Bien que les Tunisiens tentent de sortir de l’impasse politique, fruit du différend entre la présidence de la République et le gouvernement, ainsi que le Parlement, le pays traverse par d’autres crises plus compliquées à cause de la situation économique vulnérable, et la propagation de l’épidémie de Coronavirus, accompagnées de la régression de la possibilité de bénéficier d’une «vie digne» à cause des taux de chômage élevés qui, selon les observateurs, constituent une nouvelle menace pour les provisions des pauvres. Et ils attisent la tension dans le pays, berceau des révolutions du Printemps arabe, et rappellent les circonstances de vie par lesquelles traversaient les Tunisiens il y a plus de 10 ans, et ont conduit au déclenchement de la « Révolution du jasmin», après que «Bouazizi» avait mis le feu à son corps.
Face aux crises que traverse le pays, la hausse du coût de la vie est devenue une menace réelle pour les classes pauvres et vulnérables et pour leurs droits alimentaires les plus fondamentaux, après la flambée des prix des matières premières qui constituent le panier de la ménagère des personnes à faibles revenus. Cela a renforcé la possibilité de reproduire le même scénario de la révolution.
Les statistiques publiées par l’Institut national de la statistique indiquent que les produits alimentaires ont augmenté de 7,2% au cours du mois de juin, en raison d’une augmentation des légumes de 13% et d’une hausse des prix des huiles alimentaires de 16,5%, ainsi qu’une augmentation de 8 pour cent du prix du lait et ses dérivés, tandis que les prix des poissons ont enregistré une hausse de 7,6% et 6,4% pour les prix de la viande.
Quant aux données publiées par l’Observatoire national de l’agriculture, elles ont démontré que les pics de la hausse des prix des légumes ont également dépassé 50% pour certaines catégories au cours du mois dernier : le prix des pommes de terre ayant augmenté de 52%, celui du piment de 15% et le prix des pastèques de 11% et celui des sardines de 11%.
La hausse des prix menace les subsistances des pauvres
L’économiste Noman Tafouchi ne dissimule pas son pessimisme quant à l’amélioration de la situation, en considérant que le rythme de la hausse des prix continuerait de constituer une grande pression vitale sur les différentes classes sociales, en particulier les pauvres qui font face à des prix élevés sans que les mesures sociales puissent suivre le rythme de la hausse de la vie, en ajoutant que cela contribuera à l’élargissement du cercle de la pauvreté dans le pays au cours des prochaines années et peut-être des prochains mois.
L’expert économique a mis l’accent sur la baisse des quantités des produits agricoles qui passent par les marchés de gros et les circuits de distribution organisés, en notant que cela explique la flambée des prix due à la spéculation sur les prix et au contrôle des réseaux de distribution et des prix par certaines parties qui les monopolisent, en soulignant l’absence du contrôle par les services gouvernementaux sur les prix. Cela a contribué à création d’un cartel de l’agroalimentaire en Tunisie qui est devenu le principal acteur contrôlant les prix qui ne cessent de grimper, malgré l’abondance de l’offre et la baisse de la consommation orientée vers les secteurs du tourisme et de la restauration en raison des périodes de fermeture fréquentes.
Tafouchi a mis en question les allégations du gouvernement selon lesquelles l’aide sociale fournie aux pauvres permet d’assurer des dépenses minimales conformément aux normes internationales, en indiquant que ces aides ne sont pas en phase avec les variables économiques et les augmentations des prix, et n’ont pas atteint leur objectif principal consistant à lutter contre la pauvreté et faire sortir les familles de la situation d’indigence.
De même, Tafouchi a confirmé également les taux élevés de la pauvreté dans le pays, puisqu’elle touche actuellement entre 28 et 30% des familles à cause de la baisse des revenus et de la hausse du taux de chômage.
Une «révolution des affamée» en préparation
La pandémie de Coronavirus est la raison de la régression des opportunités d’une vie décente en Tunisie, selon le chercheur social «Khaled Chartini», en ajoutant que de nombreux salariés journaliers ont perdu leur emploi en raison de la pandémie, au milieu de la baisse des revenus du secteur du tourisme suite à la fermeture générale imposée par la Tunisie à l’instar de nombreux autres pays.
Chartini a poursuivi que nombreux entrepreneurs de petites et moyennes entreprises ont perdu leurs projets et n’ont pas été indemnisés par l’État, en considérant que son pays se trouve dans une situation «plus compliquée en comparaison à la crise qui avait conduit à la «Révolution du jasmin » contre le président « Ben Ali il y a 10 ans, en rappelant que le peuple s’était révolté en 2011 pour de dignité, tandis que «la situation économique était bien meilleure par rapport à la situation actuelle».
Le chercheur prévoit que cette fois le pays va connaître une «révolution des affamés», selon ses propos, surtout avec l’augmentation de l’émigration tunisienne pour s’échapper au mal n «mal» qui les attend, en indiquant que le nombre d’immigrants clandestins de la Tunisie vers les côtes italiennes a redoublé cette année.
Selon «Chartini», les immigrés tunisiens constituent le plus grand nombre de nationalités d’immigrés arrivant en Italie l’année dernière, avec 38%.
Les chiffres du ministère italien de l’Intérieur indiquent que 12.883 Tunisiens sont arrivés en Italie en 2020, près de cinq fois plus que leur nombre en 2019, tandis que « Chartini » a affirmé que le nombre des Tunisiens qui sont partis du pays au cours de l’année en cours est bien supérieur aux chiffres enregistrés par les autorités italiennes.
Des positions politiques intransigeantes derrière la catastrophe
La politologue et spécialiste dans les affaires tunisiennes, Nihad Trabelsi, a estimé que cette situation est engendrée par la tension politique et la scène tunisienne «intransigeante» de la part des décideurs dans le pays, puisque chacun des acteurs se tient à sa position, au détriment du développement qui dépend d’un accord politique tardant encore.
«Trabelsi» a souligné à cet égard que les partis politiques ne poussent pas vers une solution. Chaque partie veut imposer son agenda et sa vision politiques, tandis que les classes des pauvres et moyenne restent les plus touchées par ce blocage, en ajoutant : « En Tunisie aujourd’hui, il n’y a ni soutien ni indemnisation en cas de pertes».
Trabelsi est en accord avec le chercheur «chartini» sur le fait que si la situation continue de cette façon avec la même intransigeance et que chaque partie refuse de donner des concessions, la situation ira vers l’explosion, l’instabilité et peut-être une deuxième révolte avec une forme et des objectifs peut-être plus radicaux par rapport à celle de 2010 .
Dans le même contexte, il a révélé également que la Tunisie vit dans une sorte de lutte des classes sociales, «car il y a des familles qui gouvernent le pays de manière rentière et réduisent toutes les lois pour servir leur influence, au détriment du reste des classes sociales».
Il est à noter que la Tunisie connaît une augmentation significative des cas infectés par le «Covid-19», et les autorités sanitaires affirment que les unités de soins intensifs sont pleines et que la situation est catastrophique.
Le pays a également récemment établi un nouveau record du nombre de décès dus au Coronavirus comme l’a annoncé le ministère de la Santé aujourd’hui, vendredi, avec 205 décès en 24 heures, soit le plus grand nombre de décès quotidiens depuis l’émergence de l’épidémie, et 6787 nouveaux cas infectés par le Coronavirus enregistrés. Tout cela suscite des inquiétudes quant à la capacité du pays à lutter contre la pandémie car les unités de soins intensifs des hôpitaux sont saturées et les réserves d’oxygène sont rares.
De son côté, l’Organisation mondiale de la santé a indiqué que le nombre de décès quotidiens en Tunisie est le plus élevé d’Afrique et des pays arabes», tandis que le nombre total d’infectés a atteint environ 530.000, tandis que le nombre de décès a atteint 17.200.
La Tunisie traverse une crise politique et constitutionnelle complexe en raison du refus du président Kais Saïed d’accepter les nouveaux ministres, choisis par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, soutenu par le mouvement Ennahdha et Qalb Tounes, lors du remaniement gouvernemental afin de prêter serment après avoir obtenu la confiance du Parlement le 26 janvier.
Et au cours de la dernière période, des voix se sont élevées au parlement, mettant en garde contre les répercussions du maintien de Ghannouchi à la tête du Parlement sur le rendement parlementaire et sur la future stabilité politique du pays, ainsi que le cercle populaire s’est élargi contre ses pratiques en exigeant son retrait de la scène politique pour l’intérêt général et afin d’ouvrir la voie devant une éventuelle solution pour la crise politique dans le pays.
Ghannouchi avait déjà fait face à la menace d’être destitué de son poste en juillet dernier, lorsque 4 blocs parlementaires ont soumis une liste de retrait de confiance contre lui, qui n’a pas été adoptée en session plénière au Parlement, après que 97 membres ont voté par «oui», tandis que 16 députés ont votre contre. Par ailleurs, 18 votes ont été annulés. Le mérite du maintien de Ghannouchi à la tête du Parlement à l’époque revient à son allié, le parti «Qalb Tounes».