Le conflit israélo-palestinien a longtemps été éclipsé dans les médias par les événements turbulents au Moyen-Orient – c’est-à-dire principalement par ce qui s’est passé dans la région à la suite du printemps arabe. Il s’agissait de conflits sanglants en Syrie, en Irak, au Yémen et ailleurs. Peut-être que le Liban, qui est enlisé dans des problèmes structurels à long terme, a aussi commencé à faire parler de lui davantage. Il est également vrai qu’il y a eu beaucoup plus de morts au cours de la décennie des conflits mentionnés que pendant presque tout le siècle de conflits entre Israéliens et Arabes. Mais sous couvert de l’après-Printemps arabe, des changements spectaculaires ont également eu lieu au sein de la politique israélienne – et, comme on peut le voir aujourd’hui, palestinienne.
Aujourd’hui, la situation des médias s’est inversée et on ne sait plus très bien ce qui se passe en dehors d’Israël et de la Palestine. Il sera intéressant de voir ce que la nouvelle dynamique destructrice israélo-palestinienne fera de l’émoussement de la lame entre l’Arabie saoudite et l’Iran, et si les Américains parviendront à faire un retour en force au Moyen-Orient, où leur influence a visiblement décliné au cours de la dernière décennie.
Un autre aspect est l’impact des développements qui se produisent sur d’autres continents. Il est impossible de ne pas mentionner l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a eu un certain impact sur le Moyen-Orient. Toutefois, on a surtout parlé de l’impact économique sur les prix des denrées alimentaires dans cette région. C’est en Syrie que les liens avec la Russie sont les plus forts, et on ne les retrouve pas actuellement sous une forme aussi importante ailleurs dans la région. Le récent conflit entre Poutine et le groupe Wagner, qui, par le passé, défendait les intérêts russes de manière beaucoup plus importante, pourrait également avoir eu un impact sur leur affaiblissement. Pour le reste, la Russie poursuit sa « politique tous azimuts » au Moyen-Orient, ce qui se traduit par exemple par des relations parallèles avec Israël et le Hamas, par des relations oscillantes mais persistantes avec Erdogan, par le départ de l’Arménie et un plus grand soutien à l’Azerbaïdjan, etc.
Quant au processus de normalisation israélo-arabe à la lumière de la récente attaque du Hamas contre Israël, je ne pense pas que les événements actuels à Gaza auront une influence telle qu’ils perturberont directement les nouvelles relations diplomatiques (et les plus anciennes – par exemple, israélo-jordaniennes ou israélo-égyptiennes). Cependant, nous pouvons imaginer que cela peut sérieusement les refroidir, ou dans le cas d’un suivi – par exemple avec l’Arabie Saoudite – sérieusement les ralentir. Ainsi, par exemple, certains projets économiques ou d’armement entre Israël et les pays arabes pourraient être interrompus. Les dirigeants arabes sont souvent des pragmatiques sans scrupules, mais ils ne sont pas complètement immunisés contre la pression de leur rue.
Outre la Russie, la Chine poursuit une diplomatie plus ambitieuse dans la région. À cet égard, le plus grand succès diplomatique de Pékin s’est produit au printemps dernier, lorsqu’elle est parvenue à réconcilier, au moins sur le plan diplomatique, les puissances régionales en conflit depuis deux décennies, à savoir l’Arabie saoudite et l’Iran. La Chine joue beaucoup sur son « soft power » au Moyen-Orient, sous la forme d’une puissance économique croissante. Comme si la devise de la Chine au Moyen-Orient était : « Cessez vos querelles et venez nous voir ! », « Cessez vos querelles et venez plutôt faire des affaires avec nous… ».
La politique étrangère de l’Iran est un autre sujet d’intérêt international et je pense que l’Iran ne souhaite pas entrer en conflit ouvert avec Israël. Téhéran est bien plus à l’aise avec sa politique actuelle qui consiste à influencer, ou à provoquer, les événements au Moyen-Orient avec l’aide de ses mandataires, par exemple le Hezbollah au Liban ou les Houthis au Yémen. Mais même ces derniers ne sont pas de parfaits laquais de l’Iran. En outre, l’Iran a plusieurs alliés au Moyen-Orient – peut-être même le Hamas, ou certains politiciens irakiens et syriens. Mais ils sont encore moins soumis à l’influence directe de l’Iran.
Quant à la politique étrangère tchèque, elle se caractérise par une ligne de soutien totalement unilatérale à l’égard d’Israël. Il s’agit d’une tendance spécifique à long terme dans la majeure partie du spectre politique tchèque depuis au moins deux décennies. Cette tendance est revenue sur le devant de la scène, notamment à l’occasion de la nouvelle crise du conflit israélo-palestinien. Mais la République tchèque a également entretenu des relations très spécifiques avec des pays tels que la Syrie d’Assad, comme l’ont montré les activités controversées de l’ambassadeur tchèque sortant à Damas. Les relations avec la Turquie et certains autres régimes du Moyen-Orient sont également bonnes. La politique étrangère tchèque aimerait jouer la carte des « droits de l’homme » dans l’esprit de l’ancien président Václav Havel, mais il semble qu’elle n’y parvienne pas vraiment au Moyen-Orient.
A propos de l’auteur : Dr. Marek Čejka se concentre sur le Moyen-Orient, la relation entre la religion et la politique, le droit international, le radicalisme religieux et le terrorisme. Il a publié des livres suivants : Judaism and Politics in Israel (2002, 2009), Israel and Palestine (2005), Encyclopedia of the Middle Eastern Terrorism (2007), History of Modern Israel (2010), photographic book People of the Holy Lands (2012) et il est co-auteur du livre Rabbis of our Time (2016, Routledge). Il tient un blog sur le Moyen-Orient accessible via http://blizky-vychod.blogspot.com.
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