne pouvant pas être divisée en deux, car elle a atteint l’étape où elle est contrainte de choisir d’être parmi l’axe américain ou celui russe. Il a considéré par ailleurs que le gouvernement turc a commis une erreur au cours des quatre dernières années en exagérant avec ses relations avec la Russie, qui ont atteint le stade d’une alliance dans certains cas.
Abd al-Ati a expliqué que « L’arrivée des Démocrates à la Maison Blanche a perturbé les calculs turcs, qui étaient basés sur l’hypothèse d’un second mandat pour Trump, surtout que les Démocrates vont être plus durs envers l’influence russe au Moyen-Orient, en Europe de l’Est et en Asie centrale». Il a considéré de même que la perte de Trump aux élections présidentielles a constitué un tournant majeur dans les relations et les alliances au niveau international.
Il est à rappeler que la Turquie a conclu une série d’accords avec la Russie dans plusieurs dossiers internationaux, dont notamment l’affaire syrienne, l’accord d’Astana, la position par rapport à la question turque et l’affaire des gazoducs russes vers l’Europe.
Le dilemme des relations turques, selon Abd al-Ati, est lié aux disparités extérieures et intérieures, en le justifiant : «La situation interne turque requiert du gouvernement turc de s’orienter davantage vers l’Occident, notamment que cela peut lui apporter en termes d’amélioration de l’économie en berne, mais la Russie est incapable de le lui offrir, tandis que les relations extérieures empêchent Ankara de rompre l’alliance avec la Russie. D’autant plus qu’elle s’est piégée en s’engageant dans des relations difficiles à rompre avec une simple décision.
Miser sur le mauvais cheval :
Dans le contexte liant la politique intérieure à celle étrangère, l’analyste politique, Masoud Dakouri, a supposé que la Turquie finira par favoriser la rive des États-Unis et l’abandon de l’accord en relation avec les missiles susmentionné, surtout avec les ambitions du président turc de continuer dans son poste qui nécessitera un amendement de la Constitution lui permettant de briguer un troisième mandat. Il a ajouté : «ces pas nécessiteront une sorte de stabilité politique et économique dans le pays et l’amélioration de la popularité décroissante du parti au pouvoir. Tout cela est lié à l’ajustement de l’aiguille des mouvements politiques diplomatiques turcs, notamment que les misères de la Turquie se sont aggravées davantage après ses alliances avec la Russie et la Chine ».
Dakouri a estimé également que les déclarations des responsables américains ont rendu l’équation claire : «l’annulation de l’accord des missiles russes contre le retour des relations». Il a considéré que si le gouvernement turc reste sur la même position en décidant de maintenir ses relations avec la Russie, elle va miser sur le mauvais cheval.
Des sources du Département américain de la Défense ont révélé que l’administration Biden ne compte pas enlever l’interdiction imposée par l’administration de son prédécesseur Donald Trump sur l’achat par la Turquie des avions de chasse F-35 Lightning, en réponse à l’achat par Ankara de système de défense aérienne russes, selon le site « Défense One ».